chapitre 14

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Au même moment, siège du C.A.S. Peterson est loin de passer la meilleure journée de sa vie, très loin même. Le bras droit n’a toujours aucune nouvelle de son supérieur, depuis que ce dernier a subitement disparu la veille. L’agent n’a pas pu retourner chez lui et a été contraint d’assurer l’intérim à l’agence. Les démarches administratives ne sont pas ce qu’il affectionne le plus dans son travail, surtout pas après que l’assaut de la veille se soit terminé par un échec. Il doit rendre des comptes et il a de plus en plus de difficultés à faire patienter le comité de direction qui souhaite savoir ce qu’il en est.

Peterson a l’impression d’avoir pris dix ans en l’espace d’une seule journée, tellement il se sent épuisé. L’agent donnerait tout pour revoir son directeur et lui confier à nouveau les rênes de l’agence. Ce n’est pas un boulot pour lui, il doit avouer qu’il est incompétent dans tout ce qui a trait à la politique. Il préfère ne pas s’en mêler et se demande comment Cross réussit à ne pas craquer sous autant de pressions. Les autres agents présents dans le building ne le dérangent pas, sauf en cas d’extrême urgence. Ils savent qu’il doit se concentrer et ils ne veulent pas le pousser à bout.

Peterson commence à se demander si l’influence de son supérieur ne commence pas à déteindre sur lui. Il devient aussi irritable que lui et ne se reconnait plus. Peterson se promet qu’une fois que la situation sera revenue dans l’ordre, il fera le nécessaire pour redevenir l’homme charmant qu’il a toujours été. Il ne veut pas être craint par ses collègues mais seulement respecter. Il n’a pas la prétention de devenir un Cross junior. L’agent entre dans le bureau de Cross afin d’y déposer différents rapports, suite au raid de la veille. Au moment où il s’apprête à faire demi-tour, il entend une voix qu’il ne connait que trop bien :

- Alors Peterson, on ne frappe jamais aux portes !

L’appelé se retourne sous le coup de la surprise et voit son supérieur, sortir de la petite pièce qui lui sert de salle de bains privé. Cross semble être en forme, il porte un nouveau costume et s’essuie les cheveux avec une serviette. Peterson reste immobile, la bouche ouverte sans qu’aucun son n’en sorte. Il n’en revient pas de tomber nez à nez avec son patron. Cross n’a pas son pareil pour réussir à surprendre les autres.

Le directeur agit comme si de rien n’était, alors que de son coté, Peterson a tellement de choses à lui dire qu’il ne sait pas par où commencer. Il n’arrive pas à croire que Cross agisse avec autant d’indifférence alors qu’il sait pourtant que la situation est délicate. Le bras droit prend le temps de réfléchir à ce qu’il va dire, ne voulant pas que le stress lui fasse énoncer des choses qu’il regretterait par la suite.

- Mais monsieur, on vous cherche depuis hier soir, comment êtes-vous entré ?

- Peterson. Nous avons tous nos entrées secrètes ! s’exclame Cross, avec un sourire espiègle sur les lèvres.

Peterson est encore plus estomaqué par le fait que son supérieur ébauche un sourire. Aussi loin que remonte leur collaboration, il ne se souvient pas l’avoir déjà vu avec une telle émotion affichée sur le visage. Cross semble au comble du bonheur, ce qui ne lui ressemble pas du tout. Son bras droit se demande où il a pu disparaitre et ce que cache sa bonne humeur. Son directeur est loin d’être une personne qui montre ses sentiments. Peterson aimerait bien le questionner, mais il ne veut pas paraitre indiscret, sachant que Cross pourrait mal réagir. L’agent ne veut pas être celui qui lui fera perdre son sourire. Mais cela lui fait tout de même bizarre de voir son patron ainsi, il ne se sent pas à l’aise avec ce nouveau comportement, ne sachant pas comment se comporter.

- J’ai de plus en plus de mal à contenir le comité. Ils veulent tout savoir par rapport à hier soir.

- Mais vous ne leur avez rien dit ?

- Non, je me suis dis qu’il serait préférable de vous attendre.

