CHAPITRE 30

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Fin d’après-midi. Après avoir suivi son dernier cours, Shawn se rend directement à l’appartement de ses amis. Cela lui fait bizarre de se rendre chez Sarah et qu’elle ne soit pas présente. Mais elle a beau ne pas être là, c'est comme si c'était le cas. Son odeur est partout dans l’appartement. C’est absolument enivrant, Shawn pourrait continuer longtemps à humer son parfum à travers toutes les pièces. S’il ferme les yeux, il peut l’imaginer à ses côtés. Pendant qu’il attend tranquillement dans le salon, Nina finit de se prépare. Jenny, de son coté, est assise dans le canapé et regarde la télévision, hypnotisée par les dessins animés.

Nina sort de la salle de bains, vêtue d’une belle robe noire très séduisante qui met en valeur ses courbes. Elle se parfume rapidement le cou avec un spray de la marque Channel. Shawn ne trouve pas spécialement que la jeune femme ait des traits de ressemblance avec Sarah. Pour lui, c'est Jenny qui en aurait plus avec sa tante.

- C’est vraiment sympa ce que tu fais. Ça m’enlève une épine du pied dit Nina.

- Merci maman. C’est sympa de savoir qu’on est un boulet intervient Jenny, sans se retourner.

- Mais je ne parle pas de toi mon trésor répond Nina, en se penchant sur le canapé et en embrassant sa fille sur l’arrière du crâne.

- Ça ne me gêne pas du tout, prenez votre temps. Je suis sûr que nous allons trouver quelque chose pour nous occuper dit Shawn.

Nina hoche la tête en souriant. Elle avance vers l’étudiant, pose sa main sur le visage du jeune et le caresse. Shawn se sent un peu gêné, mais il ne se dégage pas pour autant. Il n’a pas l’habitude qu’on le touche d’aussi près. Mais il doit reconnaitre que ce contact physique est plutôt agréable.

- Sarah a vraiment de la chance d’avoir des amis en or comme toi.

- Vous allez peut-être un peu loin dans les compliments. Je ne vais plus savoir où me mettre dit Shawn, vraiment gêné.

- S’il te plait, je ne suis pas si vieille ! Alors rends moi service, arrêtes de me vouvoyer.

- Désolé, vieille habitude !

Nina acquiesce de la tête avant de prendre son sac et de se diriger vers la sortie. Elle se retourne une dernière fois vers le salon.

- Ne m’attends pas et ne dors pas trop tard, mon poussin.

- Oui, maman. Mais je te l’ai déjà dit. Arrête de m’appeler comme ça, j’ai horreur de ce surnom.

Nina et Shawn se regardent et sourient, amusés par le caractère trempé de la petite fille. Il sait que c’est un trait de famille, Sarah n’est pas très différente. Quand elle parle ainsi, elle fait très mature. Shawn est étonné, il ne pensait pas que les enfants de 8 ans pouvaient se comporter ainsi.

- Ah les enfants ! ils vous mènent la vie dure ! s’exclame Nina avant de sortir, un petit sourire sur les lèvres.

Shawn se tourne vers Jenny et se demande ce qu’il va pouvoir faire pour distraire la petite fille. Il n’a jamais joué le rôle du baby-sitter auparavant et n’est pas sûr de savoir comment s’y prendre. Mais il a envie d’être à la hauteur, il l’a promis à Sarah. Mais aussi car il souhaite faire passer a Jenny un bon moment. Cette dernière est toujours fascinée par une rediffusion du dessin animé à la mode « Pokémon ».

Le jeune étudiant s’assoit à ses côtés et regarde en silence la télévision. Il sait que Pokémon est un véritable succès mondial mais cela ne fait pas partie de sa génération. En France, il voyait beaucoup d’enfants jouer avec des cartes à l’effigie de ce dessin animé mais il n’a jamais été tenté d’en savoir plus. Il fait partie de l'ancienne génération.

A la fin de la série, Jenny zappe avec la télécommande à la recherche d’un programme intéressant. Mais rien ne semble à son goût. Elle pousse un long soupir, avant de dire :

- Il n’y a rien à la télé !

