chapitre 17

12 minutes de lecture

Université de Chicago, début d’après midi. Après ce qu’il apprit, Shawn a beaucoup de mal à se concentrer sur quoi que ce soit. Il a besoin d’être seul, de ne voir personne et d’essayer de comprendre d’où peut bien venir ses capacités. Et aussi de découvrir si son existence a un sens quelconque. Mais, il doit avouer qu’il ne sait pas par où commencer ses recherches. Cela le déprime et l’épuise d’avance.

Heureusement pour lui, sa journée à la faculté a été de courte durée. Le professeur qui devait lui faire cours toute l’après-midi, s’est absenté en raison de problèmes personnels. Sarah lui a révélé que le professeur en question avait une maîtresse et que sa femme venait de l’apprendre. La jeune étudiante trouvait la situation bien cocasse, ne supportant pas les infidélités. Shawn se demande d’ailleurs comment elle fait pour être au courant de tous les potins. Sarah est très forte à ce jeu.

Ce changement de programme permet au jeune français de s’éclipser après avoir prétexté un mal de crâne à Sarah. Il a surtout besoin de se recentrer sur lui même. Son amie ne lui a posé aucune question, mais Shawn a bien vu qu’elle était inquiète, ce qui le touche beaucoup. La jeune femme respecte ses secrets, son coté mystérieux et il la remercie pour ça. Il ne connait pas beaucoup de gens qui seraient aussi indulgents et patients avec lui.

Shawn retourne dans sa résidence, décidé à prendre une douche en espérant que l’eau froide le réveillera et l’aidera à trouver de l’inspiration. Une fois dans sa chambre, il se dirige tout de suite vers le sac de voyage qu’il a glissé sous son lit. Le jeune français l’ouvre et en sort une petite boite qui était autrefois une boite à musique. C’est son trésor secret, elle a autant d’importance pour lui que sa propre vie. S’il était amené à la perdre, il ne sait pas comment il réagirait.

Shawn l’ouvre, à l’intérieur se trouve deux objets : une bague quelconque en métal orné de petits symboles géométriques mystérieux. Ainsi qu’un pendentif avec une vieille photo en noir et blanc d’une jeune femme brune au regard triste.

Shawn a regardé cette photo un million de fois, essayant de déceler des traits ressemblants avec cette femme. Est ce qu’il pourrait s’agir de sa mère ? Il ressent toujours quelque chose lorsqu’il regarde cette photo, il ne saurait expliquer quoi. Mais, c’est comme un pincement au niveau du cœur. Il se demande si ce ne serait pas à cause du regard triste de la jeune femme. Il ne la connaît pas, mais il aimerait être capable de faire partir cette tristesse et de la voir sourire. Aucune information ne se trouve à l’arrière de la photo ne pouvant permettre de la dater. Mais la jeune femme semble avoir à peu prés son âge, lorsque la photo a été prise.

C’est tout ce qu’il reste de sa vie avant son arrivé à l’orphelinat. Le jeune noir n’en a eu connaissance qu’à ces dix huit ans. Lorsque son berceau a été abandonné devant les portes de l’orphelinat, ce sont les deux seuls objets qui étaient à l’intérieur. Il avait à peu prés deux mois lorsqu’il a été abandonné. Des recherches ont été effectué mais personne n’a jamais retrouvé la trace de la jeune femme.

Shawn soupire un bon coup et met sa tête entre ses bras. Il se ressaisit, ne voulant pas rester enfermé à ne rien faire et décide d’aller à la bibliothèque faire des recherches sur Internet.

Au moment où il est en train de verrouiller sa porte, il croise Griffin qui sort de sa chambre.

- Ça va, vieux ! T’as vraiment une mine de déterré ! dit Griffin.

- Rude matinée ! (Shawn pense tout d’un coup à quelque chose). Dis-moi tu as cours ?

- Non, mon prof a eu un empêchement. Comme on dit le malheur des uns fait le bonheur des autres.

- Ce n’est pas faux dit Shawn avec un petit sourire sur les lèvres, le premier depuis qu’il a appris la sombre nouvelle.

- Pourquoi ?

- J’ai besoin de ton aide.

Griffin fronce les sourcils, intrigué par ce que son ami a derrière la tête. Son coté curieux prend le dessus.

