Chapitre troisième

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Il n’aimait pas la ville. Ses bruits comme ses odeurs le fatiguaient, lui donnaient la nausée. Né dans un petit village paisible, Godric aimait la campagne, l’air pur et la verdure. Ici, tout lui semblait gris et sale et ce n’est pas cette ruelle crasseuse et puante qui le détromperait. Mais sa présence ici n’avait rien d’un hasard. Depuis que cette elfe de maison lui avait apporté un message de son amie, il poursuivait un but nouveau et noble qui seyait à son noble esprit.

— Dépêche-toi, Gwendoline, tu es encore dans la Lune.

Derrière lui, une fillette d’une dizaine d’année sembla se réveiller d’un doux rêve et pressa le pas pour rattraper son sauveur et protecteur. Désormais également son précepteur.

L’une et l’autre partageaient des traits communs, comme leur chevelure quelque peu hirsute qui oscillait entre le châtain et le roux, si bien qu’on aurait pu prendre le jeune homme pour le père de la petite. Pourtant Godric était encore bien jeune, à peine plus de vingt ans mais sa barbe déjà drue le vieillissait un peu. Il arriva devant la maison qu’on lui avait indiquée et frappa à la porte. Il y avait du monde qui passait dans la rue et les moldus lui jetaient des regards curieux. C’est vrai que le garçon, solidement bâti, en imposait naturellement, en plus d’être vêtu à la dernière mode chez les nobles. La fillette qui le suivait passait plutôt inaperçue. Mais si les gens le guettaient curieusement, ce n’est pas tant qu’il dénotait dans le paysage de cette rue misérable que le fait qu’il toquait chez cette famille en particulier, ces gens bizarres chez qui l’on entendait parfois des cris sinistres, des hurlements, des pleurs. Des rires parfois, mais pas souvent.

Une femme vint lui ouvrir. D’aspect craintif, elle le jaugea un moment, avant de lui demander l’objet de sa visite. Godric tenta d’expliquer la chose simplement à la femme : il était venu voir son fils, un garçon formidable dont il avait entendu parler. Son mari arriva et voulu refermer la porte, mais la vue de la bourse bien remplie que lui tendit Godric lui changea finalement l’idée. Godric et Gwendoline disparurent dans l’ombre de la bicoque, la porte claquant derrière eux.

— Qu’est-ce que vous voulez à mon garçon ? S’enquit aussitôt le père sans ambages.

— Pour l’instant, simplement le voir et lui parler, mon brave. Gwendoline, ici présente, est mon élève depuis peu. Elle présente des facultés rares que je suis à même de perfectionner. Il se pourrait que votre fils dispose de ces mêmes capacités.

— Mon gamin est maudit, asséna tristement le père. Si vous le voulez, prenez le et bon débarras.

— Maudit, dites-vous ?

— Ouais. On peut rien lui dire, si y s’met à brailler, il se passe des choses… Des choses déplaisantes.

— Comme quoi, par exemple ?

— Pas plus tard que c’te nuit, il a fait un cauchemar, qu’y dit, ça en a fait trembler toute la baraque.

Godric resta songeur. L’enfant devait être particulièrement perturbé pour causer des troubles de cette ampleur.

— Puis-je le voir ?

On amena le petit devant Godric. Il ne devait pas avoir dix ans et il parut aux yeux du jeune gaillard de la campagne comme particulièrement frêle.

— Comment t’appelles-tu, petit ?

— Arthur, m’sieur.

— Es-tu heureux, Arthur ?

Le gamin pencha la tête sur le côté et resta songeur. Soit il ne comprenait pas la question, soit il en ignorait la réponse.

— A quoi ça sert, ces questions ? demanda le père, soupçonneux.

— Je voudrais qu’Arthur me réponde sans que vous ne vous emportiez, si possible. Lui, comme vous, devez comprendre une chose.

— Et quoi donc, monsieur ? Rétorqua le père, mimant la façon de s’exprimer de son étrange hôte.

— Pourquoi il doit partir, venir avec moi.

— J’veux pas partir ! Protesta aussitôt le gamin. J’veux rester ici avec maman !

