Chapitre 58 : Servir l'empire

13 minutes de lecture

NAFDA


— Ça me rappelle de magnifiques souvenirs ! s’ébaudit Amenis.

L’assassin s’agita sur son lit avant de contempler le balcon incrusté par-delà l’arcade safranée. Tant la surabondance d’agaves que la teinte cristalline du carrelage lui éveillèrent les réminiscences. Puis le sourire du médecin impérial lui apparut. Ses fines tresses corbeaux oscillaient de part et d’autre de sa figure oblongue de carnation ébène. Tête inclinée de biais, mains appuyées sur sa chaise, Amenis ajusta les boutons de sa blouse écrue en coton. Fidèle à elle-même.

— Lesquels ? demanda Nafda, quoiqu’elle connaissait une partie de la réponse.

— Enfin, c’était il y a quelques années à peine ! remémora la soigneuse. Chaque fois que tu étais un brin lacérée lors de tes entraînement, on te conduisait à moi, et je te remettais sur pied avec plaisir !

— C’est vrai. Je ne vois pas ce qu’il y avait de si réjouissant, en revanche. Mais j’en oubliais ta fascination pour le corps humain.

— Rien de mal à cela ! De plus, je reste toujours strictement professionnel avec mes patients. Ma vie privée ne regarde que moi !

Je n’ai jamais prétendu le contraire. Tandis que Nafda haussait les épaules, toujours étendue sur le lit, le médecin tira la couverture. Elle examina chaque parcelle de son corps plusieurs secondes durant et acheva son inspection sur un radieux gémissement.

— L’étendue de tes blessures était considérable, dit-elle. Toutes ces années de pratique t’ont rendue résistante !

— Et tu continues de palabrer tout joyeusement ? répliqua Nafda. C’en est presque terrifiant.

— J’admets que je suis spéciale. Mais dans un monde si dense, avoir des qualités uniques est un atout !

— Dense ? Il faut aller au-delà d’Amberadie. On peut marcher des jours dans le désert sans croiser qui que ce soit.

— Tu gardes la langue aussi affûtée que tes dagues ! Si tu veux un reproche, sache que tu ne t’étais pas bien soignée. Tu aurais pu conserver ces cicatrices toute ta vie sans mon intervention !

— En d’autres circonstances, j’aurais affirmé que je les porterais avec fierté. Ce sont plutôt les stigmates d’une défaite cuisante, dans ce cas-ci…

Amenis plissa des yeux contempteurs à l’intention de Nafda.

— Bornée, hein ? remarqua-t-elle. Je dois avouer que ça fait du bien de te voir dans les parages. Même si je me doute que tu ne resteras pas longtemps.

Nafda enfonça sa nuque sur l’oreiller tout en se rivant vers le plafond. Ses lèvres se retroussèrent tant elle gambergeait.

— J’ai bien dévié de mes projets initiaux, songea-t-elle. Au début, j’avais une liste à éliminer, et je m’exécutais promptement. Puis je me suis aperçue qu’il existait de nombreux ennemis à l’empire au-delà des mages. J’ai apporté ma contribution contre la rébellion de Phedeas… Mais la vérité, c’est qu’une partie existe toujours, rassemblée dans l’ouest du territoire.

— Toute cette politique, je m’y perds ! s’exclama Amenis. L’essentiel, c’est que je sache de qui m’occuper.

Perplexe, Nafda constata combien Amenis transpirait. Aussi immergea-t-elle ses mains dans le seau à ses pieds et en extirpa une lavette avec laquelle elle s’épongea le front.

Elle soigne parce qu’on exige cela d’elle. J’assassine car on me l’ordonne. Quelle est la différence ? Il existe forcément une nuance, une réflexion. D’aucuns prétendent que nous sommes des outils à la solde du pouvoir, dépourvus de volonté. Ce doit être faux.

— J’ai eu la frousse de ma vie, rapporta Amenis d’une voix plus faible. Ils n’étaient qu’une soixantaine, pourtant ils se méprenaient à une horde incontrôlable. Pendant qu’ils massacraient la population du palais, je me suis juste planquée en espérant ne pas être repérée…

— Pas de culpabilisation, rectifia l’assassin. Tes compétences t’ont permis de traiter les blessés après la bataille. S’ils t’avaient fauché comme tant d’autres, il y aurait eu bien plus de morts.

