Chapitre 12

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Sortant d’une voiture, un homme fit le tour pour arriver à la portière passager. Il l’ouvrit en faisant un sourire ravageur.

Une jeune femme très bien habillée sortit. Il lui tendit sa main avec élégance et elle la prit dans la sienne. Marchant côte à côte, il l’attrapa à la taille alors qu’il se dirigeait vers le bar.

Pourtant la seule chose qu’elle pensait était : Ne tombe pas. Ne Tombe Pas. Ne TOMBE pas. Putain de talon. Je hais cette robe trop serrée et trop moulante. Bon sang, j’ai froid avec. Tout est de la faute de ce crétin, il ne pouvait pas choisir un autre lieu. Des pavés avec des talons. Mes pieds hurlent de douleur, ces talons sont des instruments de torture. Je déteste ce mec, je hais… Fais chier et tant pis ce soir c’est fini. Allez Faith souris, et n’est pas l’air d’une gourde. Le mieux c’est que concentre ta haine sur ces talons, ça te fera oublier le reste.

Durant ces nombreuses années d'existence, Faith avait vite découvert que le bonheur passait par le confort. Et que si par miracles elle survivait encore un peu. Et cela malgré tous les ennuis qui s'amassaient au-dessus d’elle comme une épée de Damoclès, elle voudrait le faire dans des baskets. En plus, s’il se passait quelque chose et qu’elle devait réagir ce genre de tenue était un véritable handicap. Qui peut se défendre dans une tenue pareille ? Personne. Et si vous affirmez le contraire, alors c’était dans un film, pas la réalité.


Ils entrèrent dans le bar, qui elle dû se l’avouer valait bien le coup d’œil. L’ensemble de bois noir lustré, de velours violet et de verre alliait un côté moderne chic et tout en gardant un côté très intime. Un lieu idéal pour un rendez-vous galant. Elle observa son compagnon et dû bien admettre qu’il savait y faire pour sortir avec une femme.

Son “poussin d’amour” poliment lui tira la chaise pour qu’elle s’assoie. Celle-ci ne savait si elle devait rire de cette scène poussé au paroxysme du romantisme ou être admirative de cet homme qui arrivait à toujours être un parfait gentleman.

— Faith qu’est-ce tu fais ici ? questionna une voix familière.

Un homme de stature moyenne s’éloigna du bar pour mieux la dévisager. Elle baissa les yeux, tourna la tête dans une autre direction et tenta de l’ignorer.

Pitié laisse-moi tranquille.

— Faith ! Oui, toi avec la robe beaucoup trop courte, déclara le presque-inconnu à la coiffure en broussaille en s’approchant d’eux.

D’abord qu’est-ce qu’il fait ici, ce con, ragea-t-elle intérieurement en mettant nonchalamment sa main sur son visage pour le couvrir. Malheureusement il continua d’avancer. Je vais le tuer.

— Désolé mon gars, mais ce n’est pas le moment, intervint son compagnon en l’interceptant avant qu’il n’arrive à Faith.

— C’est à elle que je ne parle pas à toi, répliqua le gêneur les dents serrées.

Maudis soit les chromosomes Y! Rectification, je vais les tuer.

Faith avait tout sauf besoin d’attirer ce genre d’attention. Cet idiot de Tobias allait tout gâcher. Pire ça risquait d’échouer. Et elle ne voulait surtout pas recommencer tout cela.

Du coin de l’œil, elle remarqua un mouvement près de la vitrine. Cette personne était là. Parfait, pensa-t-elle. Réagissant en un éclair, Faith se colla contre son compagnon. Elle se déplaça langoureusement contre lui comme un serpent. Puis avec assurance elle attrapa les mains de celui-ci et les posa contre son corps. D’abord surpris, son compagnon entra dans la danse alors que derrière eux le gêneur jurait.

Observant discrètement la forme floue de la vitrine, elle se félicita : Elle les avait vus. Tant mieux. Peut-être que tout n’était foutu.

Lorsqu’ils se décrochèrent, elle prit son air le plus niais imitant au mieux ces séries romantiques. Tant pis si elle surjouait, au moins ce serait clair dans l’esprit de leur voyeur. Pas de quiproquo possible. Cependant, le gêneur ne le prit pas comme ça.

— Non, sérieusement Faith. C’est quoi, cette histoire ? Tu fais quoi avec ce bellâtre ?

Faith se mordit la lèvre, sa connaissance commençait vraiment l'importuner. Et maintenant que leur spectateur était là, pas question de tout foutre en l’air. Il fallait qu’il s’en aille au plus vite.

