Chapitre 7

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Alors qu’elles s’accordaient une pause dans un bar, elles avaient commandé un “licorne madonne” pour Eho et un thé au lait bien trop sucré pour Faith. C’était sa drogue à elle, une habitude qui était devenue un besoin. Cela lui permettait de se sentir de bonne humeur. D’habitude, ce boulot l’amusait, mais aujourd’hui pas tellement. Aussi cela lui était encore plus nécessaire de recevoir sa petite dose de théine. Le téléphone de celle-ci sonna. Dérangée dans l’attente de son plaisir gustatif, elle le décrocha à contrecœur.

— Oui, je voulais te dire que je n’ai toujours pas les résultats de l’autopsie, ça prend un temps fou ces trucs-là. T’imagines pas le bonheur si l’on avait une morgue à notre service qui pouvait le traiter dans l’heure. Avec la file d’attente qu’il y a, je ne l’aurais pas avant trois jours, annonça sa collègue préférée, ou du moins la plus harceleuse.

— Trois Jours ! Autant que cela ?! s’agaça Faith en reposant sa tasse.

— Ouais, c’est le problème des suicides, ils ne sont pas prioritaires.

— Et dire que c’est l’une des meilleures morgues de la ville soi-disant la plus rapide.

— Encore heureux que le cadavre ait été emporté à la morgue du commissariat central. Une autre aurait mis deux semaines.

— Bon, sinon tu as une bonne nouvelle ?

— Eh bien, étonnamment oui. Tout d’abord, j’ai une liste de victimes possibles. Tu sais tous les cas bizarres que tu m’as demandé de chercher. Je n’ai pas fini, mais c’est déjà ça. Ensuite, j’ai peut-être une piste pour vous.

— Je t’écoute.

— Tu as entendu parler des « Faellissons » ?

— Non, qu’est-ce que c’est ? Un nouveau style musical ?

— Pas du tout, c’est des bonbons.

— Et tu appelles cela une piste ?!

— Attends la suite. Il s’agit de bonbon hors de prix et super délicieux. Enfin seulement pour les faeries, pour les autres créatures ça a des effets différents, pouvant même être très dangereux. Haha ! Dommage pour eux, c’est une tuerie ces bonbons. D’accord, c’est vrai que ça coûte cher, mais est-ce que ça ne vaut pas le coup de temps en temps de se faire plaisir avec un truc bon ? Bref, je digresse. Leurs ventes sont très encadrées. Mais tu connais le fait le plus intéressant ? C’est que pour les humains ces petites douceurs agissent comme une drogue, du genre à donner des hallucinations, ou d’être plus manipulable… Bien sûr, tu imagines bien qu’officieusement cette merveille hallucinogène est très demandée, la haute se l’arrache. Et depuis quelques mois, elle envahit même la rue. En particulier, le coin près de l’université Ortanoaux qui a une adorable manticore comme symbole. Coïncidence amusante, n’est-ce pas ?

— Géniale.

— On lui a même donné un nom : « Styx sucré ».

— Ravie de l’apprendre.

— Les autres drogues existantes n’auraient pas pu avoir un effet si fort, en plus elles auraient été visibles, l’avantage des faellissons c’est que sans test c’est presque impossible à détecter.

— Oui sauf dans leur comportement.

— Euh oui sauf cela.

— Et où on trouve cette merveille ?

— Le plus simple c’est d’aller directement à l’usine, il paraît que le patron est aussi à la tête du trafic. Il en vend illégalement au revendeur. Mais maniaque comme il l’est, ce vieux farfadet doit tenir des comptes plus précis qu’une pendule.

— Envoie l’adresse, on va saluer ce monsieur.

— C’est comme si c’était fait mes beautés.

— Merci Deus ex machina, s’amusa Faith

— Oui, c’est mon deuxième prénom. Et vous savez quoi ? Parfaite comme je suis, si je devais être une divinité antique et bien je vous prendrais en amantes. Direct.

— Rappelle-moi de ne plus jamais te féliciter.

— Roooh méchante, et dire que je vous faisais un compliment. Bon, je t’envoie le fichier des victimes présumées, comme cela tu pourras comparer.

Puisqu’elles n’avaient pas le bilan d’autopsie, puisqu’elles n’avaient qu’une mince piste, il ne leur restait qu’une solution : aller à l’usine et espérer de tout cœur que se soit concluant.

Eho se dépêcha de récupérer les boissons au bar. Les mains prises, une grosse main poilue lui attrapa le bras.

Avec les intonations balbutiantes insistantes de la personne ayant au 50° dans le sang.

— M’zelle t..t’es jolie. Tu assooo..ie avec moi.

Elle le fixa de son air habituellement sévère. Levant le menton, elle tenta de se dégager en douceur de l’étreinte de cet inconnu.

— Attennnd. Laisse-moi t’offrir un verrre. J’suis pas un sauuvage moiii, finit-il en faisant signe au barman.

