5. De magie ?

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Mardi 27 novembreCASSIE

Ses yeux…

Encore et toujours ce même regard que je connais comme s’il m’avait quitté hier. D’accord, dans un sens c’est le cas. Mais je ne parle pas de « hier » comme de la veille, mais plutôt comme d’un passé lointain. Un souvenir à la fois chaleureux et douloureux. D’ailleurs, pourquoi il revient sur ses pas ? En penchant la tête vers lui, je ne peux m’empêcher de replonger dans ses iris d’émeraudes. Et sans m’en rendre compte, je cherche ses paillettes d’or que j’avais l’habitude de compter.

— Bordel…

— Quel accueil, merci, ironise Ashley en s’arrêtant devant mon office. J’ai oublié ceci.

Son doigt pointe la tasse et le plateau errant à mes côtés. Je ne les avais même pas remarqués trop absorbée dans la dégustation de mon chocolat chaud. Celui qu’il m’a préparé en suivant les étapes de notre rituel d’antan. MerdeCass ne craque pas. Certes, il adore cette boisson et y a ajouter du lait de la manière dont je lui ai montré. Mais ça ne signifie pas pour autant qu’il se souvient de moi.

Aucun mot ne sort de ma bouche. Pourtant, je devrais au moins le remercier pour la tasse qu’il m’a apportée, je crois. Mais je n’y parviens pas. Toujours chamboulée par le souvenir de plus tôt. Décidément, mon cœur est encore bien trop attaché à lui et notre histoire commune. Ash n’a pas encore récupéré sa tasse m’examinant sous toutes les coutures. Et au lieu de serrer les doigts autour de sa boisson, il atteint ma joue et en dessine les contours.

Surprise par la sensation de bien-être. Ma peau s’appuie contre sa paume. Tout mon corps reconnait sa présence, sa chaleur et sa douceur. Il me réconforte à sa façon. Fragile, hésitant. Exactement comme avant… Mais cet avant n’existe plus depuis longtemps. Alors une seconde de plus me suffit pour prendre conscience de mon lâcher-prise. Et dans un mouvement de recul, qui entraîne ma chaise avec moi, je percute les étagères métalliques dans mon dos.

Il semble perdu.

Oh, Ashley…

Non ! Cassie ! Pendant que je me mets une claque mentale, Ash reprend vie. Son expression accueillante se ferme pour figer ses traits derrière un masque de marbre. Bien joué ! Sa carapace fixée sur son dos, son bras retombe contre sa hanche. Cet homme met ma tête et mon cœur dans tous leurs états. Dans quoi je me suis encore fourrée ? Rassurée de le voir faire un pas en arrière, je me réinstalle à mon poste tout en lui soufflant une phrase.

— Tu…

— Tu n’as vraiment rien d’autre que cette horreur ? me demande Ash en me coupant la parole.

Quoi ? Mais qu’est-ce qu’il a ce matin ? Une mouche l’a piquée ? Il grimace, alors que je me contente de lever les yeux au ciel. Merci, Eliott, pour ta fabuleuse idée. Maintenant Crève-Cœur est bloqué sur ce fichu renne au nez rouge. Il l’observe, le contemple et me surprend même quand il en pince le pompon. Merde alors ! Il a vraiment un grain. Et bien sûr, il faut que le lainage joue cette antiquité qu’est étoile des neiges.

Magnifique !

— C’est de mieux en mieux. Sérieux…

— Oui ? l’interrogé-je innocente.

— Demain, essaie de faire plus discret. Et… je suis désolé pour ma réaction. Bon. Mon chocolat.

Je rêve ? Je me pince le bras pour vérifier. Aïe ! Non, je suis réveillée. Ash vient de s’excuser ? D’hésiter ? De déposer les armes face à Rodolf, le renne ? Victoire ! Alors qu’il tourne les talons, je me lève en balançant les bras en l’air dans une danse ridicule, mais qui célèbre mon premier pas vers la réussite de ma mission. Un point pour Cassie ! Je suis très vite stoppée dans mes mouvements informes quand je remarque qu’il a arrêté ses pas.

Merde !

— Je vous préfère avec le sourire, mademoiselle Bellarke. Vous n’en êtes que bien plus rayonnante, comme une étoile.

Effacé le tutoiement. Bienvenue à toi, Vouvoiement.

La chute est brutale. Pourquoi ? Je vérifie mon poignet, le tissu est toujours en place. Le dessin aux traits noirs encore couvert. Alors… Impossible. Mes fesses s’enfoncent dans le moelleux de mon fauteuil, je suis abasourdie par sa comparaison. Cette analogie, il la faisait déjà AVANT. Je frotte de mon index les reliefs du tatouage gravé sur ma peau. Ce geste lance une décharge à travers mon cœur en miettes. Un rappel que cette histoire, NOTRE histoire a volé en éclats, il y a onze ans.

