chapitre 26

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Deux heures plus tard, quartier du river North. Le jeune français se trouve devant la boutique « cyber-box ». C’est un quartier composé de nombreuses résidences et de lofts flambant neufs. C’est un endroit réputé pour être le coin animé de Chicago avec des restaurants et boite de nuit en tout genre. Shawn n’y avait encore jamais mis les pieds, c’est Griffin qui lui a dit où se rendre.

Le cyber café se trouve près d’un lycée et loin de l’université. On ne remontera pas jusqu’à lui. Ce qui le rassure également, c’est que la boutique n’est pas dans le quartier où Sarah travaille. Il ne risque pas de tomber sur elle par accident. Shawn n’a pas besoin de se soucier de ce détail dans un moment aussi crucial. Shawn sait qu’il doit faire le vide en lui, ne plus penser à Sarah et se concentrer sur sa mission. L’action passe avant les sentiments, c’est ce que James Bond lui dirait, si ce dernier existait.

Griffin lui a tout expliqué à plusieurs reprises dans le moindre détail. Shawn ne devrait s’attendre à aucune mauvaise surprise. Mais sachant comment ces derniers temps, la chance joue avec lui, il a un peu de difficultés à avoir totalement confiance et à se détendre. Dire qu’avant d’arriver à Chicago, il n’avait jamais enfreint la loi. Sauf pour des petites bêtises sans gravité. Aujourd’hui, il s’apprête à s’en prendre au gouvernement. Il a atteint une toute autre catégorie.

Le jeune étudiant se trouve devant la porte d’entrée et évalue une dernière fois le pour et le contre. Il hésite à franchir le pas, sachant qu’une fois qu’il l’aura fait, il lui sera impossible de revenir en arrière. Tout se joue maintenant. Ses mains sont moites, de la sueur dégouline le long de sa colonne vertébrale et son cœur bat à 100 à l’heure dans sa poitrine. Mais Shawn est allé trop loin pour faire machine arrière. Ce n’est plus possible, plus maintenant. Il souffle un bon coup avant de se diriger vers la porte d’entrée, voulant en finir une bonne fois pour toute avec cette histoire.

Il pousse la porte et regarde à l’intérieur. Le cyber café semble récent, tout respire le neuf. On y trouve une trentaine d’ordinateurs séparés par des box. Ce qui n’est pas pour lui déplaire, lui permettant d’avoir une certaine intimité. Il ne veut pas que d’autres personnes puissent l’observer à loisir. Il est à peine 13 heures de l’après-midi et on compte près de 10 clients installés devant des écrans.

Shawn regarde chacun d’eux afin d’être sûr de ne reconnaître personne. Au cas où il doit fuir en vitesse, il ne veut pas qu’on puisse remonter jusqu'à lui. Il a l’impression d’être un espion en mission secrète, ce qui ne diminue pas sa pression, ni son rythme cardiaque.

Il sourit en voyant qu’il peut payer directement dans une machine en échange d’une carte magnétique. Ainsi pas besoin de parler au personnel de l’établissement, donc moins de chance de se faire reconnaitre si la situation tourne mal. Griffin a choisi l’endroit parfait, il se promet de le remercier s’il s’en sort. Il n’aurait jamais réussi ce qu’il entreprend sans son aide. Les amis sont vraiment importants dans la vie. Ils peuvent nous aider sans qu’on ne leur demande rien en échange. Shawn se promet de ne jamais l’oublier et de lui rendre la pareille.

Après avoir obtenu sa carte magnétique, Il s’installe dans le coin le plus isolé au fond. Il tente de se faire le plus petit possible afin que personne ne fasse attention à lui. Il se connecte sur le serveur principal et au moment où il va introduire la clef USB dans l’unité centrale, une personne s’assoit à ses côtés. Shawn soupire silencieusement, avant de ranger la clef et de regarder attentivement la salle. Il reste de nombreuses places vides, il ne peut s’empêcher de se demander pourquoi la personne s’installe alors à ses côtés.

Shawn le dévisage, la personne doit avoir à peu près son âge. Des yeux bleus hypnotisant, des cheveux en broussaille, châtains, le look rebelle avec un petit côté je m’en foutisme qui doit plaire à beaucoup de filles. Ce dernier hoche la tête pour saluer Shawn en se voyant observer. Le jeune homme ne voulant pas paraitre irrespectueux répond de la même manière. C’est râpé pour la discrétion ! se dit il

Shawn se tourne à nouveau vers son ordinateur, il jure en silence sachant que la situation ne sera pas être évidente maintenant. Son mystérieux voisin vient de tout gâcher.