Quelques minutes plus tard, les deux étudiants sont dans la chambre de Griffin, installés devant l’ordinateur. Shawn en profite pour jeter un coup d’œil à la chambre de son voisin, n’y étant jamais entré. Elle a la même taille que la sienne mais la fenêtre donne sur un espace vert. Le jeune informaticien a accroché des posters de comics des années 80 et de vieux jeux vidéo comme le célèbre « Metroid ». Ça donne un coté un peu kitch, mais très sympathique. On se sent tout de suite à l’aise dans cette pièce.

L’ordinateur portable est installé sur la table comme un trophée, rien d’autre ne se trouve à coté. Griffin est un garçon très soigneux, tout est parfaitement rangé dans sa chambre. Au contraire de Shawn qui a l’habitude de laisser trainer ses affaires jusqu'à ce que cela devienne invivable. C’est seulement à ce moment qu’il se décide à tout nettoyer et à tout ranger. Il a beau avoir voulu changer ses habitudes en arrivant aux Etats Unis, il n’y arrive jamais vraiment.

Son ami informaticien se connecte sur Internet, tombe sur sa page d’accueil. Puis il se tourne vers Shawn.

- Alors. Qu’est ce qu’on recherche ? demande l’informaticien

- Tout ce que je sais de mes parents, c’est mon nom de famille Weaver dit Shawn.

- Ça va être chaud de découvrir quelque chose, c’est un nom vachement courant en Amérique.

- C’est tout ce que j’ai ! Ça vaut quand même le coup d’essayer, non ?

Griffin acquiesce de la tête, il sait que c’est très important pour son ami. Il est content que son camarade ait fait appel à lui. Il compte redoubler d’effort pour trouver des informations.

- Je ferais tout ce que je peux pour t’aider dit Griffin.

- Je le sais répond Shawn, avant d’hocher la tête et de tapoter amicalement l’épaule de son voisin.

Griffin surfe pendant quelques instants à la recherche d’un site qui leur permettrait d’avoir le listing recherché. Shawn est impressionné par la rapidité à laquelle son ami tape sur le clavier. C’est comme s’il ne faisait qu’un avec son ordinateur. L’étudiant ouvre plusieurs pages de navigateur en même temps, le débit de vitesse est très rapide. Il est concentré sur plusieurs sites en même temps. On sent tout de suite que l’informatique, c’est son élément. C’est comme si le net n’avait aucun secret pour lui. Shawn sait se servir de cet outil mais il n’est pas aussi doué que son voisin. Internet, il s’en sert uniquement pour des recherches basiques : voir une vidéo, avoir des renseignements sur un sujet ou trouver l’adresse d’un cinéma ou d’un restaurant. Cela s’arrête là mais il sait qu’on peut tout trouver sur le net. C’est la caverne d’Ali baba pour qui sait s’en servir.

- Pourquoi ne pas t’arrêter sur les pages jaunes ? demande Shawn.

- Sur quoi ? demande Griffin, perplexe, ne comprenant pas.

- Sur l’annuaire explique Shawn oubliant que le nom « pages jaunes » n’est pas international.

- Pas assez précis. Tu sais le net, on trouve de tout et n’importe quoi. Mais, dés que tu connais un peu ton serveur, t’es le roi du net.

- Je te crois sur parole. Tu es mon sauveur.

- Tu pourras me payer un verre quand j’aurai trouvé quelque chose.

Griffin ouvre un site de recherche et il tape le nom « Weaver ».

- Prépares-toi à avoir mal aux yeux le prévient Griffin, avant d’appuyer sur le bouton « entrée ».

Shawn écarquille les yeux et retient sa respiration. Il savait que ce ne serait pas simple mais de là à voir 100 pages de personnes portant son nom, cela à de quoi le démoraliser. Il pousse un long soupir de dépit avant de dire :

- Putain de merde !

- Tu peux le dire dit Griffin, compatissant.

Shawn réfléchit à une manière de procéder afin d’éliminer un grand nombre de personne. Mais il se rend compte qu’avec un nom de famille aussi répandu que le sien, il ne sera pas bien avancé. Sa recherche pourrait prendre des mois sans promesse de résultat.

- C’est foutu ! s’exclame Shawn en se malaxant la nuque et en s’affaissant sur la chaise.

Griffin grimace, il n’aime pas voir ses amis dans cet état surtout quand il sait qu’il est impuissant pour les aider. Soudain, une idée lui traverse l’esprit.

- Attends deux secondes ! s’exclame Griffin, en agitant son doigt en l’air, réfléchissant.

- Quoi ? demande Shawn en voyant le visage songeur de son ami.

