chapitre 11

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Shawn se sent nauséeux comme jamais, toutes les révélations se bousculent dans sa tête. Il est sûr que certaines sont vraies mais que son père soit Satan. Là ! Il a du mal à avaler la pilule. C’est tellement impensable ! Il s’est toujours senti différent, mais de là à croire ce conte fantastique ! Shawn n’est pas croyant, mais il se dit que si Satan existe, son opposé doit aussi l’être. Si le monde était au courant de cette histoire, les églises seraient beaucoup plus fréquentées, les gens retrouveraient leur foi. Et peut-être qu’ils seraient plus heureux, en sachant qu’il existe une entité au dessus d’eux. Mais ce n’est pas le cas du jeune noir, il ne veut pas de cet héritage, il ne veut pas entrer en guerre contre d’autres individus. Il veut juste vivre en paix, qu’on le laisse tranquille. Mais apparemment c’est trop demandé !

Max l’a aidé à deux reprises par le passé, il sait que sans lui, il ne serait plus là. Mais pourtant il n’a aucune confiance en lui, ni en Hayden. Il pousse un long soupir en comprenant que sa vie ne sera jamais simple, qu’il n’en sera jamais totalement le maitre. Il semblerait que son destin soit tout tracé et que ce dernier ne soit pas de tout repos. Comment ne pas déprimer en apprenant une telle chose.

L’idée de se rapprocher de Sarah et de mener une vie paisible à ses cotés, lui semble de plus en plus illusoire et futile. Comment pourrait-il vivre avec elle une histoire d’amour, quand il existe tant de dangers autour de lui. Il ne veut surtout pas qu’elle souffre ou qu’elle soit blessée à cause de lui. Finalement le fait qu’elle ait voulu couper les ponts la veille, est peut-être la meilleure solution. Même si cela lui en coûte de l’avouer.

Pourquoi est ce que le bonheur lui est il toujours refusé, qu’à t’il fait dans une autre vie pour mériter un tel traitement ? La vie est injuste, alors que ce qu’il souhaite le plus au monde c’est de trouver l’amour et de partager des moments complices avec quelqu’un. Mais on le lui refuse. Le jeune homme a envie de pousser un cri de rage, de hurler au monde entier toute la souffrance qu’il ressent. Il ouvre la bouche et pousse un cri sans son pendant plusieurs secondes, comme pour expulser en silence toute sa colère. Mais il ne se sent pas mieux pour autant, ressentant un profond vide en lui.

Shawn se demande si on ne cherche pas à le manipuler. Le jeune homme a l’impression que son cerveau va exploser. Il pense à dix mille choses en même temps. Shawn se rend bien compte qu’il n’a qu’une solution, il doit rendre une petite visite à son « psychologue préféré ». Il se demande encore quel est la motivation de ce dernier, il n’arrive pas à croire qu’il soit mêlé à tout ce micmac et cela depuis le commencement.

Il voudrait bien savoir ce que Myrick ou Austen lui cache et surtout pourquoi ne pas lui avoir tout dit la première fois qu’ils se sont rencontrés. Pourquoi a-t-il joué avec lui ? Shawn n’aime pas qu’on se serve de lui comme un pion dans un jeu d’échec. Cela ne fait qu’attiser sa colère. L’étudiant n’est pas une marionnette qu’on peut diriger comme on le souhaite et il compte bien le lui faire comprendre.

Shawn regarde sa montre, il lui reste un peu de temps avant son rendez-vous. Le jeune français n’a aucune envie de retourner à l’université. Il aurait l’impression d’étouffer et a aussi trop peur de croiser une connaissance sur place. Il pousse un soupir, avant de mettre les mains dans ses poches par pur réflexe et fronce les sourcils en touchant quelque chose dans sa poche gauche.

Il sort le morceau de papier, il s’agit de l’adresse de la jeune femme mystérieuse rencontrée lors du cours de Yoga. Il doit l’avouer, il l’avait complètement oublié après les péripéties de la veille. Cette fille semblait en savoir long sur lui, autant aller la voir. Après tout ce qu’il vient d’apprendre, il a du mal à croire qu’il puisse encore être étonné.

En tout cas, une chose est sûre, il se rappellera longtemps de cette journée. Si on lui laissait le choix, il ne sait pas s’il préférait tout oublier ou enfin apprendre toute la vérité. C’est une histoire si déstabilisante, qu’il ne se sent pas très bien. Il a envie de vomir, mais réussit à se retenir, en faisant des exercices de respiration. Après quelques secondes de réflexion, il se décide à aller chez la jeune femme. Autant aller la voir au lieu de trainer dans les rues.

