Chapitre 1

6 minutes de lecture

Lundi. 5h30. Le réveil sonne. C’est l’heure de se lever. Le week-end a été dur. Deux soirées d’affilée, j’ai encore la tête dans le cul. Je m’apprête à la va-vite, chaque seconde compte. Habillé, coiffé, je prends un verre de jus de pomme et un croissant. Pas le temps de manger autre chose, je devrai tenir le ventre vide jusqu’à midi. Il est déjà 6h01. Je risque de rater le bus de 6h30.

Ouf ! Je l’ai eu de justesse ! Je m’installe tout au fond à droite, comme d’habitude. Ça me permet d’avoir une vue d’ensemble de chacune des personnes qui monte et descend du bus. Je prends mon cahier de textes. Avant, j’exprimais toutes mes idées sur mon mémento. Plus maintenant.

Je sors mes écouteurs. L’inspiration vient toute seule. Je saisis mon stylo, un Pilot Hi-Tecpoint V7 noir rechargeable. Je n’écris qu’avec lui. Parce qu’il est d’une esthétique remarquable. Et que moi, dans la vie, j’attache beaucoup d’importance à l’apparence. Chansons, chroniques, poèmes, sketchs, scénarios, j’essaie d’écrire tout ce que je peux. Tout ce qui me passe par la tête.

C’est marrant, avant je pensais que les écrivains étaient des génies. Après tout c’est vrai quoi, pour sortir un best-seller international juste avec un stylo et une feuille de papier, faut bien avoir quelque chose de spécial non ? Une astuce que les autres n’auraient pas ? En fait, pour moi il s’agit juste de souffrir. Souffrir, encore et encore… C’est ce qui te donne des idées.

Ça fait pas mal de temps que je désire être écrivain, acteur dans un premier temps, mais aussi écrivain. C’est en prenant conscience de la difficulté d’insertion dans ce milieu que j’ai été tenté de développer davantage ma voie littéraire, bien qu’elle soit tout aussi difficile. Ecrire des récits et des scénarios a toujours été un de mes points forts. La littérature, le cinéma, le théâtre et moi ça ne fait qu’un. Donner vie à des personnages, jongler avec les mots, modifier le texte comme il te convient, avoir l’impression de tout contrôler… J’ai toujours adoré ça. Depuis ma plus tendre enfance, j’ai toujours été parmi les meilleurs de ma classe en français. Pourtant, avant je n’avais jamais d’idées, du moins je ne concrétisais jamais mes projets. J’avais beau chercher, je ne trouvais pas de sujets auxquels me consacrer entièrement, ou sinon, je n’avais pas d’inspiration longtemps. Mais depuis que je connais le vrai sens du mot « douleur », cette sensation pénible, désagréable, qui peut te clouer au lit pendant plusieurs mois… Cette souffrance morale, affligeante, qui vient envahir ton esprit pareillement à un déluge de consternation. Oui, depuis que j’ai saisi l’ampleur de ce mot, tout s’avère être plus clair, plus facile. C’est comme si quelqu’un m’avait versé un seau d’eau sur la tête et m’avait dit « Sin, réveille-toi ! ». Je me suis rendu compte que la manière la plus simple et la plus pratique d’écrire une histoire, en tout cas lorsque l’on débute, c’est de remanier ta propre histoire. Tes expériences. Tes moments de joie, de bonheur, mais de malheur aussi. L’angoisse. La détresse. Le bien-être. La souffrance. Le désarroi. Ce sont autant de sources d’inspiration à partir desquelles tu peux laisser libre cours à ta créativité.

6h45. Je me suis assoupi pendant un quart d’heure. Je m’installe tranquillement, je suis dans les temps. Il me reste encore une heure avant d’arriver au lycée. Je me fixe un objectif de deux pages pour ce matin. Je lance ma playlist Ne-Yo. J’entends alors les premières notes de One In a Million quand je commence à faire parler ma plume.

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13h00. Après une matinée des plus ennuyantes, je rejoins Koffi et Clément à la Maison des Lycéens, couramment appelée MDL. Je traîne avec eux au quotidien, même si en ce moment j'ai surtout envie de rester seul.