— ça ne se voit pas ! Et puis, va-t'en. Je t’ai rien demandé, annonça-t-elle en faisant la moue.

— Faith ! l'appela-t-il à la fois penaud et choqué.

— Laisse-nous ! ordonna-t-elle de sa plus grosse voix.

Il attrapa son poignet pour la retenir.

— Je fais ce que je veux. Que je sache, je n’appartiens qu’à moi-même. Aussi je peux prendre mes décisions toute seule, s’énerva-t-elle en s’arrachant de sa poigne.


Maintenant Faith ne jouait plus la comédie. Elle était vraiment en colère. Entre la pression de réussir et ce danger ambulant risquant de tout gâcher, elle n’était plus d’humeur. Furtivement, elle vit que la forme floue était toujours là. Elle inspira profondément pour reprendre son calme. Au pire, cette situation pouvait passer pour la rencontre d’un de ces ex. Il fallait qu’elle trouve une échappatoire pour continuer tout ça ailleurs et surtout tranquillement.

— Bon, chéri, on va se trouver un autre endroit sans lourdaud.

Elle se dirigea vers la sortie tenant son compagnon par la main. Mais toujours autant remonté Tobias les suivis. Dehors, Faith au bord de l’explosion voulut intervenir, mais son ami réagit avant elle.

— Maintenant, mon gars, laisse-nous, annonça le compagnon en s’approchant agressivement de l’autre.

Torse contre torse, les deux énergumènes se toisaient comme chat et chien prêt à se jeter l’un sur l’autre à tout instant.

De son côté, Faith rêvait de se jeter sur le gêneur pour l’étrangler. Tobias, je vais te tuer. Je le jure, se promettait-elle. Finalement, elle fut obligée, malgré ses appréhensions, de passer à l’étape supérieure.

La jeune femme attrapa son compagnon et l’embrassa. L’autre resta béat.

— Ça te suffit ! hurla-t-elle à son attention.

Le cauchemar ambulant se contenta de grogner puis il partit en traînant les pieds. Faith se remit à respirer en le voyant s’éloigner. Au loin, la forme floue s’enfuit. Celle-ci ne les regardant plus la détective put se permettre de l’observer. Cette forme floue, ce voyeur n’était qu’une femme qui courait maladroitement les épaules basses de tristesses.

Ça devrait suffire, parfait, se satisfaisait-elle.

En face d’elle, son compagnon avait aussi remarqué la jeune femme. Il prit un air sévère en se tournant vers notre détective.

— C’est quoi cette histoire ?

— Un imprévu.

— Je ne vous paye pas pour en avoir.

— C’est le principe des imprévus, on ne peut pas les prévoir. En plus, c’est vous qui avez choisi le lieu.

Il se calma et murmura.

— Eh bien si j’avais su.

— Bon, elle a tout vu.

— Vous en êtes sûr ?

— Oui, elle nous suivait depuis le début. Vous qui la connaissez vous pensez que cette comédie lui suffira ?

— Je pense, ça fait presque un mois qu’on joue le jeu. Mais je n’aurais la réponse que demain, avec les ragots du matin au bureau.

— Bonne nouvelle, elle va enfin accepter votre rupture et arrêter de vous suivre.

— J’espère surtout qu’elle va enfin tourner la page. Elle commençait à faire des choses stupides. Je n’ai pas envie qu’elle gâche sa vie pour moi. Notre relation nous détruisait, il n’en sortait rien de bon. Il fallait que ça cesse, expliqua-t-il en culpabilisant.

— Les détails ne m'intéressent guère, répondit sèchement Faith. Elle n’était pas là pour faire ami-ami.

— Oui, pardon. Je vous fais un retour demain vers l’heure du déjeuner. Et je paierais le reste que je vous dois.

— Parfait. Au revoir, finit-elle pressée.

Il baissa les yeux, se frotta la tête. Puis appela la femme qui s’éloignait déjà :

— En faîte, le baiser c’était un peu…

— ...“trop”, je sais. Mais il fallait la convaincre et lui faire un choc. Moi aussi j’aurais préféré l’éviter.

— Non, c’est..

— Au revoir, monsieur Appoloeons, insista-t-elle ne voulant surtout pas entrer dans un quelconque mélodrame.


D’un pas sûr, elle se dirigea vers une petite rue qui lui permettra de couper pour rejoindre l’avenue. Une seule pensée m'obsédait : enlever ces horribles chaussures.

Au tournant du bar, elle vit le gêneur adosser contre le mur la mine grise. Ni une ni deux, elle lui envoya son poing dans la figure.