L’étudiant tente de décaler délicatement l’écran sans attirer l’attention, mais il est solidement cloué à la table. L’empêchant de manœuvrer comme il le souhaite. Shawn tente une autre tactique, il se penche en avant pour faire écran avec son corps. Il espère que la paroi du box empêchera son voisin de regarder ce qu’il fait. En silence, le jeune homme introduit la clef dans la fente de l’unité centrale, prévue à cet effet. Et discrètement, il commence les manipulations apprises par son informaticien préféré.

Il pianote quelques codes d’accès et pendant quelques minutes, des lignes de codes défilent à vitesse grand V sur l’écran. Shawn n’y comprend rien, n’étant pas initié au codage informatique. Tout ce qu’il espère c’est que tout est correct. Car s’il manquait un élément, il serait bien incapable de pouvoir y apporter la moindre correction. L’étudiant ne peut s’empêcher d’être en sueur, ses mains moites tremblent sur le clavier. Il est sous tension, alerte et se crispe au moindre bruit suspect.

Shawn a l’impression que cela fait une éternité qu’il est dans le cyber café alors que son entrée remonte à moins de cinq minutes. Il a hâte d’être dehors et d’en avoir fini avec toute cette pression. Mais il se force à ne penser qu’à l’instant présent. Il doit rester le plus concentré possible, s’il ne veut pas faire d’erreurs qui pourraient lui coûter très cher.

Le jeune noir jette des rapides coups d’œil en direction du personnel. Les employés semblent très occupé à discuter ensemble et ne regarde à aucun moment l’état de leur réseau. Ils ne s’attendent pas à ce qu’un hacker utilise leurs ressources afin de pirater des réseaux gouvernementaux. Personne n’a l’air de se soucier de lui, ce qui lui convient parfaitement. Shawn ne peut s’empêcher de sourire et de remercier mentalement Griffin. Ce dernier a vraiment fait du bon boulot, c’est un vrai génie. Il s’y connait vraiment dans son domaine. Shawn lui doit tout sur ce coup.

Soudain, il sent un regard sur lui. Le jeune hacker en herbe se tourne vers son voisin de droite. Ce dernier lui sourit et semble avoir envie d’engager la conversation. Shawn essaye tant bien que mal de cacher l’écran où les lignes de codes continuent à défiler. Il finit par prendre la parole en voyant le regard insistant de son mystérieux voisin.

- Salut.

- Excuse-moi, je sais que c’est impoli de fixer les gens. Tu es à la fac ?

- Ouais acquiesce Shawn qui souhaite écourter cette conversation au plus vite.

- C’est cool, j’ai failli m’y inscrire. Mais j’ai décidé de me trouver un petit boulot. Tu bosses sur un devoir ?

- On peut dire ça.

- Je peux t’aider si tu veux, je suis callé en informatique.

- Non merci, je gère dit Shawn insistant bien sur le dernier mot.

Son voisin semble avoir compris le message car il hoche la tête avant de le laisser en paix et de se replonger sur son propre écran. Shawn n’avait pas besoin de ça. Maintenant quelqu’un pourrait l’identifier. Lui qui voulait passer inaperçu, tel un ninja et bien c’est râpé ! Shawn retient sa respiration en voyant que les lignes de codes ont disparu. Il respire un bon coup afin de calmer les tremblements qui lui parcourent le corps. Puis, il tape quelques instructions avant d’accéder au saint Graal. C’est à dire au serveur interdit du gouvernement.

- Bingo ! s’exclame t’il tout bas.

Il jette un dernier regard autour de lui avant de se plonger sur l’interface. Celle-ci à son grand étonnement n’est pas très compliquée. Il tape le mot « C.A.S » et accède à de nombreux documents, dont certains sont cryptés. L’étudiant regarde sa montre, ça fait déjà une minute qu’il est connecté au site. Le temps file à une vitesse. Il sort une autre clef USB que Griffin lui a concocté et commence à copier le plus de fichiers possible. Il n’a pas le temps de lire les documents, cela demanderait un travail fastidieux. Mais d’après ce qu’il peut voir, ce sont surtout des dossiers liés à des activités sataniques. De nombreux symboles cabalistiques, inconnus pour le jeune homme, figurent sur les fichiers. Il se demande quel est son lien avec ce type d’affaire, il n’a rien à voir avec le satanisme. Mais il aura le temps de se poser des questions plus tard. Pour le moment, ce qui compte c’est de tout copier et de mettre les plus le plus rapidement possible.

