Nuits éternellement destructrices

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Tard le soir, dans l'obscurité la plus totale, lorsque le sommeil prend place mais ne m'emporte pas totalement, je ferme les yeux, et j'aperçois ton visage.


J'aperçois ton sourire si beau dont tout le monde parle et se souvient. Je sens de nouveau tes mains enlacées aux miennes, ton souffle au creux de mon cou, et tes bras autour de moi. J'entends ton rire perçant, et je souris en retour. Je ne dors pas, je somnole seulement, mais nous sommes ensemble, tu es présent, et ce rêve reprend doucement place. Celui où tu es près de moi, où tu me murmures que tout ira bien désormais, puisque tu ne partiras plus jamais. Tu me rends ce que tu m'as retiré en partant : ma vie de jeune fille épanouie, emballée dans une petite boîte aux couleurs multiples. Et je te souri, en regardant cette existence qui me manque tant. Je m’empresse de te couvrir de baisers, pour te remercier et te dire à quel point tu m’avais manqué. Après de longs mois sous silence, c’est pas croyable mais tu es là, nous sommes de nouveau ensemble, et en l’espace de quelques secondes, tu réussi à me faire oublier celle que je suis devenue durant tout ce temps où tu étais absent.


Jusqu'à ce que tes mains s'immobilisent. Jusqu'à ce que ton corps tout entier ne réagisse plus. C'est en relevant lentement la tête que j'aperçois peu à peu ton sourire s'effacer, tes yeux se refermer, ton rire s'éteindre et tout ton corps se figer. Je fais soudain face à ton visage ferme, immobile, et sans vie. Il est tard, je suis seule dans ce lit immense, refuge de mes idées noires, et je te regarde mourir une seconde fois, devant moi. Alors je me bat inconsciemment pour te faire revenir, te réveiller. Mais rien. Tu disparais, et la deuxième phase de ma nuit s’entame.


Nous nous retrouvons encore et toujours à la même étape de notre histoire. Celle où j'ai 15 ans et demi, qu'il fait chaud dehors puisque l'été bas son plein, et que je suis assise aux côtés de ma mère et qu'une multitude d'êtres t'entourent, au cœur de cette pièce sombre et vide. Seules toutes ces fleurs réchauffent cette atmosphère morbide, mais les photos de toi et les plaques à ton nom ramènent très vite à la dure réalité à laquelle nous devons faire face ce jour là.


En entrant, je m’étais timidement avancée jusqu’à ton lit. Je t’avoue, que j’aurais aimé rester là, derrière ce haut-vent et ne jamais avoir à le franchir. Alors j’avança, les jambes tremblantes, et le coeur en vrac. Cela faisait de longues heures que je n’avais pas vu le jour, et que de mon lit je n’avais ni mangé, ni parlé, et encore moins dormi. Alors j’avança, et me fis un passage au coeur des personnes qui se tenaient déjà là, devant toi. J’avança, jusqu’à me tenir moi aussi, devant ton corps sans vie. Mon premier regard se porta sur ton visage, puis le reste de ton corps recouvert d’un drap blanc. Les premières minutes ne furent pas les plus douloureuses. Ce n’était pas la première fois que je t’observais dormir. Mais ce jour là, ton sommeil était d’une profondeur extrême, et d’une durée éternelle. J’aurais aimé hurler, au point que tu te réveilles en sursaut, mais je réalisa rapidement que l’espoir, à cet instant même, était d'une inutilité monstre.


Près de toi, ton cher père te comble de caresses et ne retire pas sa main de ton cœur, sa femme elle, pleure le jeune homme qui était devenu son fils bien qu'elle ne soit pas ta mère de sang. Et tes sœurs chantent d'une mélodie douce, et envoûtante les paroles des chansons que tu aimais tant. Mes larmes ne cessent de couler, ce spectacle est terrifiant, parce que cela fait des heures que nous sommes coincés là, à espérer, alors qu'en ce 04 août, il n'y avait plus de place pour l'espoir.


Les heures tournent, la pièce se vide. Et je suis encore là, assise sur cette chaise, ne lâchant pas la main de ma meilleure amie, à te regarder. La pièce entière m'observe elle aussi. De nombreux regards indiscrets en disent beaucoup, et se demandent où est passée cette meilleure amie rayonnante que tu avais. À quel moment cette jeune fille livide va t-elle s'approcher de ton corps sans vie afin d'accepter. Ce corps sans vie. Ce coeur étient. Ce sourire figé. Ils se demandent par quels moyens allait-elle réussir à s'en sortir après cette terrible épreuve à laquelle elle faisait face ce jour là.

Jusqu’à ce que je me retrouve seule, et que le moment venu de te faire mes adieux n'arrive. Ils avaient compris avant moi, que mon moment était venu. Ma mère m'aide alors à me lever de peur que je perde pied et m'écroule de faiblesse. Nous déplaçons ma chaise au près de ton corps, sans vie, et vient mon tour de t'adresser mes dernières paroles.


Tu es beau, si beau.. C'est pas croyable. Comme si cette voiture ce jour là ne t'avait pas atteins, que tu l'avais seulement survolée avec succès et que tu en étais sorti indemne. Mais ce jour là, lorsque cette voiture, un beau jour d'été, t'a frappée de plein fouet, ton cœur a cessé de fonctionner. La magie n'existe pas, les super héros non plus, les accidents de deux roues ne pardonnent pas. Mais tu restes si beau. Bien qu'à 17 ans et demi, ce bel homme ai perdu la vie.