- Ce n’est pas faux. Mais franchement t’as aimé l’épisode de Pokémon ?

- Non.

- Quand j’avais ton âge, c’était marrant. On s’éclatait avec Dragon-Ball Z, Ken le survivant et Princesse Sarah. Ça s’était vraiment un autre niveau ! s’exclame Shawn, sur un ton nostalgique.

- Princesse Sarah, ce n’est pas pour les filles ?

Shawn fait la moue à la recherche d’une bonne explication. Il finit par hausser les épaules, la petite fille a réussi à le coincer. Elle est beaucoup plus mature qu’il ne l’était à son âge. Le jeune homme cherche à se justifier mais finit par avouer :

- Ouais, c’est vrai ! Mais bon j’aimais bien quand même !

Jenny soupire avant d'éteindre la télévision. Elle commence à s’ennuyer, cela se voit sur son visage. L’étudiant sait que c’est le moment pour sortir une idée de génie. Mais il a beau chercher, rien ne lui vient.

- Qu’est-ce que tu veux qu’on fasse ?

- J’ai bien une petite idée répond-elle, avec un petit sourire malicieux.

Shawn plisse les sourcils, il ne sait pas pourquoi mais il a l’impression que le sourire de la petite fille n’est pas bon signe. Cela lui rappelle celui de Sarah. Elles ont le même sourire espiègle, auquel il est impossible de dire non. Elles ne sont pas de la même famille pour rien. Shawn ne sait pas ce qu’elle compte lui demander, mais il sait d’avance qu’il ne pourra pas lui refuser. Et cela lui fait doublement peur.

Centre-ville, Magnificient Mile. Il s’agit d’un coin très réputé à Chicago. Il se situe dans la partie Nord de Michigan avenue. C’est un lieu très touristique où on trouve toutes les boutiques de luxe et les grands magasins. Nina s’y balade, marchant sur le trottoir bondé. Elle s’arrête de temps en temps pour faire de la lèche vitrine. Cela lui rappelle le bon vieux temps, lorsqu’elle était plus jeune, sans enfant. Quand elle ne pensait qu’aux futurs vêtements qu’elle allait porter et aux hommes qu'elle allait courtiser. Tout ça lui manque terriblement.

Elle a souvent eu des problèmes avec ses parents par le passé. Elle dépassait très souvent le plafond de ses cartes de crédit. Ce qui plongeait son père dans une colère noire. Nina sourit en pensant à son passé, celui-ci est bien révolu. Elle n’est plus la même fille qu’à cette époque. Mais ce n’est pas pour faire les magasins qu’elle est de sortie. En fait, elle a rendez-vous avec un de ses anciens amants. Il s’agit d’une personne qui a beaucoup compté dans sa vie. A une époque, elle était très libertine et le premier garçon qui osait la draguer finissait dans son lit.

Elle n’a jamais eu de sentiments amoureux pour quelqu’un dans sa vie sauf pour cet homme. Ils se sont séparés car malgré son amour, Nina n’était pas prête pour une relation sérieuse. D’ailleurs, elle ignore si aujourd’hui c’est le cas, mais elle est prête à tenter le coup. La jeune femme n’imagine pas passer le reste de sa vie avec le même homme à ses côtés. Cela lui semble tellement ennuyeux ! Elle a besoin de passions, de nouveautés et d’avoir plusieurs hommes à ses pieds.

Elle ne comprend pas comment Sarah fait pour être si romantique et pourquoi elle recherche tant l’âme sœur. Pour Nina, tout cela n’existe que dans les contes de fée. Il s’agit uniquement de pulsion à assouvir. Les êtres humains sont des animaux et rien d’autre. La jeune femme a changé d’avis après avoir accouché de Jenny. Elle ne pensait pas être capable d’être une mère mais quand sa fille est née. Elle a su que tout serait différent.

Depuis, elle essaye d’être plus raisonnable. Sa fille ne connait pas son père et Nina aurait du mal à dire de qui il s’agit exactement. Elle avait cinq amants au moment de la conception. Elle n’arrive pas à reconnaitre dans les traits de sa fille, ceux qui pourrait venir du géniteur. Elle sait que cela ne doit pas être facile pour sa fille, de ne pas savoir qui est son père. Nina essaye donc d’être une mère présente et aimante. Mais ce soir, elle se réserve la soirée pour elle.