Cross hoche la tête d’un air satisfait, tout en ébauchant un sourire narquois, presque sadique. Peterson détourne les yeux, ne pouvant supporter ce regard carnassier plus longtemps. Un frisson désagréable lui parcourt le dos.

- Vous avez très bien fait. Finalement, je ne suis pas entouré que d’imbéciles ! Je vous remercie, vous pouvez disposer.

Peterson hoche la tête, mais ne peut s’empêcher de poser la question qui lui brûle les lèvres. Il sait que sa curiosité finira par lui jouer des tours, mais il meurt d’envie d’en apprendre davantage. Et peut être qu’ainsi il comprendra pourquoi son responsable est si joyeux.

- Est ce que je peux savoir où vous étiez durant tout ce temps ?

L’agent s’attend à ce que son patron l’insulte ou le congédie violemment mais au lieu de cela ce dernier s’assoit tranquillement derrière son bureau et lui répond sans aucune animosité dans la voix.

- Je taillais une bavette avec un ancien camarade.

Peterson acquiesce de la tête, surpris que son patron lui ait répondu en toute honnêteté, sans chercher à garder le mystère sur sa disparition. Il sait que ce n’est pas une raison pour lui poser d’autres questions car il risque de s’énerver, s’il poursuit dans cette voie.

- En parlant de ça, je veux que vous me sortiez tout ce que vous pouvez sur un certain psychologue du nom de Myrick. Il officie à Chicago.

- Cela concerne notre affaire ?

Cross tourne la tête vers lui et le regarde droit dans les yeux, toute sa colère est revenue. Peterson comprend le message, il a été trop loin avec ses questions et Cross est à deux doigts de s’emporter violemment. L’agent déglutie avec peine, n’ajoute rien et se dépêche de prendre congé.

De nouveau seul, Cross s’avachit dans son fauteuil confortable, lève la tête et regarde le plafond, l’esprit ailleurs.

- Père, j’y suis presque. Plus personne ne salira ta mémoire. Je tiendrai ma promesse !

Un large sourire pervers se glisse sur ses lèvres, en fantasmant à ce qu’il va faire de ses ennemis, une fois qu’il leur aura mit la main dessus. La chance a tourné, c’est lui qui dirige la partie maintenant et personne ne l’arrêtera.

Centre ville de Chicago. L’après-midi bat son plein, de nombreuses personnes se promènent dans les rues, malgré le froid et le vent violent. La vie continue sans que quiconque soupçonne, que des événements dangereux sont sur le point se produire.

Pendant ce temps au « student friends », Griffin et Sarah sont assis à une table au fond du bar afin d’y être plus tranquille pour discuter. Il n’y a pas encore foule à cette heure et les deux étudiants peuvent parler librement, sans avoir peur d’oreilles indiscrètes. Sarah fait signe à une de ses collègues et commande deux mojitos.

C’est la première fois que Griffin se rend dans ce lieu et il doit avouer qu’il apprécie l’ambiance qui y règne. Le jeune informaticien n’est pas un grand habitué des bars, pas parce qu’il n’aime pas ça. Mais la plupart de ses amis sont des geeks qui préfèrent passer tout leur temps libre devant leurs ordinateurs. Il ne se voit pas sortir tout seul et prendre un verre au comptoir, c’est trop déprimant. Mais il se promet qu’à l’avenir, il proposera à Shawn d’aller prendre un verre de temps en temps, cela pourrait être sympa. Mais ce n’est pas à l’ordre du jour.

Ce qui compte c’est d’apporter son soutien à Sarah et de l’aider du mieux qu’il le peut. Griffin s’installe plus confortablement sur la banquette, avant de se tourner vers la jeune femme.

- Alors dis-moi, quel est le problème avec Shawn ?

Sarah secoue la tête et pousse un long soupir en laissant ses épaules s’affaissaient. Elle donnerait tout pour pouvoir répondre cette question toute simple, cela lui permettrait de savoir comment arranger la situation. Elle sait qu’elle devrait suivre les conseils de Scarlett mais c’est plus fort qu’elle. La jeune étudiante en est incapable et du coup elle se sent plus démunie que jamais. Griffin ne la brusque pas, restant silencieux, lui laissant le temps de s’exprimer quand elle se sentira prête. Elle le remercie silencieusement pour cette délicate attention.