Mais à cet instant, ce n’est pas la fin qui s’invite dans ma tête. Non, la poussière d’étoiles qui emplit ma poitrine en a décidé autrement. Me ramenant à l’année de mes quinze ans, à la soirée d’intégration des secondes. Je me rappelle avoir enfilé une robe pailletée d’argent qui affinait ma silhouette. De mes bottines à talons, et de la pochette qui terminait le look. Mes cheveux lâchés et bouclés.

Et Eliott qui avait promis de m’accompagner jusqu’au bout de la soirée. Sauf qu’il n’a pas tenu sa promesse, m’abandonnant au bout d’une heure pour rejoindre Cole et le reste des premières. Je l’avais compris à ce moment-là. C’est plus drôle de passer la soirée avec sa bande qu’avec la petite seconde qui vient de débarquer. Et d’ailleurs, il m’avait assez fait faire le tour pour que je puisse m’intégrer.

Pourtant, je me suis vite lassée. Observant avec dégoût les couples qui se bécotaient dans tous les coins de ce sous-sol aménagé. Celui d’un voisin. Tant mieux ! De cette façon, je pouvais sans mal m’éclipser pour rentrer chez moi. Et c’était mon intention. Jusqu’à… LUI. Il était seul. Assis sur la dernière marche, tout en haut de l’escalier. Dominant la pièce et bloquant ainsi le passage vers la sortie. Une bouteille à sa gauche, les bras croisés sur ses genoux.

Sur le coup, je me suis sentie triste, tiraillée à l’idée de voir ce garçon isolé du monde. Mais ce qui m’a le plus chamboulé, c’est son regard quand il s’est posé sur moi. Ce vide que j’y ai trouvé. Un néant au cœur d’une pierre si précieuse. Fendu, terne et presque… sale. Deux émeraudes dont l’éclat avait disparu. Avec pour unique témoin d’un bonheur passé des tâches d’or. Oubliées-là, tel un souvenir d’une vie antérieure heureuse.

Alors… je n’ai pas résisté.

J’ai mis les deux pieds dans le plat.

« — Pourquoi tu es triste ?

Pourquoi tu souris ? me répond-il irrité.

OK. Vive l’accueil.

Je ricane en le voyant souffler et passer une main dans ses cheveux pour les tirer en arrière. Mince, il est canon ! Son regard se plante dans le mien alors que je le pousse pour prendre place à ses côtés. Quitte à faire ma curieuse, miss CASSIE en puissance, autant le jouer à fond. Je lui montre son verre, il me le donne. Il n’est pas bavard, mais partageur, c’est déjà un bon point.

Je bois une gorgée, m’étrangle avec cette boisson arrosée d’alcool. La grande classe ! Puis, je réitère ma manœuvre appréciant cette fois les saveurs de ce mélange que je découvre. Plongeant le nez dans le verre, j’essaie de reconnaitre les ingrédients de cette potion avant de me souvenir qu’il m’a posé une question. Enfin, il a plutôt répondu à la mienne par une autre, mais je me prends au jeu.

Mes parents m’ont appris qu’un sourire peut parfois apporter de la lumière aux gens.

Et si je ne connais que les ombres ?

Décidément, il ne sait pas comment avoir une vraie discussion. Mais je lis dans sa question une sincérité qui me déconcerte. Comment est-ce possible ? Ses doigts frôlent les miens en reprenant son bien. Il avale plusieurs gorgées de ce qui semble être, à présent, NOTRE boisson. Puis, il dépose notre verre sur la marche juste en dessous de nous avant de tourner une nouvelle fois son visage vers le mien. Il se penche un peu, me scrute avant de hausser les sourcils dans l’attente de ma réponse.

Et sous l’impulsion du moment.

Alors que je ne le connais pas encore. Ni lui ni même son prénom.

J’ose avancer ces mots comme une évidence :

Alors je serais l’étoile qui brille dans la nuit.

Ma Stella… »

Ash avait murmuré à cet instant-là, mais je le savais déjà, ce surnom allait rester le mien. Et c’est ce qui est arrivé. Il en est même inscrit à l’encre sur ma peau. Incrusté à jamais. Un frisson naît de mon poignet et remonte le long de mon bras. Ce souvenir est l’un de mes préférés, il est le commencement de notre aventure. Nous étions encore innocents. Et j’étais bien naïve de croire que cette mission serait facile.

