Chapitre sixième

6 minutes de lecture

Godric ne craignait pas les goules, fussent-elles des goules de sang. Ces dernières, plus fortes, plus violentes que leurs cousines, restaient des créatures stupides qu'il pouvait vaincre aisément, même en nombre. C'était l'avantage de posséder une baguette. Mais il craignait tout de même de se rendre dans des tunnels gobelins seul. Ces créatures maniaient une magie instinctive que les sorciers ne parvenaient pas bien à maîtriser, en dehors de rares exceptions, Merlin en tête. Et puis il y avait les éventuelles autres créatures. Les vampires aimaient les goules de sang, leurs facultés les désignant comme chefs naturels de ces choses. Et il n'était jamais bon de se frotter à un vampire car, en plus de leur soif de sang et de leurs capacités magiques spéciales, ils étaient souvent des sorciers plutôt doués.

Alors qu'il regagnait le Chaudron tout en réfléchissant aux dangers qu'il devrait affronter sous peu, il se rappela qu'il n'avait pas l'éternité devant lui : il devait aussi s'occuper du cas du petit Arthur.

— J'ai peut-être visé trop juste... se dit-il en poussant la porte de l'auberge.

— Godric ! Enfin, tu daignes te montrer !

Le jeune homme fut si surpris qu'il se figea sur place. Assise à une table, son amie lui souriait, toujours aussi belle. Gwendoline était assise à côté d'elle.

— Rowe ? Qu'est-ce que tu fais là ?

— Tu n'es pas content de me voir ?

— Bien sûr que si, ne dis pas de sottise. Je suis surpris, c'est tout. Je te croyais en Cornouailles.

Godric s'avança et s'installa à la même table que les deux demoiselles.

— Je vois que tu as déjà fais la connaissance de Gwendoline.

— Oui, elle est adorable. Quoi qu'un peu tête en l'air.

Gwendoline de son côté n'écoutait pas. Elle s'amusait à faire voleter un petit papillon lumineux du bout de sa baguette. Un tour que lui avait appris la nouvelle venue, à n'en pas douter.

— Et donc, tu n'es plus en Cornouailles. Comment va Elga ?

— Non, je suis venue cette nuit. Tu sais bien que les longues distances ne me font pas peur, ajouta t-elle avec un clin d’œil. Et Elga va très bien, merci pour elle. Elle serait prête à abriter quelques enfants chez elle, le temps que je réhabilite le manoir.

— Rowe, tu sais bien que ton château ne sera jamais assez grand. Il doit y avoir des dizaines, voir des centaines d'enfants à protéger.

— C'est mieux que rien, non ?

— Tu as raison. Mais il faudra voir plus grand assez vite.

Le papillon de Gwendoline éclata comme une bulle, émettant un bruit de bouteille que l'on débouche. Godric réclama une bière à Edvin, le patron et barman.

— À vrai dire, je suis content que tu sois là. J'aurais besoin de ton aide pour un boulot.

— Dans quoi t'es-tu encore fourré ? Soupira Rowe. La fois avec le dragon ne t'as pas suffit ?

— J'en ai retiré un paquet d'argent !

— Et une belle frayeur ! Tu as faillis y rester. Ta brûlure te fais encore souffrir ?

— Cesse donc de te moquer et écoute. Les moldus deviennent de plus en plus méfiants vis-à-vis de la magie, Gwendoline est là pour en témoigner. Beaucoup de problèmes en découlent : les gobelins veulent s'isoler d'eux, s'en protéger. L'une de mes connaissances, Gortak, veut que je nettoie d'anciens tunnels gobelins pour lui. Un repaire de goules.

— Les gobelins savent se débrouiller. Pourquoi te demander ?

— Ils ont essayé de leur côté, et s'y sont cassé leur nez crochu. L'un des leurs est mort. Si nous y arrivons à leur place, Gortak m'a promis une récompense à la hauteur du service rendu.

— Tu sais comme moi que les gobelins ne sont pas dignes de confiance.

— Rowena, Gortak ne m'a pas tout dit, je le sais bien. Mais ces tunnels sont des tunnels d'un ancien et glorieux clan, bourré de richesses. En plus de représenter un avenir pour beaucoup de gobelins dans cette ville. Il paiera.

— Serons-nous assez de deux ?

— Je ne sais pas. Seul, je n'irais pas. Mais je ne voudrais pas te mettre en danger. Nous ferions bien d'y aller à trois ou quatre.

— Tu connais quelqu'un qui pourrait être intéressé ?

— Moi, je suis intéressé.