- Ok Cheyenne, et si je te rendais une petite visite !

Il regarde l’adresse, elle n’habite pas très loin de l’endroit où il se trouve. Shawn se met en route, pressé d’en finir.

Université de Northwestern. Lors de la pause déjeunée, Sarah retrouve Jamie et ils se rendent ensemble à la cafétéria. L’étudiante n’a pourtant rien avalé depuis sa confrontation avec Shawn, mais elle n’a toujours pas d’appétit. Elle a l’impression d’avoir un nœud dans son estomac. Ce qui est loin d’être agréable, elle aimerait s’en débarrasser, mais rien n’y fait. Sarah connaît très bien la raison de son mal être, la jeune femme est inquiète pour son ami qui ne donne aucun signe de vie. Sarah est la dernière personne à l’avoir vue, tout cela ne la rassure pas, mais alors pas du tout.

Après s’être excusé auprès de son colocataire, elle décide de se rendre dans la chambre de Shawn, sans toutefois s’attendre à un miracle. Mais elle veut tenter sa chance, elle veut croire qu’un happy end est possible entre eux et que tout peut redevenir comme avant. Arrivée devant sa chambre, Sarah a beau frapper une dizaine de fois à la porte, elle n’obtient aucune réponse. Mais la jeune femme est déterminée, elle veut être sûre qu’il ne soit pas là, à faire le mort. Sarah colle donc son oreille à la porte en espérant entendre du bruit à l’intérieur. Si elle savait se débrouiller comme Mc Gyver (série tv des années 90), elle aurait crocheté la serrure afin d’entrer. Elle sait bien que c’est une folie de vouloir entrer par effraction chez une personne, mais c’est plus fort qu’elle, Sarah est prête à tout.

Elle est tellement plongée dans son écoute, qu’elle n’entend pas une personne se rapprocher d’elle. Lorsque soudain, elle entend un raclement de gorge. L’étudiante se retourne et se trouve nez à nez avec Scarlett. Cette dernière pousse un soupir de soulagement en reconnaissant Sarah. Elle avait peur d’avoir affaire à une cambrioleuse. Si cela avait été le cas, elle ignore ce qu’elle aurait fait.

- Salut dit Sarah, en faisant la moue, prise sur le fait.

- Si tu cherches Shawn, ce n’est pas la peine d’attendre. Pendant ma pause, je suis revenu ici et je l’ai aperçu s’en aller rapidement.

- Au moins il ne lui ait rien arrivé pendant la nuit ! s’exclame Sarah, en soufflant, soulagée.

Scarlett est plutôt du genre à ne pas s’intéresser aux problèmes des autres, ne voulant pas s’impliquer dans leurs vies. Mais en voyant la mine défaite de Sarah, elle ne peut rester insensible. Elle lui pose une main réconfortante sur l’épaule, avant de lui dire.

- Tu ne devrais pas t’inquiéter. Shawn est un grand garçon, il sait se débrouiller. C’est un gars mature, il ne lui arrivera rien.

- J’aimerai juste lui parler. Faut dire que la dernière fois qu’on s’est vu, ça s’est assez mal terminé dit Sarah, en grimaçant.

- Tu en auras bientôt l’occasion, j’en suis sûr. Entre amis, les prises de bec ne durent jamais très longtemps. Vous en rirez bientôt ensemble.

- J’aimerai avoir ton optimisme ! Vraiment ! s’exclame Sarah en soupirant, dépitée.

Scarlett sort de la poche gauche de son jean un paquet de cigarette. Elle l’ouvre et le tend à Sarah qui hésite quelques secondes avant de finir par en prendre une.

- J’avais arrêté de fumer mais je crois que celle ci me fera le plus grand bien.

- Allons dans la cuisine, je n’ai pas envie d’être trempée à cause de l’alarme incendie lui rétorque Scarlett en désignant le mécanisme de sécurité, au dessus de leur tête.

Les deux filles entrent dans la cuisine déserte. Scarlett ouvre la fenêtre et chacune se penchent de chaque côté. La jeune gothique sort son zippo, il est tout noir. Elle l’ouvre et une grande flamme apparait, elle allume sa cigarette avant de le tendre à Sarah qui allume la sienne à son tour. Elle exhale longuement sa première bouffée, prenant tout son temps. Elle sent une douce caresse l’envahir et une partie de son stress disparait. Elle sourit, en se disant que la nicotine a parfois du bon, celui de déstresser momentanément une personne.