Il n’a même pas le temps de copier le quart des documents, qu’il entend un grincement de pneus. Il lève la tête et voit avec horreur deux policiers descendre d’une voiture. Ils se dirigent rapidement vers l’entrée de la boutique.

- Merde ! s’exclame Shawn, sachant que cela ne sent pas bon pour lui.

La police a été plus rapide qu’il ne l’avait anticipé. Le jeune hacker ne laisse pas pour autant la peur l’envahir, ni le paralyser. Griffin et lui ont prévu une porte de sortie si un tel cas se présenté. Il doit juste ne pas paniquer et agir sans plus attendre. Chaque seconde compte. Il passe un mouchoir couvert de javel sur le clavier afin d’effacer ses empreintes. Sans agir dans la précipitation, il ramasse ses affaires afin de ne pas se faire repérer. Il fourre-tout dans son sac et regarde à droite et à gauche à la recherche de la sortie dont lui a parlé Griffin.

Shawn est à la recherche d’une porte qui mènerait à l’arrière du bâtiment. La porte en question semble avoir été condamnée et un distributeur de confiserie a été installé juste devant. L’étudiant devient tout pâle et son sang ne fait qu’un tour dans son cerveau. Encore une fois, il n’a pas prêté attention à l’environnement lors de son arrivé. Pourtant, c’est la base de bien repérer où on met ses pieds avant d’agir. Cela lui servira de leçon, si toutefois, il arrive à s’en sortir sans encombre.

Les deux policiers bloquent l’entrée principale. Il sait qu’il ne peut pas tenter une sortie directe, c’est trop risqué. Mais il ne voit pas d’autres solutions, il doit foncer dans le tas. Sauf que cette fois, il ne pourra pas compter sur l’obscurité pour le couvrir. Il va devoir agir en pleine journée. Le jeune homme peut oublier la carte de la discrétion. La seule solution qui lui reste, c’est de prendre les policiers par surprise.

Shawn commence à transpirer comme un bœuf lorsqu’il remarque que son voisin lui fait des signes discrets de la tête. Intrigué, il se penche vers lui et le mystérieux individu lui chuchote, en lui désignant du doigt un accès sur le côté.

- Ce sont les toilettes, y a une vitre par laquelle tu peux t’en aller. Je ne perdrai pas de temps si j’étais toi. Ils ne vont pas tarder à te tomber dessus.

Shawn le regarde, en plissant les yeux, ne comprenant pas comment cet inconnu a fait le rapport avec les policiers. Mais surtout pourquoi il l’aide. Shawn a tendance à se méfier des étrangers. Mais dans la situation actuelle, il ne peut pas jouer les fines bouches. Toute aide est la bienvenue.

- Mais tu es qui au juste ? On se connait ?

- Je ne suis personne. Mais ce n’est pas très dur de comprendre ce que tu fais. Casses-toi pendant que tu le peux encore.

Shawn le remercie d’un hochement de tête, avant de se diriger vers la porte en question. Il entend un policier derrière lui, qui lui ordonne de s’arrêter mais Shawn n’a aucunement l’intention de l’écouter. Il ne se retourne même pas et se met à courir comme un dératé. Il défonce la porte d’un coup d’épaule, s’engouffre dans les toilettes avant de verrouiller l’accès. Deux jeunes, faisant partie du personnel, se caressent dans un coin. Ils sursautent à la vue de l’intrus violent. La jeune fille pousse un petit cri de surprise, se demandant si elle n’a pas affaire à un maniaque.

- Relax ! Je ne suis pas là pour longtemps et je n’ai rien vu leur dit Shawn.

Le jeune noir ne perd pas de temps, il prend appui sur un robinet et tente d’ouvrir la fenêtre. Celle-ci est un peu surélevée et malgré ses efforts elle lui résiste. Il n’arrive pas à tourner la poignée. Shawn pousse un juron, voyant ses chances de fuir diminuer de seconde en seconde. Il sursaute en entendant des grands coups frappés à la porte, qui résiste aux assauts pour le moment. Les policiers lui ordonner d’ouvrir la porte sinon ils seront contraints de l’enfoncer.

Shawn regarde la vitre, sachant ce qu’il lui reste à faire. Il se concentre tout en mettant la paume de sa main droite en contact avec la fenêtre. Il n’a même pas besoin de créer une boule de feu. Sous la chaleur et la pression qui se dégage de sa paume, la vitre entière explose en morceaux. Les deux employés, recroquevillés dans un coin, poussent un cri de terreur.