Heureusement que Sarah a pu compter sur Shawn pour garder Jenny. D’habitude Nina n’aime pas confier la prunelle de ses yeux à un inconnu. Mais elle sait qu’elle est entre de bonnes mains. Elle arrive à lire dans les yeux du jeune homme sans aucun problème. La psychologie masculine n'a plus de secret pour elle. Shawn est fou amoureux de sa petite sœur et c’est quelqu’un qui a du cœur, de sensible et fragile. Il prendra soin de Jenny et ne lui fera jamais de mal.

Nina se promet de discuter avec Sarah de tout cela, avant son départ. Sa petite sœur n’a jamais été comme elle. Beaucoup plus réservée, n’ayant pas confiance en ses atouts. Elle n’est pas du genre à foncer dans une histoire d’amour, mais plutôt à attendre, de peur de se prendre une veste. Nina se demande d’ailleurs d’où elle tient ce trait de caractère. Peut-être de leur père...

La jeune femme a reçu quelques jours plus tôt, un coup de fil de son ancien amant qui lui a donné rendez-vous. Elle doit avouer qu’elle a été très surprise car cela faisait de nombreuses années qu’il ne lui avait pas donné de nouvelles. Mais Nina n’a pas changé de ce côté. Elle ne se pose aucune question lorsqu’il s’agit de sexe, préférant laisser ses hormones travailler.

Nina se rend à l’adresse indiquée en suivant le GPS de son téléphone portable. Elle finit par tourner à gauche sur Pearson Street. Elle découvre une petite ruelle, entouré de deux grands immeubles. Le coin semble inhabité et n’a rien de très rassurant, avec des graffitis qui ornent les murs. Des poubelles renversées et des bouteilles de bières brisées traînant à même le sol, complètent ce sinistre tableau.

Nina finit par se demander si c’était une bonne idée de venir dans ce quartier. Elle aurait dû insister pour qu’ils se retrouvent autour d’un verre. Au moment où elle se décide à faire demi-tour, ne le sentant pas. La jeune femme entend crissement de pneus venant de derrière elle. La sœur de Sarah se retourne et son visage devient livide lorsqu’elle reconnaît le véhicule. Il s’agit d’une limousine noire, tout ce qu'il y'a de plus banal. Elle n’a pas besoin de regarder la plaque d’immatriculation, Nina sait qu’elle ne se trompe pas.

La voiture s’arrête tout près de la jeune femme, pétrifiée par la peur. Elle n’essaye même pas de prendre la fuite pour espérer les semer. Nina sait qu'elle n'aura aucune chance, que c'est inutile contre ces individus. Ils ont fini par la retrouver, tous ses espoirs viennent de s’effacer. Nina s’adosse contre un mur, transpirant abondamment, les jambes toutes tremblantes. Son cœur bat la chamade dans sa poitrine et elle ne peut s’empêcher de respirer bruyamment.

La portière arrière gauche s’ouvre et un homme d’une quarantaine d’année en sort. Il est brun, cheveux carrés et porte un bouc au niveau du menton. Il est vêtu d’un costume italien provenant d’un grand couturier et il tient dans sa main gauche une cane dont le manche est en or massif. Tout transpire en lui une grande assurance. Ses attitudes et mimiques donnent l’impression qu’il s’agit d’une personne de la haute société. Il suffit de jeter un regard à ses yeux pour comprendre qu’il s’agit d’une personne suffisante, qui se croit supérieur aux autres.

L’homme est bien bâti, des muscles saillants sont visibles sous son costume. Il le regarde en secouant la tête, à la façon d’un instituteur qui fait des reproches à un élève. La jeune femme tremble littéralement de peur devant lui, s'attendant au pire. Il finit par ébaucher un sourire méprisant, se délectant de la frayeur de Nina.