- Attends, je ne veux pas dire des conneries. Il faut que je vérifie quelque chose d’abord.

Shawn regarde sans comprendre, son ami qui s’active sur son clavier, surfant sur différents sites, jusqu’à tomber sur la page Web de l’université.

- Le site Web de la fac ! qu’est ce que tu cherches dessus ?

- Ça vaut le coup d’essayer, on n’a rien à perdre.

Shawn hausse les épaules et regarde ce que fait son ami avec attention.

- Bingo ! s’exclame Griffin en frappant dans ses mains, d’un air triomphant.

Shawn se penche en avant et lit ce qui est inscrit sur la page web. Griffin s’est connecté sur les archives de l’université, il y’a bien eu un Weaver à l’université en 1981.

- Ça peut concorder. On ne peut pas en savoir plus ? demande Shawn, avide d’information.

- Non, pour ça, il faut se rendre dans les archives. Mais l’accès est interdit aux étudiants. Il faut avoir une autorisation pour y accéder et c’est loin d’être facile d’en obtenir une.

Shawn hoche la tête avant de se lever et de se diriger vers la porte de la chambre.

- Ça c’est ce qu’on verra, ce n’est pas ça qui m’arrêtera dit Shawn bien décidé à agir.

- Fais gaffe à toi, ça peut te coûter cher.

L’informaticien n’a qu’à regarder son ami dans les yeux pour savoir ce à quoi ce dernier pense. Shawn sait qu’il est inutile de lui mentir.

- Je ferais gaffe. Désolé d’abuser mais tu peux chercher autre chose pour moi.

- Ouais, ce que tu veux.

- A propos de l’incendie du gymnase en ville, il y’a deux jours.

Shawn voit le visage de son informaticien préféré se plisser. Il sait qu’il doit trouver rapidement une excuse s’il ne veut pas que Griffin ait des soupçons sur lui.

- J’étais journaliste dans mon ancien lycée et j’aimerais savoir ce que la presse n’a pas dit ment Shawn.

- Ah, ok !

- Petite déformation professionnelle, si tu préfères.

Shawn fait un petit signe du bras pour saluer son camarade avant de sortir de la pièce. Il n’est pas du tout sûr que ce qu’il a appris le concerne. Mais si ses parents étaient des étudiants et qu’il a été conçu pendant l’année 1982, cela pourrait être une piste intéressante. Mais il a dû mal à croire qu’il fréquente la même faculté que ses parents avant lui. Cela serait une sacrée coïncidence. Ou alors, ce serait le destin, même s’il ne croit pas en cette philosophie de vie. Il a toujours pensé qu’une personne était libre de ses actions et que sa vie n’est pas déjà tracée.

Au moins le point positif dans cette histoire. C’est que cela lui permet de se concentrer sur autre chose que sur le fait qu’il est un meurtrier, responsable de la mort de plusieurs personnes.

Une heure plus tard, bureau du doyen. Ce dernier se trouve dans une tour prés du planétarium. L’édifice fait 4 étages et c’est tout en haut que se situe le bureau du doyen Richton. Dans les étages inferieurs sont situés les bureaux des professeurs et des membres du comité d’étudiant.

Le bureau du doyen est assez spacieux avec des sièges en cuir et des tableaux de la période impressionniste accrochés au mur.

Le doyen est un homme de 48 ans, cheveux blancs, l’air sévère. Lorsqu’on le voit pour la première fois, on a l’impression d’être face à un sergent de l’armée.

En ce moment ce dernier est assis derrière son bureau juste en face de Sarah qui le regarde avec un petit sourire timide sur les lèvres. Elle espère l’amadouer avec son handicap actuel. Mais elle a des doutes quant à ses chances de succès.

Elle a été convoquée juste avant de quitter la faculté. La jeune étudiante se demande s’il cela concerne son renvoi de ce matin. Si c’est le cas, les nouvelles vont vite et elle sent qu’elle va en prendre pour son grade. C’est la première fois en deux ans qu’elle se trouve nez à nez avec son doyen et elle s’en serait bien passée, préférant rester dans l’anonymat.

Le doyen qui ne fait rien pour la mettre à l’aise, a les bras croisés contre son torse et regarde la jeune étudiante. Cette dernière est obligée de baisser les yeux, ne supportant pas ce regard intense. Le dossier de Sarah est posé sur la table, bien en évidence.