La jeune femme n’a jamais été une grande fumeuse. Elle a essayé à l’époque du lycée pendant sa période rebelle. Elle voulait paraitre comme une fille cool et la cigarette aidait beaucoup. Elle sait bien que c’était ridicule, mais à cet âge là, la crise de l’adolescence faisait rage. La cigarette était un bon moyen pour montrer qu’on n’était pas un mouton comme les autres. Après le lycée, elle a rapidement arrêté et maintenant elle en fume une de temps en temps, à une soirée ou parfois en compagnie de Jamie. Elle ne ressent pas de manque, c’est juste un petit plaisir nocif qu’elle s’autorise à quelques rares occasions.

Pendant plus d’une minute, les deux filles restent silencieuses, fumant et regardant le paysage par la fenêtre. Ce silence n’a rien de gênant, il est même plutôt agréable. Finalement c’est Scarlett, la première qui prend la parole.

- Je t’accorde que Shawn n’est pas comme tout le monde, je l’ai senti tout de suite en le voyant. Il est difficile de le cerner. C’est d’ailleurs étrange, d’habitude j’arrive rapidement à me faire une idée des gens que je côtoie.

- Je comprends ce que tu veux dire. Je ne connais personne de plus mystérieux. C’est juste énervant, mais en même temps il est si touchant et prévenant. Je suis contente de le connaître, c’est juste que….

- Tu aimerais réussir à percer sa carapace.

- Je pensais qu’on deviendrait inséparables. Qu’avec le temps, il se confierait, mais je me suis trompée. Je sais que j’en fais des tonnes alors que je ne devrais pas me prendre la tête pour ça. C’est juste que cela m’importe ! J’ai vraiment envie qu’on se fasse confiance, qu’on puisse tout se dire.

- Je ne voudrais pas te dire de conneries, je ne suis pas dans sa tête. Mais tu sais, tu en demandes peut être trop. Tu devrais l’accepter comme il est. On a tous des défauts et tant pis s’il ne veut pas te raconter sa vie, mais ce n’est pas pour autant que tu ne peux pas compter sur lui. Nous avons tous notre jardin secret. Certaines personnes le préservent plus que d’autres. L’important, c’est le présent, de vivre l’instant présent.

Sarah hoche la tête, elle commence à se demander si elle n’a pas été trop dure. Elle se rend compte qu’elle l’a sans doute poussé à bout. Elle se promet de corriger le tir à la première occasion et de ne plus se laisser emporter aussi facilement.

Scarlett tire une dernière bouffée sur sa cigarette avant de la jeter d’une pichenette par la fenêtre.

- Ce n’est pas que je m’ennuie avec toi mais je dois y aller dit elle en se dirigeant vers sa chambre.

Mais avant qu’elle atteigne la porte de la cuisine, Sarah l’interpelle, la jeune gothique se retourne.

- Je te remercie Scarlett. Tu m’as ouvert les yeux. Ça m’a fait du bien de parler avec toi !

- Pas de soucis, mais je te demande un service. Ne parle à personne de notre conversation, j’aimerai garder mon image de fille gothique insociable.

- Tu peux compter sur moi acquiesce Sarah avec un petit sourire aux lèvres, amusée.

Scarlett lui rend son sourire complice avant de lui faire un signe de la main et de retourner dans sa chambre.

Quartier de Norrington. C’est un endroit paisible composé de petites maisonnettes qui datent d’une cinquantaine d’années. C’est le genre de coin qu’apprécient les familles pour y vivre paisiblement, à l’écart de l’agitation de la ville. Tout autour, la végétation est bien présente avec des grands arbres et un petit parc à proximité.

Shawn s’engage dans une rue déserte et se dirige vers le numéro qui l’intéresse. Peu de voitures roulent dans le coin, le jeune français en profite pour respirer à pleins poumons. Même s’il a toujours vécu dans les grandes villes sans se soucier de la pollution. Shawn sent bien la différence. L’ambiance est plus agréable, ça lui fait du bien. Il a l’impression d’être ailleurs, loin de tout. Il aimerait bien vivre dans un tel endroit, il s’y sentirait en paix.