J’étais persuadée d’être cette étoile qui le guiderait. Une étincelle qui avait réussi malgré l’obscurité à faire apparaître un sourire sur ses lèvres. C’était un adolescent bien différent de moi à l’époque et je me rends compte en l’observant maintenant, alors que nous sommes séparés par une porte, que les ombres de son passé l’ont rattrapées et engloutis tout entier. Et même si j’ai cette envie folle de l’amener à nouveau vers la lumière en lui rendant Noël plus agréable, je doute de parvenir à ranimer le feu qui nous liait. Cette évidence à laquelle j’avais cru aurait-elle vraiment disparu ?

*

ASHLEY

Cette matinée est de plus en plus étrange. Qu’est-ce qu’il m’a pris ? Sur ma main, je sens encore la chaleur de son visage, les contours de sa joue qui s’incrustent dans ma mémoire. Qui se réveille presque. Comme si je la reconnaissais. Elle était si belle à cet instant, comme dans mon souvenir. Mais… C’est impossible, cette fille ne peut pas revenir dans ma vie. Elle n’a rien à voir avec MA Cassie. N’est-ce pas ?

Bien qu’en y réfléchissant…

Elles ont le même prénom, le même regard, la même présence… à la fois innocente et fougueuse. Non. Stella a disparu de ma vie le jour où je l’en ai rayé. Sans retour en arrière. Sans une hésitation. Tranchant avant que les ombres ne l’attrapent elle aussi. Alors, je ne peux pas croire qu’elle soit face à moi. Pas après quoi… onze ans ? Ou peut-être même moins que ça.

De retour dans mon bureau, je me précipite vers mon fauteuil, sous l’attention suspicieuse de mon ami. Je m’attends à tout, de la part d’Éric. Quand ma tasse claque sur le bois du meuble, je ne peux qu’accueillir ses réflexions en acquiesçant. Qu’est-ce qu’il vient de se passer ? Je l’ignore. Pourquoi cette femme semble différente ? Surement parce qu’elle me résiste. Après tout, elle n’a pas succombé à mon charme au premier regard.

Loin de là.

— Ash ? Tu m’écoutes ou la petite sirène t’as piégé avec son chant mélodieux ? se moque mon ami dans l’espoir de me dérider.

Mais mes doigts restent en suspension au-dessus de mon clavier. Mon regard se perdant sans cesse vers la personne qui se cache de l’autre côté de la paroi de verre. Et ce que je lis d’elle, me percute de plein fouet. Oublié les traces de larmes, elle semble arborer un sourire envoûtant. Cette femme m’étonne. Elle vient de passer de l’ombre à la lumière en trente secondes, là où moi, je ne parviens pas à ouvrir la porte pour faire entrer ne serait-ce qu’une étincelle.

— Son chant ? Fais-moi rire, à part les musiques crachées par son truc en laine, je n’ai rien entendu de très enchanteur.

— Te fous pas de moi, Ash. Je vous ai observés tous les deux. Et je ne suis pas certain de savoir qui est le plus à même de séduire l’autre, énonce Éric en prenant son sérieux.

— Tu doutes de mes capacités ?

Ma question est certes posée sur un ton froid, mais je sens qu’Éric n’est pas dupe. Cette femme représente un vrai défi pour mon calendrier. Et lui comme moi, nous en sommes conscients. Ce doit d’ailleurs être pour cette raison que sans que je ne puisse rien y faire, il attrape le combiné du téléphone posé entre nous. Et demande à Cassie de convoquer Vince dans mon bureau pour une réunion de crise.

Soucieuse, je l’examine plisser le nez. Petite fouine. Stella avait la même habitude quand un élément l’a contrarié. Je me souviens de cette fois… Ash, reprends-toi ! L’étoile ne brille plus pour moi. C’est certainement de ma faute puisque je l’ai fait tomber du ciel et s’éclater en poussière. La chute a été fatale, brutale et surtout elle a brisé plus d’un cœur.

Merde ! Respire, bois ton chocolat.

Le chocolat chaud… c’était aussi notre petit rituel. La manie du goûter quand on était en vacances. Les fameux voisins inséparables. Moi dans la demeure au fond de la rue, et elle dans la maisonnette quelques bâtisses plus loin. Deux ans ont suffi pour que la lumière me réchauffe et me quitte du jour au lendemain. Aujourd’hui, tout me paraît froid, terne, lugubre comme lors de cette soirée terrible.

MON cauchemar.

