Chapitre 7 : L'inévitable alliance (1/2)

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FLIBERTH


Un instant rien que pour nous. Puisse-t-il nous donner de la force. Nous en aurons bien besoin.

Des rayons de lumière fendirent les rideaux jaunâtres, éclairèrent la façade, révélèrent la poussière environnante. Malgré tout, la pénombre persistait au sein de cette chambre exigüe, ainsi ses deux occupants demeuraient dans l’ombre. Ils adoptèrent différentes inclinaisons, emportés dans une dynamique alternance, superposés l’un sur l’autre.

Leurs corps se rejoignaient en parfaite harmonie.

Par-dessus le sommier en pierre s’entonnait la jouissance. Penché sur sa partenaire, Fliberth rythmait ses gémissements au gré de ses coups de bassin. Des gouttes de transpiration lustraient son visage, entre ses cillements intempestifs, tandis qu’il enroulait ses bras autour de son épouse. Sous la vive attention de l’être aimé, Jawine pinçait ses lèvres, plaçait sa tête en arrière, se courba pour mieux se délecter du moment. Ses mains enserrèrent la couverture vermillon sur laquelle leurs ébats s’accéléraient. Ainsi chérirent-ils leur contact et répétèrent-ils les tendres gestes.

Puis l’union s’accrut. Des paumes de Jawine jaillirent un flux lumineux. De suite les spirales se mirent à tourbillonner tout autour du jeune couple. La magie, assimilée à une particule dansante, cadença davantage leur activité pourtant bien véloce. Peu à peu ils ralentirent, se suspendirent à l’intensité, recueillirent cette essence si transcendante.

Nous ne faisons plus qu’un. Comment peut-on considérer pareil phénomène comme maléfique ? Au contraire, il nous renforce. Il intègre notre nature.

Lorsque le summum du plaisir fut atteint, lorsque Fliberth et Jawine crièrent à l’unisson, ce moment marqua la fin. Non que le garde sentît une rupture : si son cœur battait à vitesse démesurée, il sentit une pointe lanciner sa poitrine. Il se retira avec douceur. Désormais à côté de sa femme, il entreprit de l’embrasser, toutefois il dut récupérer son énergie à coup de grandes inspirations.

Jawine ricana de pleine bienveillance.

— Allons, Fliberth ! s’écria-t-elle. Prends une petite pause. Repose-toi. Je t’ai peut-être trop sollicité.

— Hé ! s’exclama son mari. Ce fut un plaisir !

— Je n’ai jamais prétendu le contraire…

Fliberth et Jawine se fixèrent mutuellement tandis que le flux s’intériorisa petit à petit, plongeant derechef la chambre dans un noir absolu. Ça m’avait manqué…

— C’est juste que…, bredouilla-t-il. Il faut en profiter, non ? Tant que l’opportunité nous est encore offerte, je veux dire.

— Ne fais pas ton timide, voyons ! Ça me ravit que tu sois aussi performant au lit qu’au combat !

— Je te retourne le compliment !

— Je crois que je vais rougir… Si on continue ainsi, ça va devenir trop niais ! Rappelons-nous nos devoirs. Il…

Un bruissement émergea soudain. Alerte, Jawine enfila sa robe de mage et noua sa cordelette en toute vitesse. Ensuite généra-t-elle un orbe bleuté qui illumina la seule. Dirnilla en particulier, bras ballants, sourires étirés par un sourire gêné.

— Mais…. Mais…, bégaya Jawine. Qu’est-ce que tu fous là ?

— Longue histoire, avoua-t-elle. Disons que Vendri s’apprêtait encore à me réprimander, à me répéter combien je suis une garde incapable. J’ai donc décidé de me réfugier là où elle ne viendrait jamais me chercher. Pensez-y : elle ne va pas rentrer ici sans prévenir !

— Tu t’es introduite ici sans notre permission ? Tu t’es immiscée dans notre intimité juste parce que tu avais peur d’être grondée ? Tu n’as pas honte ?

— Absolument pas ! Si vous saviez comme Vendri est effrayante…

— Effrayante ? intervint Fliberth, son dos confortablement appuyé sur son oreiller. Vendri est ma meilleure amie ! Elle est forte, loyale et sincère.

— Peut-être bien, mais elle me moleste quand même ! C’est quoi, le souci ? Vous êtes trop effrayés, donc vous avez besoin d’un souffre-douleur ! Je l’ai déjà affirmé : je ne suis pas faite pour le combat ! Privez-moi de mon épée, éloignez-moi de mes dangers, et puis…

Sitôt qu’on frappa à la porte, Dirnilla sursauta, son regard braqué vers le seuil. Une réaction bien prompte en comparaison de Fliberth, trop concentré à souffler et à se gratter le crâne.

— Attendons avant d’ouvrir, préconisa-t-il. Je suis encore nu !

— Hors de question ! hurla Dirnilla.

La garde décampa à brûle-pourpoint, tira la poignée telle une forcenée. Comme elle se retrouva par-devers ladite Vendri, laquelle la toisa, sa fuite se révéla d’autant plus preste.

Un moment de silence s’ensuivit.

— Tâchons d’oublier ce passage, fit Vendri. Il est trop tard pour verser quelques insultes.

— Bonne idée, dit Fliberth en détournant les yeux.

— J’ai comme l’impression que je dérange à un instant inopportun.

— Pas du tout ! dit Jawine. On en avait terminé… Enfin bref, Vendri, quelle est la raison de ta visite ?

— Une visite, justement ! Tu l’avais annoncée, ils sont arrivés. Les inquisiteurs de Belurdie. La branche modérée, pour notre plus grand bonheur !