Après quelques minutes de marche dans ce quartier paisible, il s’arrête devant une petite maisonnette. Cette dernière donne l’impression d’être plus ancienne que les maisons aux alentours. Elle a un côté rustique qui n’est pas déplaisant, le jardin a l’air d’avoir été laissé à l’abandon. Des fleurs sont présentes, mais c’est surtout les hautes herbes qu’on remarque. Shawn vérifie une seconde fois le numéro sur la porte d’entrée afin d’être sûr de ne pas s’être trompé. Il pensait être devant une maison abandonnée, mais il s’agit bien de l’adresse transmise par Cheyenne.

Il se demande si cette dernière ne lui pas donné une mauvaise adresse. En même temps, il n’y a qu’une façon de le savoir. Il ouvre le portail qui grince fortement et avance vers la porte d’entrée. Il aurait préféré la prévenir de sa visite, mais elle ne lui pas laissé son numéro de téléphone. Il se rend bien compte qu’il existe de grandes chances qu’elle ne soit pas chez elle. Pas en journée, en plein milieu de la semaine. Le jeune homme a tout de même décidé de tenter sa chance. Il frappe plusieurs coups à la porte et attend patiemment. Personne ne vient lui ouvrir la porte et il n’entend aucun bruit à l’intérieur.

Il regarde à l’intérieur de la maison par une des fenêtres qui n’a pas de rideau, mais il ne voit personne. Le jeune homme pousse un long soupir, même sa chance commence à le lâcher. Ce n’est pas vraiment bon signe pour la suite des événements. Au moment où il se décide à faire demi-tour, il entend du bruit en provenance de derrière la maison. Shawn fait le tour de la demeure et aperçoit Cheyenne, au fond du jardin, à genoux, en train de sculpter une sorte de totem dans du bois. Elle ne semble pas l’avoir remarqué, ayant le dos tourné. Le jeune français s’avance lentement et au moment où il n’est plus qu’à trois mètres d’elle, il lui dit :

- C’est joli ! ça représente quelque chose en particulier.

- Il s’agit d’une divinité qui nous protégent du mauvais œil dit Cheyenne, avant de tourner la tête vers lui et de lui sourire.

- Tu n’as pas l’air surprise de me voir !

- C’est exact, je t’attendais. Tu es même en retard si tu veux tout savoir.

- Ah oui ! s’exclame Shawn, tout penaud, ne sachant pas quoi dire d’autre.

Alors qu’il y’a une heure, Shawn avait complètement oublié sa rencontre avec la jeune fille. S’il n’avait pas eu un peu de temps à perdre avant sa rencontre avec son psychologue, il ne serait pas ici. Alors comment pourrait-elle savoir qu’il viendrait lui rendre visite. Enfin si ce qu’elle dit est vrai. Shawn n’en est pas sûr, il ne la connait pas du tout et ne lui accorde aucun crédit. Même si son instinct et le sourire franc de la jeune femme lui donne envie de la croire. Il se dégage quelque chose d’elle qu’il ne saurait expliquer. Ce n’est pas de l’attirance physique même si c’est une femme très charmante. Mais il ressent comme une vague de chaleur l’envahir. Le jeune homme se demande ce que tout ceci peut bien signifier.

La jeune fille ne peut s’empêcher de sourire en voyant le regard surpris de l’étudiant. Elle remet en place une mèche de cheveux qui lui tombait sur le visage, avant de se relever et de dire, d’une voix amusée :

- Alors tu n’arrives toujours pas à croire Max et Hayden, n’est-ce pas !

Shawn ouvre de grands yeux, ayant l’impression de tomber dans une spirale sans fin. Comment la jeune femme peut-elle être au courant, cela le dépasse. C’est comme s’il était au milieu d’un complot et que tout le monde joue avec lui. S’amusant à le narguer avec des informations dont il ignore tout. Cette sensation est assez désagréable et Shawn sent que si ça continue, il va très vite s’énerver.

Il s’est toujours considéré comme une personne maline, mais là, il a l’impression d’être un petit enfant ignorant. A qui il faut donner la main pour lui faire comprendre ce qui l’entoure. Cheyenne se rend compte des émotions qui lui traversent l’esprit et lui fait un petit clin d’œil complice. Shawn lève les mains en l’air en soupirant. Il ne veut plus se creuser la tête à la recherche d’une explication, il préfère abandonner et qu’on lui révèle tout.

- Je n’ai même pas envie de chercher à comprendre comment tu es au courant. Mon cerveau va exploser si je continue à me prendre la tête et j’aimerai bien survivre à cette journée. Si ce n’est pas trop demandé !

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