***

Halvard s'était retrouvé à Londres après des jours et des jours d'un long périple. Arrivé dans les rues salles de cette ville moldue en pleine expansion, il n'avait pas tardé à retrouver la trace de sorcellerie. Ses sens aiguisés lui permettait de flairer la magie et il régnait ici, en plus des effluves nauséabondes, une forte odeur qui lui rappelait son enfance dans la cabane de sa mère ou dans ses excursions avec le vieux Ingvard. Flânant au gré de cette fragrance si particulière, il ne tarda pas à découvrir une ruelle sombre et inquiétante. Un vrai coupe-gorge qu'aucun moldu ne souhaitait fréquenter. Le jeune homme compris tout de suite qu'il se trouvait dans un lieux que son tuteur n'aurait pas détesté découvrir. Les boutiques vendaient tout un tas d'ingrédients pour des potions, ou des mélanges déjà prêts à l'emploi, avec des étiquettes évocatrices : poisons divers, remèdes douteux et élixir mystérieux se signalaient par autant de crânes, d'étincelles brillantes et de fleurs ensorcelantes.

Quelques sorciers vaquaient à leurs occupations et, si un ou deux lui jetèrent des regards curieux ou méprisants, la plupart l'ignorèrent superbement. Halvard trouvait les sorciers de ce pays orgueilleux, mais il leur trouvait aussi une forme de distinction qu'il n'avait jamais rencontrée dans le nord. Et ils avaient des baguettes. Bien qu'il ne les voyait pas toutes, c'était évident : l'une dépassait d'une poche, une autre servit à chasser une grosse mouche à l'aide d'un éclair blanc qui fit griller l'insecte en plein vol, sans que cela n'émeuve personne. Ingvard considérait les bâtons et les baguettes comme des armes puissantes. Ici, elles étaient visiblement commune, à tel point qu'on n'y prêtait plus attention. Lui aussi, il aurait bientôt une baguette.

Il quitta la ruelle, en emprunta une autre et déboucha sur une petite place aménagée entre plusieurs grandes bâtisses. Il y avait là un magasin de robes de sorciers, une boutique d'accessoires qui vendait des ustensiles par dizaines, des chaudrons, des instruments en argent et des fioles. Et là, une boutique vendait des baguettes.

— Chez Olivander, déchiffra Halvard qui avait encore du mal à lire.

Il était inutile qu'il entre : il n'avait pas un sous, en dehors des quelques piécette d'argent qu'il lui restait. Il devait trouver un moyen de gagner sa vie. Il voulait d'abord se reposer de son voyage, prendre un repas et peut-être une bière. Celle que servaient les anglais n'était pas si mauvaise, bien que légère. Il se rendit donc dans l'établissement qui gardait l'entrée de la ruelle menant à la place. Le Chaudron Baveur n’accueillait presque personne. Une femme apprenait à une gamine des tours idiots. Toutes deux attablées et occupées, elles n'accordèrent pas même un regard au nouveau venu. Quelle façon stupide d'utiliser un objet aussi précieux qu'une baguette magique ! Halvard se rendit au comptoir et réclama à manger et à boire. Lorsqu'il paya, le patron tiqua sur son argent.

— Tu viens du nord, étranger ?

— Oui, et alors ?

— Oh, par curiosité. On ne voit pas beaucoup de gens comme nous, parmi eux. A vrai dire, je crois bien que vous êtes le premier que je vois.

— Ils n'ont pas la même culture, ils ne pratiquent pas la magie comme vous. Les dons sont respectés, mais peu cultivés. Ils n'ont pas de baguette, par exemple. À ce propos, j'aurais besoin de m'en procurer une, mais j'imagine que c'est cher.

— Pour un sorcier, pas tant que ça. Les prix ont grimpés, c'est vrai, mais je dirais que vous pouvez en trouver une pour un peu plus de trois onces.

— D'argent ? Ce n'est pas rien.

— Non, non ! Pas d'argent, des onces d'or, corrigea Edvin.

Halvard en resta bouche-bée. Autant d'or représentait une petite fortune. On n'en trouvait parfois pas autant pendant un pillage d'église. Alors qu'il pensait cela, un homme entra dans l'établissement. Visiblement, lui et la femme se connaissaient, car ils eurent des retrouvailles bruyantes.

— Vous devriez demander à ce gars qui viens d'entrer, conseilla Edvin. Godric, qu'il s'appelle, un bon gars et un futur grand sorcier, si vous voulez mon avis. Il a acheté une baguette à la petite pas plus tard qu'hier.

Halvard considéra le nouveau venu. Grand, bâti comme un ours, habillé comme un seigneur des moldus, il lui sembla comme la quintessence des raisons qui poussaient ses anciens compatriotes à piller l’Angleterre : il respirait l'opulence. Halvard tendit l'oreille et intercepta quelques bribes de conversations au sujet de gobelins, de tunnels et de trésors. Il ne lui en fallut pas plus. Il prit une grande rasade de bière et s'avança. La femme demandait :

— Tu connais quelqu'un qui pourrait être intéressé ?

— Moi, je suis intéressé.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Djurian R ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0