— Tu crois ?

— J’en suis certaine. À chacun son rôle. Et tu accomplis le tien à merveille.

Amenis s’autorisa un sourire à l’apaisement de ses traits. Une once de timidité la submergea grâce au soutien de sa patiente. Mes soupçons étaient fondés. Voilà un aspect d’elle que je ne connaissais guère… Pourtant elle aime bien s’épancher. Elles se regardèrent quelques instants, peu inspirées quant à des propos jugés superfétatoires. J’ai trop flâné ici, moi. Ce serait le bon moment pour y aller.

Prête à s’extraire de son lieu de repos, Nafda perçut un grincement.

Koulad se présentait au seuil de la porte avec une mine pondérée.

— Tu es ici depuis des heures ! s’étonna-t-il. Tu as pourtant été peu touchée lors du combat.

— J’avais surtout des vieilles plaies à traiter ! clarifia Amenis.

— Soit. Toujours est-il que je te cherchais depuis un moment, assassin. Mais avant toute chose…

Il réduisit la distance, distillant une once d’angoisse chez Nafda. Néanmoins la dissimula-t-elle, décidée à bien paraître, quitte à se mentir. Allons bon ! Il a encore des reproches à m’adresser ?

— Je tenais à m’excuser, dit finalement Koulad.

La jeune femme fronça les sourcils en détaillant son interlocuteur. Surprenant de sa part ! Aurait-il compris ?

— Tu pourrais être plus précis ? insista Nafda.

— Je ne me fiais pas à toi, ajouta le milicien. Tu avais l’instinct et tu l’as suivi jusqu’au bout. Pendant que je bataillais contre de simples rebelles, Dénou et toi vous illustriez à merveille contre Phedeas.

— Les louanges vont à Bennenike. Elle a défait son neveu d’une main de maîtresse. C’était un plaisir d’assister à ce duel, de jubiler lorsqu’elle l’a transpercé de ses deux lames. Sa dépouille sur le trône, avec sa misérable fiancée sanglotant dessus, avait une valeur symbolique.

— Voilà pourquoi j’aurais dû être là ! Ma place était auprès de mon épouse !

— Comme je l’ai raconté, elle se débrouillait très bien toute seule. Vous aurez d’autres occasions pour la voir.

Une grimace dépara le faciès de Koulad. Nafda s’en amusa, ce malgré la raison de sa présence au départ. Il exprime ses regrets, je domine la conversation. J’admets qu’il est de bonne volonté.

— Tout est réglé, dit Koulad. L’armée belurdoise est venue en renfort comme prévu. Les derniers rebelles ayant attaqué les murailles sont en déroute. Oranne Abdi croupit dans une cellule, là où est sa place.

— Quelle est donc la raison de votre visite, outre votre pardon ? demanda Nafda.

— Bennenike aimerait s’entretenir avec toi. Sur ton avenir.

Des frissons courbèrent l’échine de l’assassin. J’en trépignais d’impatience. Elle s’empressa de se rhabiller sous ses couvertures, puis de sortir de son lit. Sur son passage, accrocher ses lames sur sa ceinture constituait une priorité, même si elle se trouvait parmi ses alliés. Peu importent mes doutes, elles restent avec moi.

— Ainsi donc, déclara Nafda sur un ton pétri d’assurance, je ne vais pas faire attendre davantage notre impératrice.

D’une cadence soutenue elle approcha de la sortie. Elle perçut toutefois un chuchotement au moment de franchir le seuil :

— Sans connaître les détails, c’est d’une importance primordiale. Bennenike doit te parler de certaines nouvelles réjouissantes… et d’autres qui le sont beaucoup moins.

Koulad s’était raidi. Il persista à observer l’assassin dubitative. Jusqu’à ce qu’elle fût hors de sa portée.

Gardes, servants et nobles se comportèrent pareillement. Chaque fois que Nafda passait à proximité, des mots se glissèrent avec discrétion. De ces chuchotements naquit une pointe de nervosité alors qu’elle gravissait des marches et franchissait des couloirs. La furtivité attendra pour mes ennemis. D’anonyme à renommée, il y a une certaine cohérence dans mon cheminement. La plupart de leurs propos lui étaient inintelligibles mais une certaine fascination en émergeait. Encensée des uns, craintes des autres ? Je peux m’y accoutumer. Inutile de vivre dans le déni.