- Mademoiselle Butler, vous pouvez vous détendre, je n’ai pas l’intention de vous tuer.

- Ça me rassure un peu dit Sarah, qui sourit d’un air crispé.

Il se lève et fait le tour du bureau, Sarah suit des yeux chacun des ses mouvements.

- Je vous ai convoqué pour faire le point sur votre situation. C’est une formalité tout ce qu’il y’a de plus formelle. Pas de raison de paniquer.

- Vous convoquez tous les étudiants ? Vos journées doivent vraiment être chargées dit Sarah.

- Non juste les redoublants répond le doyen sur un ton sec.

- Ah ! Je vois dit Sarah qui se sent de nouveau mal l’aise et qui aimerait se faire toute petite.

Le doyen se place juste derrière la chaise de l’étudiante, qui ne peut ni se retourner, ni le regarder.

- Vous savez que notre économie actuelle est en difficulté.

- Excusez-moi mais je ne vois pas trop le rapport avec moi.

- C’est simple pourtant. Les redoublants coûtent cher à l’état et faussent les statistiques.

Sarah déglutie avec peine et se sent profondément insultée. C’est comme si on lui interdisait d’aller en cours, tout ça parce qu’elle a fait une petite erreur dans son parcours universitaire. Elle trouve cela tellement honteux, qu’elle sent la colère l’envahir. Elle aurait envie de donner son opinion mais se retient et tapote nerveusement sur le sol avec son pied.

Elle sait qu’elle doit rester zen et ne pas s’énerver car le doyen a tout pouvoir sur elle. C’est comme s’il avait sa vie entre les mains et elle déteste cette idée. Personne ne doit décider de son destin, à part elle. Il pourrait la virer en une fraction de seconde et ce serait fini des rêves professionnels de la jeune femme. Même en sachant tout cela, elle ne peut se contenir plus longtemps et s’exprime sur un ton empli de colère :

- Franchement, je trouve ça honteux !

- Ne vous énervez pas, c’est vraiment inutile dit le doyen avant de s’asseoir à même la table juste en face d’elle.

Sarah fulmine mais n’ajoute rien, se contentant de regarder son interlocuteur.

- Je voulais juste m’assurer que vous étiez consciente de la chance que vous avez eu de pouvoir être reprise dans notre établissement. Vous continuez toujours à travailler le soir ?

- Oui, mais j’ai réduit mes heures. Je ne travaille plus autant. Ça me laisse le temps nécessaire pour mes cours répond Sarah, sur un ton défensif.

- Je n’ai rien contre les petits boulots. Je suis même pour. Cela forge le caractère, mais ce n’est pas donné à tout le monde. A l’université, vous devez amasser une certaine quantité de travail et la concentration est un élément clef.

- Sans vouloir vous contredire. Ce n’est pas ça qui va payer le loyer.

Le doyen sourit d’un air amusé, il n’aurait normalement jamais accepté qu’un étudiant lui réponde de cette façon. Mais il doit avouer qu’il apprécie le caractère fougueux de la jeune rousse et elle a tout à fait raison. Il la laisse se calmer, avant de répondre :

- Vous savez ce que nous allons faire. Je vais vous surveiller pendant un certain temps et si besoin est. Ce que je n’espère pas dans votre intérêt, nous nous reverrons.

- Cela me convient parfaitement dit Sarah en hochant de la tête.

Au fond d’elle, la jeune fille sait qu’elle n’a pas le choix. Mais elle aime bien faire croire le contraire et rester maître de la situation.

- Bien, alors tout est dit. Nous en avons fini dit le doyen, avant de désigner la porte de sa main droite.

Sarah remercie le doyen d’un signe de la tête avant de prendre congé et de se diriger vers la porte aussi vite que ses béquilles le lui permettent. Au moment où elle pose sa main sur la poignée, elle entend le doyen qui se racle la gorge. La jeune étudiante se retourne à contre cœur et voit le proviseur avec un petit sourire sur les lèvres.

- J’ai oublié une petite anecdote. Dans votre intérêt, ne vous faites plus remarquer comme ce matin.

- Entendu dit Sarah avec un petit sourire crispé.

Elle sort en vitesse du bureau, de peur que le doyen ne lui fasse d’autres remontrances ou change d’avis sur son cas. Sarah souffle un bon coup, elle se rend compte qu’elle aurait pu perdre sa scolarité.

- Ce n’est pas passé loin ! s’exclame t’elle, le teint pâle

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Tewfik Alimoussa ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0