Chapitre 45. Claire / Le chat et la souris

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J'ai le papier qu'on m'a remise de la part de Gustave, ce qu'il me raconte me sidère. Dans quel monde vivent-ils pour accepter un tel marché ?

Anne-Sophie l'aime encore éperdument, pour accepter un tel sacrifice... Ou peut-être un demi-sacrifice. Elle est tellement différente de moi qui n’accepterai jamais une telle chose.

Gustave me demande ce que j'en pense et ce qu'il doit faire, je ne sais pas si je dois être honorée ou horrifiée. Je me vois mal lui conseiller de négocier ma liberté. Je préfère rester ici, plutôt que renier mes convictions.

La porte s'ouvre à toute volée et la grosse voix du colonel remplit la pièce.

— Alors comment se porte notre dissidente ?

Le colonel me surprend, je m'attendais à quelqu'un d'âgé au visage sévère et revêche mais il a une allure imposante et pourtant affable, un bel homme tirant vers la cinquantaine, voire la soixantaine, rasé de près, la coupe des cheveux réglementaires de couleur poivre et sel.

Il tire une chaise en face de moi, s'assoit et croise les doigts en me regardant sévèrement.

— Jeune demoiselle, saviez-vous ce que vous encouriez en pénétrant dans une zone militaire ? Vous auriez pu être touchée plus gravement. Fort heureusement rien de dramatique n'est arrivé ! s'exclame-t-il. On m'a rapporté que vous vouliez mener une enquête ?

Impressionnée par sa prestance, je balbutie quelques mots d'excuse et tente de lui expliquer les motivations de mon acte. Au fur et à mesure que je parle, j'oublie la timidité et gagne en assurance. Je lui expose les sentiments qu'ont tous les villageois depuis ce blocage et le peu d'informations qui ouvrent la porte au pire suppositions.

Je lui raconte également les liens qui me relient à Philippe.

— Je reconnais que j'ai agis inconsidérément mais l'inactivité et l'absence d'information ont fait que nous avons bravé les interdictions.

Après m'avoir écoutée, le colonel me jauge du regard puis se met debout. Il semble hésiter et finit par dire.

— Nous allons vous garder encore quelques jours pour vérifier que vous n'avez aucun virus. Nous le faisons, pour protéger vos proches et j'espère que vous comprenez les mesures de précaution que nous devons prendre dans la situation actuelle. Vous pourrez ensuite rentrer chez vous après cette période d’observation.

— Et pour Philippe ?

— Nous sommes obligés de le maintenir ici sous surveillance, son état est trop critique. Mais si vous voulez, nous pouvons vous fournir les combinaisons adéquates, il suffit de venir me voir, je vous signerai une autorisation pour les visites.

Je suis surprise. C'est aussi simple que cela ? Une dernière curiosité me pousse à lui demander.

— Et votre arrangement avec Anne-Sophie ?

— Anne-Sophie ? Quelle Anne-Sophie ?

— Anne-Sophie, cest la belle brune distinguée, vous ne voyez vraiment pas qui c'est ?

— Ah oui, je vois très bien, la hâbleuse qui harcèle mes hommes. Quelle plaie ! Aussi collante qu'une bluebottle.

En sortant, il regarde autour de lui et grommelle.

— Il faudra que je donne des ordres pour vous mettre dans une pièce plus accueillante que celle-ci, vous n'êtes pas une détenue !

La visite du colonel m'a semblé être un tourbillon d'informations qui dépose du trouble dans mes pensées. Qui croire ? Lui ou la version d'Anne-Sophie ? Pour Philippe, il a parfaitement raison, à la maison, nous n'avons pas les moyens pour le soigner. Le déplacer c'est signer son arrêt de mort.

Il me faut prendre patience durant les prochains jours. Le risque de contagion et son inquiétante conséquence n'entament pas ma sérénité. Je pense à Gustave... Et je m'interroge…

Et si je rendais ta liberté

Nombreuse serait la foule

Qui se précipiterait

Pour fléchir ton cœur

Si pur

Si beau

Et si je te rendais ta liberté

Prête à me mourir

Prête à tout abandonner

Prête à souffrir

À re-souffrir

Et si je te rendais ta liberté

Mes yeux se détourneraient

Ne supportant de te voir

De vous voir

De les voir

Et si je te rendais ta liberté

Ce sentiment atroce

Disparaîtrait-il ?

Et si je te rendais ta liberté

Mon cœur s'arrêterait-il de battre

Et mon âme de respirer ?

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