— Arthur, je t’ai posé une question. Je sais que tu dois beaucoup aimer ta mère et toute ta famille. Mais demande-toi si tu ne serais pas mieux ailleurs. Je pourrais t’apprendre à faire tellement de choses…

Joignant le geste à la parole, Godric s’empara de sa baguette qui se trouvait dans sa poche. Il fit un moulinet et des flammes de la cheminée jaillirent une multitude de petites escarbilles qui s’égayèrent dans la pièce en prenant la forme de minuscules oiseaux.

— Je ne veux pas de sorcellerie sous mon toit ! s’exclama alors la mère de famille, se rapprochant de son fils et le prenant dans ses bras comme pour le protéger. Vous ne prendrez pas mon garçon !

— Madame, votre fils est un sorcier. Si personne ne lui apprend comment s’en servir, ses pouvoirs risquent de le rendre fou, malade ou pire encore. Il sera un danger pour tous, vous attirera l’animosité de vos voisins. Avec moi, il sera en sécurité et, quand il sera formé, il pourra revenir vous voir. La magie n’est pas mauvaise, ce n’est qu’un outil.

Le père et la mère échangèrent un regard. Ils n’étaient pas d’accord, cela sautait aux yeux. Mais l’un comme l’autre aimaient leur fils.

— Qu’est-ce que vous allez lui faire, si y part avec vous ?

— Lui faire ? Je ne vais rien lui faire. Je lui apprendrais ce que mon maître m’a appris. Je descends d’une vieille famille de sorciers de par mon sang. Je descends de Merlin en personne, de par mon maître. Il est triste qu’il y ait autant de défiance envers la magie dans la patrie d’aussi illustres personnages que lui, Morgane, Viviane ou Elias.

Godric considéra le garçon qui, réfugié dans les jupons de sa mère, le lorgnait avec défiance. Le jeune homme sourit au gamin.

— Il m’est venu une idée, récemment. La petite Gwendoline, ici présente, devait brûler sur un bûcher. Ses propres parents, les gens de son village, voulait la faire périr parce qu’elle aussi est spéciale et je l’ai sauvée des flammes. Je suis né dans un petit village, en Cornouailles. Ma famille est l’une des dernières à y vivre. C’est un endroit perdu, mais j’aime ces terres. Si vous ne voulez pas vous séparer les uns des autres, vous pourriez vous installer là-bas.

— Pour sûr ! Et j’y ferai quoi ? Demanda le père, cynique. J’suis batteur, chez un maître teinturier.

— C’est une bonne situation ? Rétorqua Godric par pure rhétorique, car il savait que c’était un travail dur, physique et qui ne payait guère. Ma famille possède ces terres, je pourrais vous loger dans une ferme, vous octroyer des champs.

— Pourquoi vous feriez ça pour nous ?

— Ne croyez pas que ce sera facile. Vous devrez travailler dur, rénover la maison, semer et planter, tailler et récolter. Mais au moins, vous pourrez manger à votre faim chaque jour de l’année. Vous pourrez vous chauffer, pour peu que vous alliez couper vous-même le bois nécessaire. Vos enfants pourront aller jouer dans les champs sans crainte et Arthur pourra s’épanouir sans danger, recevoir une éducation qui sied à sa nature.

— On peut pas partir. J’ai des dettes.

— Rien qu’un peu d’or ne puisse effacer, balaya Godric en faisant tomber deux piécettes dorées sur la table. Je veux rendre la vie à mon village natal. Et je veux protéger ces enfants du sort qui les attend si je les laisse sans défense. Nos intérêts convergent. Alors ?

Le père de famille se leva et s’approcha de Godric, qui se leva à son tour. Ils échangèrent une poignée de mains, scellant ainsi leur accord.

— Laissez-nous cet or et quelques jours, le temps qu’on s’arrange. Et on vous suivra.

— Fort bien. Je viendrais vous emprunter Arthur quelques heures demain. Quand vous serez prêt, prenez la route des Cornouailles. Je saurais vous retrouver.

Godric prit alors congé. Une fois dehors, il respira un grand coup. Non, décidément, il n’aimait pas les odeurs de la ville.

— Que fait-on à présent, maître ? demanda la petite Gwendoline.

— Vu que nous avons plusieurs jours devant nous, je crois qu’il serait temps que nous te trouvions une baguette.

— Chouette ! Ponctua la gamine.

— Je sais qu’il y a un fabricant de baguette, ici à Londres. Il paraît que c’est un étranger, mais il a bonne réputation.

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