Elle déglutit cependant avant de pénétrer dans la salle du trône.

S’y découpait la silhouette de la dirigeante suprême. Si imposante que l’assassin était insignifiante en comparaison. Bennenike se dressait devant le siège qui incarnait sa puissance. Elle dévisageait sa plus précieuse alliée, sa cape écarlate chatoyant comme jamais. Nafda exécuta une révérence à défaut d’interpréter l’expression sibylline inscrite sur son faciès. Je suis un outil à sa disposition. L’extension de sa volonté. Ceci est la vérité rassurante dans cette période d’incertitude.

— Vous rayonnez, félicita-t-elle. L’opposition a beau grandir, vous triomphez toujours.

— Ces paroles me vont droit au cœur, remercia Bennenike. Mais il s’agit de toi. Koulad t’a bien expliqué pourquoi je t’ai faite venir ici ?

— Pas exactement. Il a été plutôt évasif. Vous avez beaucoup à me dire, il me semble.

D’un acquiescement l’impératrice s’érigea. Elle surpassait l’assassin de taille d’autant plus qu’elle s’était courbée. Bennenike l’enjoignit à se redresser d’un geste de la main. Des étincelles strièrent leurs yeux comme elles se fixèrent. De maîtresse à servante, nous nous comprenons.

— De multiples événements se déroulent simultanément, déclama l’impératrice. Le Tordwala renforce sa frontière à l’est, de peur que l’empire tente une conquête, sans savoir que je ne nourris aucune pareille ambition. Le Diméria, au contraire, se montre plus agressif, exige que les esclaves dimériens de la région de Nilaï et de Kishdun soient libérés. Interdire l’esclavagisme et pourchasser les responsables n’ont pas suffi ! À Kishdun, une bonne partie des myrrhéens sont d’ascendance dimérienne, et doivent être de ce fait traités en citoyens égaux. Et c’est sans compter sur la cité-état de Danja ! Ils avaient déjà pris leur indépendance lors du règne de mon père, maintenant ils exigent le retrait des troupes myrrhéennes et belurdoises ? Si je n’avais pas d’autres priorités, je l’aurais déjà annexé. J’évoque bien sûr l’autre partie de la rébellion. Ruya zi Mudak réclame l’indépendance de la région de Gisde, comme si une majorité de locaux la soutenaient ! Voilà pourquoi le Tordwala n’a aucun tracas à se faire pour le moment : maintenir un empire aussi vaste requiert déjà beaucoup de ressources. De troupes, j’entends.

Nafda hocha la tête, silencieuse, attentive aux paroles de sa dirigeante. Je suis si obnubilée par ma propre quête que j’en oublie l’état du monde. Il est bon d’avoir des rappels de temps en temps. Mains jointes derrière le dos, Bennenike réalisait allers et retours, assurée que son assassin la suivait du regard. Elle s’arrêta subitement, et sa mine s’assombrit.

— Tout ceci relève de l’ordre de bouleversement plus généraux, poursuivit-elle. Je suppose que tu as entendu parler des derniers événements en Enthelian ?

Les épaules de l’assassin se voûtèrent. J’aurais dû mieux prêter l’oreille. Bennenike ricana face à son mutisme. Éphémère toutefois, tant des sillons creusèrent ses joues, et elle retint un grognement.

— Une débâcle, résuma-t-elle. Godéra Mohild s’est alliée avec Vatuk Locthor afin de ramener les mages myrrhéens et belurdois, réfugiés dans la cité de Thouktra, dans leur pays respectif. C’était un décret impopulaire dans la mesure où la magie est toujours légale dans l’Enthelian. Il s’en est suivi une bataille au sein de la ville, peu après l’assassinat de Vatuk, par une mage du nom de Jawine Ristag. Tu n’as aucun souci à te faire à son sujet, car Nerben Tioumen l’a tuée… Avant d’être occis à son tour par Horis Saiden. Un cycle sans fin, n’est-ce pas ?

Nafda s’ankylosa. Ses membres se crispèrent, des frémissements l’habitèrent. Beaucoup d’informations d’un coup… Mais je saisis l’essentiel. Puis ses ambitions se matérialisèrent au moment où son poing se serra à hauteur de sa taille, suscitant aussitôt l’approbation de son impératrice.