Rapide, il l’esquiva en hurlant :

— Ça ne va pas!

— Pauvre crétin tu as failli tout gâcher ! hurla-t-elle à son tour.

— Calme-toi, je ne voulais pas ruiner ton rencard.

— Mais ouvre les yeux, espèce de troll décérébré, c’était pour le boulot.

— QUOI ?!

— Oui, de la comédie. Sérieusement tu m’as déjà vu minaudé.

— C’est vrai que c’était bizarre. Mais le baiser et la robe.

— Le baiser c’est de ta faute crétin, avec ton intervention il a fallu finir au plus vite, et la robe… elle se contenta d’émettre un grognement. Et puis tu crois que j’ai quel âge pour craindre un baiser comme si c’était ma virginité.

— J’avais oublié tes rides, sourit-il enfin.

Elle soupira et lui attrapa le poignet en le tordant de toutes ses forces.

— Répète un peu.

— Désoler Votre Jeunesse, j’ai rien dit. Aucune rides à l’horizon sur votre douce et soyeuse peau.

Elle sourit à son tour.

— Je vais te tuer, espèce d’idiot, répéta-t-elle en ne pensant plus du tout ces paroles. Tu n’aurais pas pu tomber au pire moment. Déjà j’avais les chaussures et toi qui vient tout gâcher, rigola-t-elle en se plaignant.

— Ah non d’une huldras, t’arrives à marcher avec ces échelles, s’exclama-t-il en regardant ses talons aiguilles.

— Je joue les équilibristes. Tobias, voici les instruments de torture, chaussure voici le crétin.

— Ravi de vous connaître, déclara-t-il en se penchant vers celles-ci.

Puis plus sérieux, il se tourna vers elle.

Désolé d’avoir tout foutu en l’air.

— Ne t’inquiète pas, cela s’est bien fini finalement.

— Pour m’excuser, je te débarrasse de ces choses, et je te raccompagne chez toi.

— Ce serait le minimum. Qu’est-ce que tu fais dans le coin, gamin ? sourit-elle en tendant son pied. À genou pour la déchausser, il s’arrêta et son visage se ferma en entendant ce mot.

— Ne m’appelle pas gamin, marmonna-t-il.

Ne voyant pas à quel point il était contrarié ou l’ignorant consciemment elle répliqua :

— Tu préfères que je t’appelle crétin.

Il ne répondit pas. Ses dents toujours serrées ne laissaient pas passer un millimètre d’air.

Dans ce froid installé, Faith plus sérieuse demanda.

— Qu’est-ce que tu faisais là ? Ce n’est pas ton genre de quartier.

— Je me baladais, c’est tout.

Implacable, elle prit un regard inquisiteur.

— Je m’emmerdais, précisa-t-il, et je n’avais pas envie de me prendre la tête avec les autres. Alors je suis allé traîner dans un coin où je suis sûr que les croiseraient pas. C’est bon, t’es contente ?

À son tour, elle ne répondit rien.

Il soupira en se relevant, les deux chaussures à la main qu’il lui tendit. D’un geste elle les récupéra.

— En tout cas, je ne veux plus jamais te voir habillé comme ça, ordonna-t-il.

— Retire ce que tu as dit tout de suite, réagit-elle au quart de tour furieuse.

— Quoi ? paniqua-t-il désemparé par ce soudain revirement de colère.

Elle serra les poings, les phalanges blanches, mais la jeune femme se retint de lui en coller une sur ce visage d’idiot qui ne comprenait pas.

Bon sang de dragon, de quel droit osait-il lui dicter son apparence comme un patriarcal machiste ! Folle de rage, elle partit. L’abandonnant, elle prit la direction de chez elle. Il était temps que cette journée finisse.


Elle tapa des pieds nus jusqu’à l'arrêt du TAM, puis elle sentit un regard sur elle. Un autre passant attendant aussi le transport en commun semblait être médusé par ses cuisses.

Faith baissa les yeux, cette robe de malheur était courte, vraiment courte. Pas question de monter dans le TAM dans ces conditions.

Elle fusilla du regard le passant, et rentra en direction de chez elle, à pied.

Chez elle, après avoir subi une heure d’humiliation publique. Elle s’écroula dans son lit.

Une heure après et après réflexion, elle envoya par SMS à Tobias le pourquoi elle avait été en colère. Et à l’occasion pour qu’il s’excuse elle lui envoya la demande d’emploi de Morretti. Ce serait sa manière de lui pardonner.

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