- Je n’en sais rien. Je me fais vraiment du souci pour lui. La dernière fois que je l’ai vu c’était hier et ça ne s’est pas bien terminé. Mais je sens que quelque chose de grave va se produire. Je suis peut être folle mais je me sentirai mieux lorsque je l’aurai revu. Mais il reste introuvable et ça m’angoisse. Je me sens pathétique !

- Tu es loin de l’être, crois-moi ! Je comprends ce que tu veux dire, je me fais aussi du souci pour lui. Ces derniers temps, il n’avait pas l’air au meilleur de sa forme, j’aurai voulu lui en parler. Mais bon, tu sais comment il est. Il sourit toujours mais au fond de lui, on sent bien que quelque chose le pèse. Ce n’est pas une personne qui s’ouvre facilement aux autres. Va comprendre pourquoi !

Sarah s’apprête à prendre la parole, mais elle referme la bouche en voyant que sa collègue se dirige vers eux. Cette dernière, un plateau à la main, dépose les consommations sur la table. Sarah ne veut pas que ses camarades de travail découvrent qu’elle ne va pas bien. Elle les apprécie sincèrement, mais elle préfère faire une vraie distinction entre sa vie professionnelle et sa vie privée.

- Je te remercie, Betty dit Sarah, en souriant à sa collègue.

- Pas de quoi et bien sûr c’est offert par la maison dit la serveuse, avant d’échanger un clin d’œil complice avec Sarah.

- Je devrais venir plus souvent si on est toujours aussi bien accueilli dit Griffin, en riant.

Le jeune informaticien trouve la dénommée « Betty » très attirante, il aimerait bien trouver le courage de l’accoster et de lui demander son numéro de téléphone. Mais il a beau fantasmer, il sait qu’il ne fera jamais le premier pas. Il n’est pas très doué pour la drague et manque de confiance en lui. Il espère qu’un jour les choses seront différentes et qu’il connaitra une belle et durable histoire d’amour. Ainsi, ses frères arrêteraient de se moquer de lui et Griffin pourrait partager des moments complices avec quelqu’un. Il en a très envie et serait prêt à arrêter les jeux vidéo pour se consacrer à une relation. Mais malheureusement ce n’est pas pour tout de suite. Il se promet de demander à Jamie comment il fait pour être si à l’aise avec la gente féminine. Peut-être que son camarade d’amphithéâtre pourrait lui donner des conseils pour la drague.

Une fois que la serveuse est repartie, les deux étudiants redeviennent sérieux et continuent leur discussion.

- Je sais qu’il ne se livre pas facilement, ça fait partie de son caractère. On ne le changera pas, mais je me suis dis que comme tu es son voisin de palier… Peut-être que tu en sais plus sur lui, quelque chose qui me permettrait de le comprendre dit Sarah, d’une voix presque suppliante.

Sarah voit le visage de Griffin se crisper, ce dernier semble hésiter, comme s’il n’était pas sûr de devoir aborder un sujet en particulier. Le jeune informaticien ne sait pas comment réagir. D’un côté, Shawn lui a fait confiance en lui dévoilant certains de ses secrets, mais en même temps, il voit bien que Sarah souffre de toute cette histoire et il s’est promis de l’aider. Mais il a l’impression de trahir son ami en parlant à la jeune femme et il n’est pas à l’aise avec cette idée. Sarah semble deviner la dualité qui s’agite chez le jeune homme, elle s’en veut d’en être responsable, mais elle a besoin de savoir.

- Si tu sais quelque chose, dis le moi, s’il te plaît. Je t’assure que je ne cherche qu’à l’aider et pas à l’enfoncer dit-elle.

Griffin reste silencieux pendant quelques secondes, avant de finir par hocher la tête :

- Je ne sais pas grand-chose. Il m’a demandé de l’aide pour rechercher son père.

- Son père ? demande Sarah, sous le coup de la surprise, ne s’attendant pas à cette nouvelle.

- Il a appris que son père a été à la même fac et il a cherché à en apprendre plus car il y’avait des points obscurs.

- Des points obscurs ? de quel genre ? demande Sarah, désireuse d’approfondir le sujet.