Un frisson d’horreur me transperce. Une larme incontrôlable l’accompagne. Putain… Pas maintenant ! J’essuie ma joue à la hâte dans l’espoir qu’Éric n’ait rien remarqué. Mais bien sûr, c’est sans compter sur l’arrivée de Vince, qui lui n’a pas loupé mon manège. Ni lui ni… Cassie. Ses yeux cristallins se plongent dans les miens et son nez fin qui frémit, parvient à calmer mes pensées. Comment ?

Je n’ai pas le temps de me poser plus de questions que déjà Vince s’installe aux côtés d’Éric. Mes deux meilleurs amis forment à présent le conseil de l’état d’alerte niveau un. Ma traitresse de larme étant la seule fautive à leurs airs compatissants. Cependant, je n’ai pas l’intention de les laisser gagner cette bataille. Je vais bien. Et j’ai la solution parfaite pour faire disparaître ce sentiment qui me poignarde la poitrine. Actionner la cinquième vitesse et jouer de mes atouts pour obtenir la première case de mon calendrier.

— La petite sirène envoûte notre séducteur en chef, ironise Éric.

— Qui ?

— C’est le nouveau surnom que notre gaffeur professionnel vient d’attribuer à mon assistante. Mignon, tu ne trouves pas ? demandé-je à Vince pour répondre à son interrogation.

Sauf qu’il ne semble pas convaincu par mes paroles. Mais merde ! On est dans mon entreprise, sur nos heures de boulot. Et au lieu de nous préoccuper de notre dossier urgent, je le rappelle, nous sommes perdus dans une pseudo « réunion de crise ». Assemblée revendiquée par Éric sous prétexte de… De quoi, d’ailleurs ? Qu’est-ce qu’il me reproche ?

Un grognement m’échappe. Décidément depuis hier, ça n’arrête pas. L’arrivée de cette nouvelle assistante bouleverse trop d’habitudes à mon goût. D’abord, elle est voluptueuse et charmante. Ensuite, elle a un piquant qui ne fait qu’affoler mes sens les uns après les autres. Mais ce qui me perturbe le plus, c’est ELLE dans son ensemble. Son regard surtout qui me renvoie inlassablement vers un passé que je préfèrerais effacer.

« Plus Stella sera loin de mon monde, plus je parviendrais à l’en préserver. Surtout maintenant. Je dois la sauver des ombres qui m’entourent, de l’obscurité qui s’apprête à m’engloutir tout entier. Les serres acérées de cette FEMME appuyant déjà son contrôle sur moi. À présent, je suis seul contre elle. Et si je dois abandonner mon étoile pour la protéger, je le ferais. »

C’était la décision la plus difficile de ma vie, au moment le plus compliqué possible. Mais je l’ai fait. Sans regard en arrière, alors que je le sentais… Son océan limpide, dans lequel j’aimais me perdre, débordait de larmes. Merde ! Pourquoi je me souviens de cet instant ? Pourquoi alors que tant d’années ont passé ? Confus, ma main vient frotter le haut de ma poitrine. Cet espace juste en dessous de ma clavicule…

— Stella, hein ? m’interroge Vince plus pour affirmer un fait que pour avoir une réponse.

— Encore cette fille ! Mais mec, tu avais quoi ? Dix-sept ans, la dernière fois que tu l’as vu. Elle te hante encore ? Merde ! Y a urgence alors. Vivement dimanche pour entamer ton calendrier.

Éric toujours aussi délicat. Mais je conçois sa réaction. Lui, il ne l’a pas connu. Vince par contre. Il m’a repêché après tout ça. Il m’a vu lutter contre mes envies, contre mon cœur déjà fissuré. Il m’a aidé à avancer et à contrer les manigances de ma génitrice. Cette fourbe aux intentions mauvaises. D’ailleurs, je ne pourrais jamais le remercier assez pour la force qu’il a été. Pourtant, alors que je me sens impuissant, son bras tombant sur mon épaule me ramène à la réalité.

Ce présent qui est le mien.

— Passe-moi ton téléphone, m’indique-t-il quand je comprends qu’il a fait le tour de mon bureau. Tu vois cette jeune femme de l’autre côté de la porte ? Dès les premières minutes de son entretien d’embauche, j’ai su qu’elle serait le chocolat idéal pour cette année. Ton calendrier. C’est elle.

Elle ?

Sceptique, je ne dis pas un mot. Le bras de Vince pèse sur moi, alors qu’il ouvre l’application du calendrier de l’avent. Ses doigts glissent d’un jour à l’autre, ils n’enregistrent qu’un seul et même nom : Cassie. Encore et encore. De la première à la dernière case. Vingt-quatre fois. Mon meilleur ami change les règles de mon défi et je ne bronche pas cherchant malgré moi, la chevelure d’ébène de la belle sirène.