L’étudiant ne perd pas de temps et plonge à travers la nouvelle ouverture. Il en profite pour courir dans les rues de la ville, aussi vite que ses jambes le lui permettent. Trop heureux de ne pas entendre ni des bruits de poursuite, ni des sirènes de police.

Il s’engouffre dans une ruelle obscure et s’y cache pendant quelques instants. Il souhaite laisser les choses se tasser un peu avant de reprendre son chemin. Il n’arrive pas à croire la chance qu’il ait eu d’être assis à côté d’une personne aussi sympathique. Il aurait bien voulu discuter et en savoir un peu plus sur son sauveur. Mais les circonstances ne le permettaient pas. Il s’agira d’un mystère de plus à rajouter à sa liste. Cette dernière devient de plus en plus longue de jour en jour.

Une demi-heure plus tard, l’épisode du cyber café arrive aux oreilles de Cross. Ce dernier n’arrive pas à croire qu’une telle chose ait pu se produire, lui qui pensait avoir tout prévu. Ses détracteurs doivent bien se moquer de lui et il ne supporte pas cette idée. Le directeur du CAS pose le combiné du téléphone et respire bruyamment. Son visage prend une teinte rouge cramoisi.

La colère suinte par tous les pores de sa peau. Brusquement, il se redresse et frappe violemment sa table du plat de sa main. La douleur ne le calme même pas. Puis il sort précipitamment de son bureau. Il a besoin de passer ses nerfs sur quelqu’un, n’importe qui. Il plonge ses yeux de lynx vers les bureaux où travaille son équipe. Les personnes présentes baissent la tête, ne voulant pas subir le courroux de leur supérieur.

- Je commence à en avoir marre de ce connard. Il explose un gymnase, nous humilie et maintenant, il pirate l’accès du gouvernement pour nous débusquer. Je veux sa peau et je la veux maintenant ! vocifère Cross

- Nos agents sont déjà sur place l’interrompt Peterson, voulant rompre le malaise qui vient de s’installer.

L’agent sait que la seule personne qui peut tenir tête à son directeur, c’est lui. Personne n’osera prendre la parole. Il a peur que son supérieur s’en prenne à lui, il n’est pas inconscient. Mais il sait qu’il est également la seule personne qui peut calmer ses esprits. Son statut le lui permet, même s’il s’en serait bien passé.

- Enfin une bonne nouvelle ! Il a explosé une fenêtre en utilisant son pouvoir. Je veux que vous interrogiez les deux témoins. Vous leur donnez une explication bateau, je m’en fous. Mais je ne veux pas qu’ils racontent quoi que ce soit aux journalistes. La police, je m’en occupe. Bien sûr il n’y avait aucune caméra ! Ça commence passablement à m’énerver. Je veux qu’on…

- Qu’est ce qu’on peut faire ? demande une jeune femme, pleine de bonne volonté.

Cross la fusille du regard, n’aimant pas être interrompu. La jeune femme tremble et baisse les yeux.

- Votre job ! J’ai des comptes à rendre moi aussi et je ne supporte pas que nous avons un train de retard. Ce type nous défie. Il veut jouer avec nos nerfs. Il veut engager une partie avec nous, alors on va jouer ! La machine est en marche, vous savez ce que vous avez à faire, alors au boulot, je le veux !

Cross ferme son poing et secoue son bras pour montrer sa détermination sans faille.

Thompson se dirige vers lui d’un pas incertain en voyant la tête des agents. Mais il s’exécute lorsque son supérieur lui fait signe de le rejoindre. Le jeune informaticien remet un dossier à son supérieur.

- Ce sont les meilleures photos qu’on a pu ressortir de la vidéo.

- Je n’aime pas le ton de votre voix.

- On n’a pas vraiment quelque chose sur quoi travailler. La retranscription de l’image est impossible. J’ai moi-même du mal à comprendre pourquoi. C’est comme si quelque chose avait perturbé la camera lors du passage de l’individu. Ça ne dure que le temps de son passage.

Cross s’immobilise, se touche le menton et réfléchit, avant de dire :

- C’est très intéressant ce que vous dites. Ils sont peut être capable de générer des interférences.

Il serre fermement le dossier dans ses mains avant de se rendre vers son bureau. Il se tourne une dernière fois vers Thompson et lui dit sur un ton qui n’accepte aucun commentaire :

- Je veux en savoir plus sur cette affaire. Débroussaillez moi tout ça !

Thompson se contente d’hocher la tête, heureux d’être sorti en un seul morceau de cette discussion. Il se voyait déjà défenestrer sous le coup de la colère de Cross.

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