Koffi c’est un ami de longue date. En vérité son prénom c’est Louis-Marie mais comme c’est trop long tout le monde l’appelle par son nom. On a vécu pas mal de choses ensemble. Il s’entend bien avec tout le monde, je ne sais pas quel est son secret. Moi je ne peux pas, il y a beaucoup trop de gens que j’ai envie de remettre à leur place. Je dors chez lui tous les jeudi soirs, depuis que j’ai déménagé. Car désormais j’habite trop loin de mon lycée, mais je voulais absolument y rester, du moins jusqu’à la fin de l’année. En conséquence, je passe une nuit chez lui une fois par semaine. Cela me permet de diminuer mes trajets mais également la fatigue qu'ils occasionnent.

Clément, c’est un ami de Koffi, il est dans sa classe. Je ne le connais que depuis cette année, mais il est très marrant. Ça doit être sa mentalité, il est tellement insouciant. Demain pourrait être la fin du monde qu’il jouerait tranquillement à la console.

J’ouvre la porte de la MDL, je les aperçois au baby-foot, comme d’habitude. Je vois un grand type avec eux. Je l’avais oublié, lui. Ils sont toujours avec Paul, un garçon de leur classe. Mais je ne l’apprécie pas trop, il nous suit partout. Un putain de pot-de-colle. Malgré ça, je me résous quand même à les rejoindre.

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14h07. Mince, j’ai trop parlé, je suis en retard pour le français. Mais bon, je suis serein, ce n’est pas comme si c’était la première fois. En plus, j’ai de bonnes notes dans cette matière et la professeure m’apprécie ; ça devrait aller.

Sur mon chemin, j’aperçois une blonde au loin... Non. Pas elle. N'importe qui mais pas elle. Qu’est-ce que je suis censé faire ? Si je rebrousse chemin, je pourrai peut-être l’éviter… Raté, elle m’a déjà vu. Je détourne brusquement le regard. Si je fais demi-tour maintenant j’aurai l’air d’un lâche… Désormais, je suis obligé de passer devant elle. Mentalement, je m’encourage et j’y vais. J’entends mon cœur battre dans mes veines dans un rythme effréné. Je commence à marcher. J’avance avec un cœur de lion. Je peux sentir ses yeux de braise braqués sur moi. J’ai d’ailleurs l’impression que son regard tente de me tuer à petit feu. Dans le feu de l’action, j’ai l’impression d’essuyer le feu alors qu’elle se contente uniquement de me dévisager. Je souris à un visage familier au loin, j’essaye d’éviter son attention. Je passe si près d’elle que je peux sentir son souffle chaud effleurer ma peau. Ouf ! Je suis passé ! Malgré tout, je devine encore ses yeux flamboyants rivés sur moi.

Après tout, c’est justifié. Elle souffre sûrement à un point que je n’imaginerai jamais. C’est de ma faute si sa sœur est partie. Elle doit avoir le cœur gros, et elle ne doit pas me porter dans son cœur. Je lui ai complètement ôté sa joie de vivre. Je n’avais pas le droit de faire ça. Passons, en route pour le français.

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18h05. Fin des cours. Je me dirige lentement vers mon arrêt de bus. Ce n’est pas comme si j’étais pressé, mon bus arrive dans 25min. Je peux sentir une légère brise fraîche dans mes cheveux noirs. C’est la brise de terre, soufflant la nuit du continent vers la mer. Après tout, mon lycée est à seulement trois kilomètres de la plage. Je m’assois sur le banc. On dirait que je suis bien parti pour poireauter dans le froid. Je fais ça tous les jours, depuis que j’ai déménagé, à part le jeudi bien sûr. Depuis que je suis parti de chez ma mère pour aller vivre chez mon padre, à une heure de mon lycée. Conséquemment, je me farcis quotidiennement les trajets aller-retour en bus de ligne : trois heures de route au total. Mais bon, ça en vaut la peine. Ma mère, elle… Non. Laissez tomber pour ce soir, je suis trop agacé et épuisé pour en discuter. Si j’évoque le sujet maintenant cela va encore plus m’irriter. Il faut que je garde la tête froide. Ces cours de sciences intensifs sur les fonctions dérivées m’ont exaspéré. Si je trouve une bonne âme capable de me dire à quoi me servira le triangle de Pascal dans ma vie de scénariste je jure que je l’épouse sur-le-champ.

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21h47. Ah ! Enfin un peu de calme. Je viens juste de coucher mes deux sœurs, Maëlia et Alisha, respectivement âgées de quatre et un an. Elles ont beau être mignonnes, qu'est-ce qu'elles sont bruyantes… Bien, à présent, allons droit au but. Il faut que je vous raconte mon histoire.

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