— Qui parmi eux s’est rendu jusqu’ici ?

— Une délégation entière ! Même leur chef, Kalhimon, est parmi eux. Enfin, il ne s’agit pas vraiment de lui, comme nous le savons déjà.

— Ils arrivent à point nommé ! se réjouit Fliberth. Mais je dois m’habiller avant de les accueillir. Si tu peux fermer la porte…

— Oui, ce détail a de l’importance ! Donnons-nous rendez-vous dans la salle commune. Ne tardez pas trop, il ne faudrait pas faire patienter nos invités !

— Nous n’avons aucune raison de traîner… Tu auras aisément deviné pourquoi.

Fliberth et Vendri s’échangèrent un regard complice avant que cette dernière les laissât dans l’obscurité. Fidèle à elle-même ! Pourquoi donc Dirnilla se permet-elle de la critiquer ? Quelques secondes durant, le garde se claquemura dans ses pensées, puis une intruse lumière l’éblouit. Jawine ouvrit les rideaux avec promptitude, animée d’une fluide démarche. De quoi exhorter Fliberth à enfiler prestement son équipement. Accrochant son épée à sa ceinture, il s’approcha de son épouse afin de la gratifier d’un baiser.

— Je n’allais pas omettre la douce conclusion, dit-il.

— Mais ce n’est que le début ! répliqua Jawine. Sur ce, sortons de notre intimité jusqu’à la prochaine arrivée… Qui j’espère se déroulera bien assez tôt.

Le couple sortit de la chambre à bonnes foulées. Si seulement les devoirs et les besoins se conciliaient mieux… Plissements et froncements devaient être retenus, et sourire élargi pour mieux paraître. Les traits du garde se détendirent tandis qu’il progressait dans les couloirs barlongs. Au sein de ce vétuste amas de pierres, où la chaleur se conservait trop dans les interstices, le mobilier en chaîne accroissait la sombreur de l’environnement. Il y persistait un remugle, sauf dans quelques pièces aérées. Ce qui, à leur grand dam, était le cas du lieu de leur réunion.

Nos ennemis ont échoué à pénétrer au cœur même de notre foyer. Ils ne nous en priveront jamais. Du baume emplit le cœur de Fliberth comme il s’immergeait dans la salle commune. Plusieurs longues tables en pierre s’alignaient sur un dallage anthracite, sous la lumière vacillante de chandelles suspendues au plafond. Un feu ronflait dans l’âtre au bout de la salle, tout juste allumé, prodiguant brasillement parmi les convives. À son éclat s’ajoutait celui de l’extérieur, transmises au travers des vitre triangulaires d’une teinte morillon.

Jamais cette salle n’avait été aussi peuplée.

Fliberth et Jawine saluèrent indifféremment les gardes et les inquisiteurs. Difficile de ne pas les confondre avec les assaillants d’autrefois. Garde de juger à l’apparence ! Tant de sourires décochés rassérénèrent le garde dont la lame demeurerait dès lors dans le fourreau. Des capes de nuance claires s’adjoignaient leur plastron en acier illuminés d’un symbole d’épée, pour un prestige maximum. Ces nouveaux alliés comblent un manque. Nous avons tant perdu, mais il nous reste encore à gagner.

Vendri se redressa et interpella le couple d’un vague signe de la main.

— Par ici ! fit-elle. Les discussions sérieuses peuvent débuter !

Fliberth reconnut d’emblée le chef de l’inquisition. Kalhimon Steria surprenait davantage par son faciès livide, strié de lacérations, plutôt que par sa grandeur et sa robustesse. Tant sa redingote en velours que son pantalon en toile contrastaient avec les plis de son visage livide, ceint d’une barbe fournie, autour duquel flottait une abondante chevelure noire imprégnée de mèches grises. Il semble bien à l’aise. Le seul à ne pas porter la tenue de l’inquisition est donc le chef ? Étonnant… Quand transpercèrent ses yeux anthracites, le capitaine rata un battement. Quand il serra la main de Jawine, bouche ouverte par l’enthousiasme, il réprima un soupir de soulagement. Le vrai Kalhimon est mort. Je dois m’y habituer. Voilà qui constitue un net avantage stratégique.

— Enchanté de vous rencontrer, Jawine ! s’écria-t-il. Pour reprendre une formulation classique : votre réputation vous précède.

— Et la vôtre, alors ? s’amusa la mage. Le secret n’existe plus, en tout cas parmi vos alliés. Puis-je vous appeler par votre vrai prénom ?

— Oui, vous pouvez m’appeler Emiteffe. En fait, inutile d’installer une hiérarchie entre nous. J’apprécie d’être tutoyée !

— Très bien. Alors comme tu connais déjà mon nom, je te présenter Fliberth Ristag, capitaine de notre garde recluse, et accessoirement mon charmant mari !

Généreuse en compliments. Il vaut mieux que je le mérite. Le garde coupa toute hésitation et serra la main de son homologue de l’inquisition. Lequel, l’expression affable, pointa un de ses confrères de l’index.

— J’ai aussi des présentations à effectuer, affirma Kalhimon. Voici Zech Nabion, aussi déterminé à pourfendre l’adversité que nous le sommes !

Le jeune homme désigné se leva d’un bond. Il avait des cheveux orangés, soyeux et chatoyants, la figure blafarde où taches de rousseur ne diminuait guère l’éclat de ses yeux azurés. Il portait un surcot carminé inscrit sur un fond blanc sous lequel une cotte de maille complétait brassards et jambières en fer, soulignant sa carrure fine. Il a une telle différence d’âge avec Kalhimon. Pourtant, il y a quelque chose dans son visage. Qui montre qu’il n’est pas comme les autres.

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