— Nerben n’est plus, songea-t-elle. Je ne vais pas me plaindre. Il aurait pu me sauver, au lieu de quoi il a attaqué ses propres alliés et a permis à Phedeas de s’enfuir. Horis Saiden, par contre… Où qu’il aille, son nom résonne. Glorifié par les uns, abhorré par les autres.

— Je suis surprise que Koulad ne te l’ait pas annoncée, fit Bennenike. La mort de Nerben constitue une maigre consolation par rapport au reste. S’il n’était pas sorti de sa retraite, s’il s’était retiré après la bataille de Doroniak, ou même s’il avait détalé autre part qu’à Thouktra, il aurait pu trépasser de vieillesse. L’imbécile a couru à sa perte, non sans emporter de nombreuses personnes avec lui.

— Mais sinon, si vous mentionnez Thouktra, c’est parce que les mages l’ont remporté, n’est-ce pas ?

— Hélas. Au moins Doroniak a fini en ruines, sans véritable vainqueur. La résistance s’est mieux organisée cette fois-là. Quelle déception d’apprendre que Godéra, pourtant si redoutée, a échoué à les mater. Enfin, elle est toujours vivante, et pourra donc contre-attaquer. Docini, sa cadette, pourrait lui être une alliée de taille, mais je n’ai aucune nouvelle d’elle depuis un moment.

— Les inquisiteurs s’étaient séparés de nous sans nous prévenir, après cette bataille.

— Aurait-elle été tuée sans que je le sache ? Malgré ma position, certaines informations m’échappent…

Derrière sa façade insensible, une onde de tristesse fendit l’impératrice. Elle tenait à elle… Une alliée de taille la servait pendant mon absence. Plus bourrine peut-être, mais qu’en était-il de sa loyauté ? Bien vite cacha-t-elle ses sentiments au risque de manifester une faiblesse à Nafda.

— Quoi qu’il en soit, reprit-elle, je suis assez confuse. Au vu du soutien des souverains enthelianais à la cause des mages, je serais tentée d’annexer cette contrée. Mais je suis déjà assez bien occupée avec les revendications indépendantistes ! Notre pays sera-t-il détruit de l’intérieur ? Serais-je la dernière de la lignée ? Aucun empire n’est éternel, après tout.

C’était discret, à peine perceptible, pourtant Nafda l’avait remarqué.

Bennenike tremblait.

Même les plus illustres et puissantes figures possèdent leurs failles. Je pensais être la seule à douter, je voulais me référer à sa glorieuse impératrice. La peur le submerge. La possibilité d’une défaite. Cela ne doit pas arriver.

L’impératrice et son assassin s’immobilisaient là où circulait l’aura. Des symboles d’antan, survivants au passage des siècles. Le trône comme personnification de leur suprématie. Il est bon de se rassurer quand tout menace de péricliter.

— Ressaisissons-nous ! s’écria-t-elle. Il nous reste du temps pour réfléchir. Bientôt je me réunirai avec mes conseillers afin d’établir une stratégie. Il prévaut de rétablir l’ordre au sein même de l’empire… Étant donné que j’aie perdu beaucoup de miliciens et de soldats, je dois procéder à un recrutement massif. C’est faisable. Le cas de l’Enthelian est plus compliqué, mais je peux exhorter la Belurdie à les attaquer, avec la promesse d’une aide pour leur contribution à la défaite des rebelles. Tout n’est pas perdu !

Nafda la dévisagea avec distance, ce qui encouragea Bennenike à l’examiner. Son débit est plus rapide qu’à l’accoutumée. Elle qui contrôle d’ordinaire ses émotions, elle y succombe… L’emprise de la dirigeante ne cessait de s’accroître. Pour sûr que l’assassin soutenait le regard, mais non sans tressailler.

— Et moi ? demanda la jeune femme. Quel est mon rôle dans tout ceci ? Assassiner les mages ou les rebelles ? Peut-être les deux ?

— Tu as bien deviné, répondit Bennenike. Nafda, tu as ma confiance et tu fais ma fierté. Non contente d’avoir conduite ma nièce saine et sauve au Palais Impérial, ton intervention a permis la défaite de Phedeas. J’entends d’ici Oranne se lamenter dans sa cellule.

