Chapitre 2 - partie 1

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Il était pratiquement 16 heures, en plein mois de mai, le soleil continuait d’entamer sa course folle vers l’horizon.

Au milieu du trottoir, dans une avenue, une charmante jeune femme au visage rond encadré par d’épais cheveux raides avec une coupe au carré observait le sol. Elle avait ouvert son trench coat beige par cette douce journée, habillant joliment le peu de formes qu’elle avait. Elle entendait à peine la voix de l’agent de police l’interpeller.

— Mademoiselle vous n’êtes pas autorisée à être sur la scène de crime, bredouilla un jeune policier en s’avançant vers elle. Elle leva ses yeux noirs profonds taillés en amande.

— Allons monsieur l’agent, je croyais qu’il s’agissait d’un suicide. Ce n'est donc pas une scène de crime, dit malignement la femme.

— Madame je vous prierais de partir, annonça-t-il en forçant maladroitement sur sa voix.

Oh plus de mademoiselle, sourit-elle en continuant d’observer les affaires partout sur le sol. Une trousse, des livres, quelques notes en vrac…Tout ce qu’un étudiant banal a sur lui, réfléchit-elle.

Le jeune agent semblait totalement désemparé en tentant de tenir éloignée d’un côté la foule morbidement curieuse de la scène de crime, et de l’autre, une jeune femme peu décidée à obéir. Il était évident pour elle que le policier aux cheveux bruns frisés était un « bleu ». Car en plus d’être maladroit et peu sûr de lui, il semblait mal à l’aise dans l’habituel uniforme des flics humains. L’armure de protection policière noire avait beau mouler au corps, le gamin semblait y flotter. On lui avait sûrement donnée une de rechange le temps que son armure personnalisée arrive.

Un œil expert aurait sûrement décrit cet uniforme comme un bijou de technologie pour les pauvres flics ayant une vie très dangereuse face aux non-humains. De l’exosquelette aux plaques de kevlar, aucun non-humain ne pouvait leur tenir tête. Enfin presque.

Notre jeune femme avait toujours trouvé celle-ci ridiculement exagérées, donnant aux policiers l’apparence d’œufs en boîtes. Mais depuis le temps, elle avait appris à ne pas trop se moquer de l’uniforme, les flics sont susceptibles et aussi très revanchards. Et notre demoiselle préférait éviter les foudres de la police, enfin de manière générale.

— Mademoiselle Lowe, je vais finir par croire que c’est vous la criminelle à force de vous retrouver toujours sur une scène de crime, annonça une voix grave dans le dos de la jeune femme.

— Allons inspecteur Dhakir, vous savez bien que ce sont les crimes qui me trouvent, répondit sournoisement la jeune femme avant de laisser place à un sourire amical sincère. Finalement, ils se mirent à rigoler ensemble comme s’ils venaient de se faire la meilleure blague sous le regard incrédule du bleu.

C’était un grand homme, dans les deux sens du terme, et peut-être un des membres du club très restreint des flics que la demoiselle aimait bien. C’était un vieux de la vielle, un renard rusé qui n’arrivait pas à s’adapter à cette nouvelle ère. Il portait encore sous son cache-poussière un antique gilet pare-balle plutôt que la nouvelle armure. Sa calvitie grandissante et ses cheveux tirés en arrière laissaient un regard sévère qui semblait avoir tout vu.

— Ins…pect…eur … balbutia le jeune agent, vous connaissez cette femme ?

— Oui, c’est une source infinie d’ennuis, et sûrement la cause de la plupart de mes cheveux blancs. Mademoiselle Lowe est une détective, alors n’accédez à aucune de ses demandes sauf si vous y êtes obligé par décret, dit-il d’un air faussement solennel.

— Tant de compliments à mon égard, James, arrête, tu vas me faire rougir. Vous pouvez m’appeler Faith, on se connaît depuis assez longtemps pour se dire des familiarités.

— Mais le petit, il ne te connaît pas encore. Sinon, t’as vu quelque chose d’intéressant ?

Évidement, il y avait pleins de choses à voir dans cette rue : les voitures passaient trop vite, usant la route au point que la signalétique au sol disparaissait, la pollution qu’elles émettaient avait noirci au fil des années, les immeubles de briques et de béton déjà bien âgé. Il faut dire qu’il s’agissait d’un quartier ancien qui avait subi une modernisation trop disparate ; les larges trottoirs parsemés d’arbres rabougris étaient envahis par une meute de passant. Ces curieux encerclaient le corps sanguinolent et désarticulé qui était recouvert d’un drap pour son intimité.

Ses affaires étaient éparpillées autour de lui. Parmi ces derniers souvenirs de son existence, on y trouvait : des livres, un stylo, un portable, un reste de déjeuner, des clefs… Elle y repéra un badge d’université inconnu avec un étrange symbole. En le regardant mieux, elle y reconnu une manticore*. Ne se rappelant d’aucune université avec cet emblème, elle continua son inspection : un câble de téléphone, le sac à moitié ouvert et le carnet qu’elle tenait caché.

Une arène au spectacle terrible, et ils en étaient les gladiateurs.

— À première vue, il semblerait bien que ce soit un suicide, puis murmura pour elle-même, il y a quelque chose de bizarre.

Une voix forte et horriblement autoritaire se fit entendre, un inspecteur bien plus jeune que son collègue finement musclé, les cheveux bruns rasés sur les côtés, les pommettes hautes et le regard bleu glacial. Tout dans ses traits rappelait ceux d’un aigle.

Pourtant, Wright s’apparentait plus à un bulldog, le genre d’animal hargneux qui ne lâche rien. Sa coupe militaire, sa démarche droite et inflexible, lui donnaient, malgré sa petite taille, une apparence intimidante. Et puis il y avait ces bras. Deux bras biomécaniques, à l’acier blanc qui scintillait d’une propreté maniaque.

— Je ne veux pas de ce genre de parasite ici, ordonna la voix glaciale du nouvel arrivant.

— Quel genre de parasite, inspecteur Wright ? Demanda insolente Faith consciente d’être la cible de ses reproches.

— Tu sais très bien ce que je veux dire, alors dégage.

— Oh, je vois. Vous parlez des meurtriers, je suppose. Sur ce point nous sommes d’accord, on aimerait les voir tous derrière les barreaux. Malgré cette conversation passionnante, je dois y aller. Au revoir inspecteur.

Un sourire amusé se dessina sur ses lèvres.




* Manticore = une créature légendaire d'origine persane, ayant corps de lion, visage d'homme, et queue de scorpion. Dans les légendes il s’agit d’une créature très intelligente et très dangereuse se nourrissant de chair humaine.

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