La lettre d'Aimée

2 minutes de lecture

Mon bien nommé,

Je m’appelle Aimée, vous ne me connaissez pas et déjà, si vous deviez vous adresser à moi, il vous faudra passer par ces cinq lettres si joliment disposées qui témoigneront par avance de vos bonnes dispositions à mon égard.

Mes parents dans leur choix d’un prénom ont pris soin d’y glisser l’assurance de leurs bons sentiments. Il faut leur accorder ceci : la prévoyance. Leur capacité d’anticipation a toujours été pour eux une manière de tenir à distance l’impondérable. C’était des gens qui avaient du poids dans la société et cela implique une certaine forme de conformité, des prises d’initiative aussi. Mon prénom participait des deux. Ils témoignèrent par ce choix de toute leur affection à mon égard. N’ayant ainsi plus rien à prouver, ils purent m’embrasser du bout des lèvres, m’assurer de leurs meilleures intentions tout en revendiquant aux yeux de tous, malgré mes colères et mes frasques probables, de la permanence de leur attachement.

Quel précipice séparait pourtant la dénomination de l’objet. Aimée je ne le fut point. Ou si mal que j’en vins à douter de la réalité de mon existence. Tout repose donc maintenant sur vous, sur l’usage que vous ferez de ces deux syllabes qui rythmeront nos échanges. Lorsque j’ai vu votre nom sur le papier à entête de l’agence, je n’ai pas pris la peine d’en savoir plus.

La radicalité de nos origines dont témoigne les quelques syllabes accolées à nos patronymes m’a semblée seule suffire pour justifier notre rencontre. Désiré… À lui seul votre prénom était une promesse qui m’était destinée. Dut-elle n’être qu’un songe, une illusion il me fallait me rendre à l’évidence : votre personne augurait pour moi de toute les réparations que j’avais vainement recherchées auprès de mes géniteurs. Si j’osais même me montrer optimiste je verrais dans les trois syllabes qui vous nomment l’espoir de fonder une famille. Alors le choix ne nous manquerait pas pour désigner notre héritier. J’entends déjà avec Espérance résonner les pas d’Auguste, de Félicité ou de Fidèle comme les prémices à notre amour que j’appelle de mes vœux.

Mon adresse est au revers de l'enveloppe, ne me tournez pas le dos avant que de m'avoir répondu,

Votre Aimée.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire arkagan ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0