- Nina, Nina, Nina ! Tu nous as beaucoup déçu. Tu croyais vraiment qu’en quittant la ville, on allait simplement t’oublier. Tu es trop prévisible ma chère. On surveillait ta sœur et je connais ton point faible. Je savais que tu ne refuserais jamais une partie de jambes en l’air. Tu es si pathétique ! Mais ne t’en fais pas, ton ancien amant n’a pas trop souffert avant de mourir. Cela dit en passant, il n’était pas très résistant. Il n’arrêtait pas de nous supplier en pleurnichant et en se faisant dessus. Tu devrais mieux choisir tes partenaires.

La femme ne peut s’empêcher de sangloter, se sentant prise en étau. Elle sait qu’elle est l’unique responsable de la mort de son ancien amant. Cet homme l'a utilisé sans scrupule avant de le tuer sans aucun état d’âme. Il n'était rien d'autre qu'un insecte, une nuisance pour lui. Si elle n’était pas venue à Chicago, il serait toujours en vie. Nina sait que la vie de ses proches est aussi en grand danger mais elle ne sait pas comment les protéger. Elle se sent profondément démunie et elle déteste éprouver ce sentiment.

- Nous avions un arrangement, il me semble. Il était pourtant tout ce qu'il y avait de plus simple et totalement dans tes cordes. Tu devais séduire un vieux milliardaire et laisser chez lui un certain objet. Tu n’as pas respecté les termes du contrat. Tu connais les conséquences.

- Je ne pouvais pas faire ça, Andrews, c’était trop horrible. Je promets de me racheter. Donnez-moi une autre mission. Peu importe laquelle, je ferai tout ce qu’il faut. Mais surtout ne fais pas ça, elle est innocente. Elle est tout ce que j’ai ! s’exclame Nina sur un ton implorant.

- C’est trop tard. Demain, c’est la pleine lune. Tu sais ce que cela signifie. Ils seront libérés et on ne peut rien y changer. Tu devrais le faire de ton plein gré, ce serait mieux pour tout le monde. Tu le connais, il est sans pitié, je suis un enfant de cœur à côté de lui.

- Je t’en supplie, obtiens-moi un sursis !

Nina se laisse tomber à genou, implorante, oubliant toute dignité. Elle s’accroche d’une main tremblante à la veste de l’homme mystérieux, ne voulant pas le laisser partir. Il est son dernier espoir, il faut qu'il l'aide. Celui-ci se libère d’un mouvement sec, avant de la frapper du bout de sa canne dans le ventre, Sous la douleur, Nina pousse un cri et s’écroule au sol, parsemé d’ordures.

Le dénommé Andrews ne peut s’empêcher de ricaner en la voyant dans cette position. Il ne ressent aucune pitié pour Nina. C'est même plutôt le contraire. Il a toujours détesté les femmes comme elle, qui pense pouvoir tout obtenir grâce à leurs charmes. Il aime les rabaisser et leur montrer où est leur véritable place.

- Ne me touche plus jamais, sale conne ! Ne t’en prends qu’à toi même, c’est toi qui a tout fait foiré ! N’oublie pas, demain soir sans faute. Tu sais où nous trouver.

L’homme remonte dans la voiture, sans un regard en arrière. Andrews laisse Nina accroupie au sol, les larmes aux yeux, complètement perdue. Elle ne trouve pas la force de se relever, toute sa vie est fichue maintenant. Sans le savoir, la femme a pactisé avec le diable et maintenant elle va devoir en payer le prix. Elle aimerait aller voir la police et tout raconter, pour qu’on puisse la protéger. Mais elle sait que de toute façon, cela ne servira à rien. On la prendrait pour une folle et cela ne l’aiderait pas. Ce serait tout le contraire. Et elle n'a pas besoin de complications supplémentaires.

D’ailleurs personne ne peut l’aider. Il n’existe aucune solution. Nina aimerait ramasser un morceau de verre qui traine sur le sol et s’ouvrir les veines. Cela permettrait de tout régler mais elle est trop faible pour se suicider. Elle n’a jamais été la battante de la famille, se cachant derrière sa beauté et agissant avec superficialité. Cela lui avait réussi jusqu’à présent...mais plus maintenant. Elle reste longtemps à sangloter, en tremblant à même le sol, ne trouvant pas la volonté de se remettre sur ses jambes et de quitter ce lieu.

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