Chapitre 1 - partie 1

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« Le pouvoir, la violence et la foi sont trois formes de dépendance. »

Bernard Werber

Devant la lourde porte en chêne massif verni et gravé d'enluminures discrètes, une petite main frappa ne laissant échapper qu’un léger son perçant à peine le brouhaha de l’appartement. La jeune femme toqua de plus belle. Agacée de ne toujours pas avoir de réponse, son compagnon vint à son secours. Celui-ci, bien plus massif que la porte, lui annonça d'un ton assuré qu’il s’en occupait.

Soudain débouchant de l’angle de l’escalier en colimaçon, une vieille dame si flétrie qu'elle en était tassée sur elle-même, semblait choquée. Elle regarda autour d’elle nerveusement comme cherchant une échappatoire. Puis à pas de loup et avec la peur d’une brebis tremblotante, elle les contourna autant que le lui permettait la minuscule cage d'escalier, rasant au point de presque fusionner avec la barrière de l’escalier.

La jeune femme aux cheveux noirs, lui souhaita le bonjour avec un sourire rassurant. L’habitante se rétracta un peu plus sur elle-même, pour finalement s’enfuir à toutes jambes à l’étage supérieur lorsque le géant cornu qui suivait sa partenaire la salua à son tour.

Les deux compagnons se regardèrent, les yeux bridés de la femme pétillaient d’amusement avant d’hausser les épaules face à l’amusante scène venant de se passer. Alors que le troll semblait contrarié par cette réaction qu'il avait trop souvent vue. Elle le rassura d’une bonne tape dans le dos qui ne le fit pas bouger d'un centimètre et qui lui fit mal à la main bien qu’elle n’osa jamais l’avouer.

L’immense créature reprit son action et se mit à tambouriner la porte pendant cinq bonnes minutes. Lorsque l’habitant ouvrit enfin, celle-ci avait perdu son vernis à l’endroit frappé.

D’un œil morne, il le regarda à travers l’embrasure de la porte. Il soupira en voyant le colosse et l’asiatique le regardant un peu agacés. Son soupir laissa échapper des effluves d’alcool. Puis, comme un masque que l’on met, la femme prit d’un coup un visage souriant de vendeuse.

— Bonjour, monsieur nous venons à propos de notre contrat, vous permettez qu’on entre ?

Il voulut dire quelque chose, mais la bouteille qu’il semblait tenir tomba et roula. Tel un chien après un os, il la poursuivit.

Ne demandant pas leur reste, les deux associés entrèrent. La jeune femme n’était pas du genre impoli, mais la menace que la vieille dame appelle la police de crainte de les avoir pris pour des quelconques malfrats ou créanciers l’inquiétait. Elle ne voulait pas être dérangée.

L’intérieur fut une mauvaise surprise. Le grand appartement jadis luxueux ressemblait maintenant plus à une porcherie. À deux reprises la femme faillit glisser sur une bouteille. Gardant son professionnalisme, elle se retenait de mettre la main sur son nez pour atténuer l’odeur acide. Comment en une semaine cette apocalypse avait pu arriver ? Bizarrement une vingtaine d’hypothèses lui vinrent dont deux impliquant des démons, et une, un briquet , un tonneau et une douzaine d’œufs.

Elle regretta un instant l'ancienne agencement de l'appartement digne d’un magazine de décoration. Dégageant autrefois d’une frime insupportable conforme des classes supérieures, il était maintenant devenu un parcours du combattant.

Même le play-boy fils à papa qu’elle méprisait avait l’allure d’un habitant des Salevafs de la ville. Enfin sauf pour le prix des bouteilles.

— Bien comme je vous disais, je suis ici par rapport à la demande que vous avez faite. Nous ramenons l’objet…

L’homme continuait d'errer avec sa bouteille récupérée sous le bras. Pendant que son compagnon était en train de pratiquer une analyse méthodique de toutes les plantes de l’appartement. Elle soupira à son tour. Pourquoi l'avait-elle amené s’il ne l’aidait pas ? Puis, la scène de la porte et de nombreuses situations où une armoire à glace servait lui revinrent. Peut-être même qu’elle lui demanderait un coup de main bientôt. Pour dessaouler cet imbécile, par exemple.

Elle reprit, sans hésiter cette fois-ci.

— On a votre objet.

Il la regarda un instant, l’air perdu, avant de porter à ses lèvres le goulot de la bouteille.

— On a le bracelet d’Isis.

Il se recroquevilla sur lui-même. Elle avait soudain l’impression d'un air de déjà vu.

— J’en veux pas.

Elle écarquilla les yeux. Un ange passa. Le troll ayant fini son analyse se releva et annonça en brisant le silence.

— Cette plante a soif. Il faut l’arroser.

Sa partenaire faillit se jeter sur lui. Ce n’était vraiment pas le moment de parler de plante d’intérieur.

Le client regarda le végétal puis l’énergumène qu’il ne semblait pas avoir remarqué malgré sa taille. S’avança vers le pot et y versa le contenu de sa bouteille. La jeune femme déglutit, elle sentait que la situation allait s'envenimer.

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