Je suis près de toi, et je suis consciente que tu aurais souhaité que je m'allonge à tes côtés, bien que ce lit soit trop étroit pour nous deux, et bien que la situation ne soit pas franchement adéquate pour. Et puis ce jour là ce n'était pas possible, ce jour là ce n'était plus possible. La partie était terminée, le jeu avait cessé. Et ni l'un, ni l'autre n'avait déclaré forfait, la vie y avait simplement mit fin.


J'ai timidement posé la paume de ma main sur ton bras qui était le long de ton corps, et une vague de froid s'imprégna en moi. Et ma vie bascula. Et tout s'effondra autour de moi. Et les larmes n'étaient plus assez fortes pour évacuer la détresse qui s'installa. Tout mon être se gela, en un instant. C'est avec difficulté que je réussis à effleurer ta main, pour la serrer intensément contre la mienne. Je me blottis contre toi, mais ton cœur ne battait plus mon ange. Il y avait deux corps dans cette pièce, mais seulement un être. Alors je ferma les yeux, afin de te rejoindre une dernière fois. Afin d'être un instant de plus, au plus près de toi. Et doucement, d'un air lointain, je cru entendre ton souffle. Je t’entendis respirer, j'entendis de nouveau ce souffle que tu adoptais lorsque tu somnolais au creux de mes bras, en ces soirs d'été, et je cru te faire revivre. Mais je n'ai pas trouvé le pouvoir magique assez puissant pour, il était trop tard mon ange. Alors je continua à te regarder, comme je l'ai toujours fait. Je pris une profonde inspiration avant que les mots réussissent à se faire entendre. Ta main était au creux de la mienne, et je te caressais le visage avec tendresse, lorsque j'arriva à prononcer ton nom. "Jordan.." De longues minutes passèrent avant que je n'arrive à prononcer quoi que ce soit d'autre. Mon corps était un amas de larmes, me paralysant de tout mon être. Plus rien n'existait autour de nous, c'était toi, et moi, contre le monde. Un monde qui s'effondrait sous mes yeux. Un monde qui ne nous appartenait plus désormais. Un monde dans lequel je m'apprêtais à me battre seule.


"Ce n'est pas aujourd'hui que je te dirais au revoir, puisque personne ne m'obligera jamais à te quitter. Puisque je suis certaine que tu es toujours quelque part, pas loin, à veiller sur moi. Alors je te souhaite bon voyage mon grand, bien que j'aurais aimé être de la partie. Veille sur elle, sur lui, et sur nous." Et sans que je ne contrôle rien, les mots sortirent d’eux même. "Mon petit cœur, je te promet de ne jamais t'oublier, ne jamais te remplacer, et ne jamais cesser de prononcer ton nom. Je te promet d'être forte, même si cela va être insurmontable sans toi." J'étais en sanglot, j'étais terrifiée, mon être tout entier tremblait, j'avais froid à mon tour. "Je m'excuse, de ne pas avoir eu plus de temps. Rien qu'un peu plus de temps. Je m'excuse pour ça mon ange. Tu devais être terrifié. Tu l'es sûrement encore. Et toi seul sait comme je le suis aussi. Alors saches que.. je veillerais sur toi moi aussi, alors n'ai pas peur mon ange, s'il te plait, ça va aller. Je te le promet. Tout ira bien." Et je t'embrassa, pour la dernière fois.


Il n'y a pire baiser que celui que l'on fait a un corps sans vie. Cette nuit, cela fait un an, 12 mois, 52 semaines, 365 jours, 8766 heures, 525960 secondes, que je vis avec le décès de mon meilleur ami. Et cela fait un an que chaque nuit, je revis ces instants comme si je m'y trouvais de nouveau. Cela fait un an que chaque nuit, je me réveille à 05h25 en sueur, le visage humide, le coeur en vrac, et terrorisée à l'idée d'entendre les paroles que je n'ai jamais eu le courage de prononcer.


Le problème avec le temps qui passe, c'est qu'il emporte avec lui certains détails, bien que notre mémoire nous permette de visualiser de nouveau ces instants. Le plus dur cette nuit, c'est d'avoir besoin d'une vidéo de toi pour me souvenir du son de ta voix. C'est d'avoir besoin d'une photo de toi pour me remémorer ton sourire, alors qu'il ne sera jamais aussi beau en photo qu'il ne l'a été en réalité. C'est de te retrouver uniquement au cœur de mes cauchemars. C'est d'avoir ce manque constant, de ton toi au près de moi, au près de nous. C'est d'avoir eu durant une année cet espoir sans fin de t'apercevoir, quelque part, n'importe où.


Le mot est faible, mais Dieu seul sait comme Je t'aime.

AutobiographieJeunesseTragédie
Tous droits réservés
1 chapitre de 7 minutes
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En réponse au défi

Songe d'une nuit d'été ou d'une ancienne nuit d'hiver ou d'un printemps passé ou...

Lancé par Fabien Sansterre
Bonjour à tous, cela a probablement déjà été fait mais ne l'ayant pas trouvé dans la liste des défis, j'aimerais vous proposer ceci. Racontez-moi un de vos songes. Qu'il soit rêve ou cauchemar... Que vous l'ayez fait hier, avant-hier, il y a une semaine, un mois, un an, dans votre jeunesse... Qu'il vous ait marqué ou pas... Qu'il soit réel, partiellement fictif ou totalement fictif... Qu'il s'inscrive dans un récit ou non... Qu'il soit de poursuite ou de chute, contemplatif ou érotique, cinématographique ou absurde, terrifiant ou honteux... Tout est permis. Parlez moi de l'un de vos rêves.

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