- On n’a jamais pu aller au bout des choses. Je me suis fait agresser et on m’a volé mes dossiers. A partir de là, Shawn a préféré faire cavalier seul pour me protéger, je n’en sais pas plus. Mais même s’il m’a dit qu’il avait arrêté ses recherches, je sais que ce n’est pas le cas. Mais je n’ai pas voulu le bousculer pour qu’il m’en dise plus.

- J’ignorais tout de cette histoire ! s’exclame Sarah, atterrée, n’arrivant pas à croire qu’elle n’était pas au courant.

- Il a besoin d’en apprendre d’avantage sur ses origines. Mais comme tu l’as dis, il n’est pas du genre à se confier. Il enfouie tout au fond de lui et j’ai peur que s’il continue sur ce chemin, qu’il finisse par exploser.

Sarah ne se sent pas très bien, elle est prise de vertige et a la gorge sèche. La jeune étudiante attrape son verre d’une main tremblante et le vide d’une traite avant d’acquiescer gravement de la tête. Grâce aux révélations de Griffin, elle commence petit à petit à comprendre pourquoi Shawn se comportait de façon si étrange ces derniers jours. Jamais, elle n’aurait pu penser qu’il traversait des épreuves aussi difficiles et au lieu de lui apporter tout son soutien, elle n’a fait que l’enfoncer et le critiquer.

Sarah s’en veut énormément, elle aurait dû garder confiance en lui et ne pas le juger. Mais à cause de sa rencontre avec le psychologue, tout s’est embrouillé dans sa tête. Pourquoi a-t-il fallu qu’elle gâche tout ? Si la situation ne s’améliore pas entre eux, elle s’en voudra toute sa vie. Elle remercie Griffin pour lui avoir fait confiance et lui avoir révéler la vérité. Ensuite, elle arrache un morceau de papier d’un de ses blocs notes et y inscrit son numéro avant de le donner au jeune homme.

- Si tu le revois ou si tu apprends quoi que ce soit, fais-moi signe. Peux importe l’heure à laquelle tu appelles, ok !

- Ça marche, tu peux compter sur moi dit Griffin, avant de glisser le bout de papier dans sa poche.

- Je suis vraiment désolé de t’abandonner comme ça, mais je dois y aller. Il faut que j’aille rejoindre Jamie. Mais prends autant de verre que tu veux, tu diras à Betty de les mettre sur mon ardoise.

- Ne t’en fais pas pour moi ! mais dis moi je peux te poser une question ? demande Griffin, qui semble hésiter à se lancer.

- Oui bien sûr, vas-y, je t’écoute dit Sarah, toute ouïe, curieuse de savoir ce qui le rend si mal à l’aise.

- Je sais que je suis un peu indiscret, mais tu tiens beaucoup à Shawn, n’est ce pas ?

- Euh, c'est-à-dire que…….balbutie Sarah, un peu prise au dépourvue par cette question et ne tenant pas spécialement à étaler ses sentiments.

- Je connais peu de gens qui ferait tout ce que tu fais. C’est admirable, j’espère qu’un jour quelqu’un en fera autant pour moi. En tout cas, il a de la chance de t’avoir comme amie. J’espère qu’il le sait sinon c’est un vrai crétin !

- Je te remercie, ça me touche balbutie Sarah avant de le saluer et de s’en aller.

La jeune étudiante sort du bar et respire un bol d’air frais. Le vent frais lui fait du bien pour se remettre les idées en place. Elle s’en veut de laisser Griffin, alors qu’il lui a apporté une aide inestimable. Sarah a l’impression de l’avoir utilisée pour obtenir des informations. Elle n’aime pas cette sensation, mais malheureusement elle est pressée. Mais quand toute cette histoire sera terminée, peu importe de quel façon, elle se promet de se rattraper. Sarah se dit qu’elle pourra toujours tenter de lui arranger un rdv avec sa collègue Betty. Elle a bien vu comment il l’avait regardé et l’étudiante sait que la jeune femme est célibataire en ce moment. Mais pour le moment, elle doit se concentrer sur le problème de Shawn. Sarah espère que Jamie aura eu des nouvelles entretemps. Elle ne saurait l’expliquer mais elle a un très mauvais pressentiment.

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