Eho fit non de la tête, et commença à regarder dans la direction de son amie totalement concentrée dans la compréhension de son portable. Elle la vit même se mettre à taper discrètement l’appareil contre la table, comme si les percussions qu’il produirait lui permettraient de communiquer avec cet engin technologique.

De son côté, l’homme se mit à tâter le bras de la jeune femme, satisfait de sa douceur et de sa fermeté à la fois. Maladroitement, il se leva. Eho se redirigea vers lui le visage inexpressif, mais le regard d’un noir.

Tout à coup, l’homme monta sur la pointe des pieds et se mit à lécher la joue de la jeune femme.

Elle ne bougea pas.

Ce moment paru incroyablement long, pour tous les clients autour d’eux choquer de cette scène. Quand il eut fini, elle le toisa du regard, posa un des verres sur le comptoir et de cette main libre se dégagea d’un geste vif de la main glacée et tremblotante de l’individu. À côté d’elle, une femme outrée tenta de bafouiller quelque chose.

Un homme gonfla le torse devant sa petite amie et s’approcha pour régler la situation. Mais Eho se tourna vers lui en souriant.

Alors qu’elle allait reprendre le second verre.

Le soûlard reparti à l’attaque cette fois-ci plus sûre de lui. Eho l’esquiva, et revient tranquillement à sa table. Elle tendit le verre à Faith, qui l’attrapa sans lever les yeux.

Elle commença à boire à son propre verre, mais celui-ci lui glissa des mains et se renversa un peu avant qu’elle ait eu le temps de le rattraper. Le verre dans sa main trempé, elle fronça les sourcils. Puis Eho reprit son masque inexpressif. Son verre en main, elle s’approcha du soûlard, et lui fracassa le verre sur la tête.

L’homme se mit à hurler le visage piqué de morceau de verre comme un hérisson. Eho ne lui laissa même pas le temps à son sang de commencer à couler des plaies pour donner un coup de poing dans le ventre. Puis elle l’attrapa à la gorge et le jeta sur le comptoir. Le bloquant avec son avant-bras serré contre sa pomme d’adam, elle écarta ses dents chirurgicalement pour attraper la langue de l'individu et se mit à la tirer encore et encore, et encore. L’homme bafouilla comme il pouvait des supplications, pourtant elle continuait de tirer implacable. Le barman tenta de l’arrêter, mais elle lâcha la langue un instant avec la rapidité d’un reptile pour lui tordre le poignet avant de revenir à sa tâche d’extension.

Une voix se fit entendre au comptoir.

— Pourriez-vous lui servir un autre verre, le sien s’est renversé, merci.

Faith toute souriante regardait le barman attendant sa commande. Choqué il resta perdu sur place.

— Allez, allez, le pressa-t-elle.

Il versa maladroitement un nouveau verre. Faith le récupéra et se tourna vers Eho.

— Tu viens ? Il faut que tu m’aides, ce “truc” fait encore de sienne, je n’arrive pas à télécharger le fichier.

Eho se redressa lâchant la pression sur le pauvre bougre.

Crachant du sang et couinant comme une bête agonisante, l’homme se laissa glisser au sol.

Les clients s’écartèrent pour les laisser passer. Faith se mit à déguster sa propre boisson avec un murmure de plaisir pendant que Eho téléchargeait facilement le fichier sur le portable du gremlins amateur de thé.

Il existait dans Lotosheim de nombreux moyens de transport mis à part leur pied, dont le TAM c’est-à-dire le tramway automatisé magiquement. C’était une merveille de la technomagie, alimentée par des cristaux chargés en magie, il pouvait avec se mouvoir des jours entiers. Le seul reproche qu’on pourrait leur faire c’est le manque de puissance, mais quelle importance pour un transport en commun. Ses différentes lignes parcouraient de leur rail la ville comme un gigantesque plat de spaghetti. Bien sûr, si on voulait aller plus vite à une destination on pouvait emprunter le réseau de mini-dirigeable navette dite « Midinote » mais le prix n’était pas le même.

Alors, pourquoi les utiliser à part la rapidité : le confort bien sûr. Le Tam avait cette odorante situation de se retrouver serré contre les autres passagers comme dans une boîte à sardines. Avec un peu de chance tu te trouvais à côté d’un troll qui se ferait le plaisir de détruire tes capacités olfactives. Faith détestait cela, au point qu’elle préférait souvent marcher plutôt que devoir le subir. Mais bon quand il s’agissait d’aller à l’autre bout de la ville, on faisait moins sa difficile.

En jouant des coudes, elles réussirent à s’intercaler entre un inugami et une grand-mère.

C’était sale, bruyant, malodorant et inconfortable. Elle commençait déjà à regretter sa décision.

« Arrêt Zone industrielle de Faerietown » annonça une voix mécanisée crépitante. Ouf ! Sauvée, on descend.

Trop contente de fuir cet enfer d’aisselles, elle se jeta dehors pour y s’inspirer à pleins poumons l’air de la ville.

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