Et si pour la première fois en quoi ? Cinq ans ? Je ne sais plus… Mais et si le jeu en devenait plus intéressant. Plus difficile aussi. Pourtant j’en suis convaincu, au moment où Vince valide la dernière récompense cachée derrière le vingt-quatre décembre : cette année ma mission sera palpitante. Et quoi de mieux pour ça que de parvenir à conquérir une femme au premier abord inaccessible.

— Alors ce sera : vingt-quatre jours, un chocolat.

— Ouais, mon gars ! Et une petite sirène dans tes filets ! J’adore l’idée. Bien plus excitante que de coucher avec des coups d’un soir. Tu vas devoir te renouveler niveau drague. Mon pauvre, s’extasie Éric tel un enfant.

OK. Celui-là n’a pas encore profité de sa séance détente près de la photocopieuse. Et bien sûr, je me tape son regard lumineux et vicieux. Ce type est irrécupérable ! Merde… Nous ne prêtions plus attention à mon assistante et la voilà droite comme un piquet devant la porte. Une main sur la poignée et l’autre tenant fermement un dossier fuchsia. C’est quoi cette manie avec le rose ? Et ce pull ! À vomir.

D’un hochement de tête vers elle, j’indique à la fois à mes amis que nous ne sommes plus seuls et à la demoiselle d’entrer dans la pièce. Nerveuse, elle soupire en ouvrant et en avançant d’un pas. Son regard va de l’un à l’autre pour terminer son chemin dans le mien. Purée ! Cet océan, je le connais. Mes poils se hérissent le long de mes bras, un frisson s’empare de mon corps. Mon cœur tape contre ma poitrine.

Merde, c’est quoi ce sentiment ?

— Le marketing m’a demandé de t’apporter le dossier de communication pour Fabre. Ils disent qu’Éric en aura besoin pour établir un nouveau devis. Quant à Vince… et bien, une femme m’a hurlé dans les oreilles pour vous dire que votre mère vient de s’inviter chez vous. Ash ? Eh bien… Merci pour le chocolat. Il était délicieux. Comme avant.

— Comme avant ?

Ma question reste en suspens, la belle ayant déjà filé. Mais merde à la fin ! Et c’est quoi ce truc ? Elle n’a pas osé ? Je rêve ! Ce n’est pas croyable. Un rire retentissant s’échappe de ma gorge alors que j’examine le dos de Cassie. Vince, debout à mes côtés, explose en écho à mes éclats. Quant à Éric, curieux de comprendre notre réaction, se tourne d’un geste vif vers la sortie de mon bureau.

Et notre dernier compère nous rejoint dans un rire rauque la seconde d’après. Cette fille aura ma peau. Bordel ! Après le pompon rouge et proéminent au creux de ses seins, voici venu le tour d’une queue en laine marron qui se balance au milieu de son dos. De droite à gauche au rythme de ses pas. Bien entendu, elle nous surprend tous les trois pliés en deux, mais elle se contente de nous saluer et de presser le nez rouge du renne.

Nous ne percevons qu’un semblant de son, mais la scène ne fait que redoubler nos rires. Merde alors ! Cette horreur n’est pas si mal. Surtout quand j’ai la chance d’observer le déhancher celle qui la porte. Un sourire étire mes lèvres, et une douce chaleur monte à la surface. Une sensation que j’avais oubliée, un bien-être que j’ai l’impression de devoir chercher dans les bras d’inconnues ou entre leurs cuisses.

— Rodolf est officiellement mon meilleur ami, éclate Éric.

— Tu vois, Ash. Elle est parfaite.

— Oui, enfin… Faudrait pas qu’elle en devienne suicidaire ! Regarde-le. Son visage est écarlate et quoi ? On voit tes dents ? Tu as des dents quand tu souris ? Putain ! Elle est douée !

Merci Éric.

Ton analyse nous est très utile. Mais ce que je note, c’est que de l’autre côté de la surface vitrée, assise à son fauteuil, une étoile nous détaille. Elle aussi est hilare. Les épaules secouaient de sursauts alors que d’une main, elle tente de cacher ses lèvres étirées. Bien essayé, Cassie. Cependant, ses pommettes rosies par son émotion l’ont trahie. Merde ! Elle n’en est que plus craquante.

Bien. Finalement cette journée est plus palpitante que la précédente. Qui sait ce qu’elle nous réserve d’autre ? J’avais oublié ! Le dossier Fabre. Éric tape de ses doigts sur mon bureau attendant que je réagisse à une de ses répliques légendaires. Sauf que je n’ai rien entendu, trop concentré sur mon assistante. Bravo, Ash, tu es le parfait cliché du patron qui fantasme sur sa secrétaire.

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