— À ce propos… Je me dois d’être honnête avec vous.

Arquant les sourcils, Bennenike détailla sa protégée, et un air grave dépeignit ses traits.

— De quoi s’agit-il ? questionna-t-elle sur un ton glacial.

— Dénou et moi avons été prisonnières de Niel et Leid, rapporta Nafda en bredouillant. Ils ont laissé Dénou tranquilles, mais ils se sont insinués dans mon esprit avec leur magie. Une longue souffrance d’où je me suis extraite avec des séquelles.

— Tu ne m’en avais jamais parlé. Manque d’opportunité ?

— Je me rattrape maintenant. Mais le pire est à venir… Avant de traquer Phedeas dans le désert, je souhaitais poursuivre Ruya, mais je suis tombée sur Médis Oned, la mage qui accompagnait Horis. Elle s’était séparée de lui et protégeait un clan nomade. Je l’ai vaincue en combat singulier. Sauf qu’au moment de l’achever, quelque chose m’a bloqué, si bien que j’ai battu en retraite…

— Quelque chose ? Quoi donc ?

— Comme une voix interne. Elle répétait que Médis n’était pas mon ennemie. Ni elle, ni les autres mages.

Nafda se tut. Jamais n’avait-elle autant jugée par sa maîtresse. Lentement, Bennenike posa sa main sur sa ceinture, d’où elle tira ses dagues. Pourfendeur, en appétence de sang, l’acier frôla bientôt sa gorge. Des frissons paralysèrent l’assassin quand le regard compléta le geste de l’impératrice. Une sensation de froid se transmit sur sa chair. C’était prévisible. Au vu de son humeur, ce n’était peut-être pas le bon moment pour me confesser… Tant pis, elle avait besoin de savoir.

— Nafda, souffla-t-elle.

— Oui, votre grandeur ? répondit timidement la jeune femme.

— Je t’ai formée durant des années. Je ne t’ai pas seulement appris à manier tes lames, et à te donner une condition physique hors norme. Je t’ai aussi enseignée l’importance de ta quête. Niel et Leid t’ont lavé le cerveau ? Tu es plus forte que cela.

— J’essaie de résister ! C’est difficile…

— Un seul échec parmi tes victoires. Je peux le pardonner, pour autant que tu ne répètes pas ces erreurs. L’occasion de te rattraper va se présenter. Débarrasse-toi de Leid et Niel, qui ourdissent depuis trop longtemps dans l’ombre. Tue Horis Saiden, qui survit encore et toujours. Tu as accompli ton rôle à merveille, mais il est loin d’être achevé.

Elle lâcha les lames qui chutèrent sur la tapisserie dans un cliquetis. De lourdes foulées résonnèrent alors dans la pièce. Bennenike s’en fut en adressant un ultime coup d’œil à sa protégée :

— Ne me déçois pas, Nafda.

Un claquement isola l’assassin comme son front était lustré de sueur

Nafda tâtonna. Bien qu’elle récupérât et rengainât ses dagues, elle ne les maintint plus avec fermeté. L’écho jaillissait, se répétait, assaillait. Et avec lui la vision d’une trame dont elle était incapable de trancher les fils. Un flux omniprésent, qu’une pléthore de personnes manipulait à sa guise, et qui pourtant lui échappait.

Tout n’était qu’images et allégories. Des cris qui s’abattirent avec fracas. Des salves projetées en parfaite harmonie, loin du chaos qu’elle s’était toujours figurée. En son centre, l’éternel séditieux, l’impérissable mage.

Horis Saiden, j’aurai ta peau. Tu es mon obsession. Tu es mon adversaire.

L’assassin s’essuya le visage du revers de la main avant de faire volte-face. Tentée de se fixer sur le trône, resplendissant au-delà des songes, elle s’en alla prestement. Peu importait qu’elle eût davantage occis que quiconque. Peu importait la portée de ses actes. Décevoir Bennenike l’Impitoyable était inenvisageable.

Trottait un opiniâtre sentiment malgré tout. Une pensée qui ne s’extirperait point de sitôt.

Et si son pire ennemi se situait à l’intérieur ?

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Saidor C ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0