2h34

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2h34. Je n'ai pas encore ouvert les yeux, mais je sais qu'elle est là. Toute blanche, le visage impassible si ce n'est cette légère esquisse de sourire. Elle se tient droite et fière, debout près de mon lit. Ses grands yeux noirs me fixent et semblent pénétrer mon esprit . Ses cheveux noirs cascadent sur ses épaules. Elle m'attend ainsi toutes les nuits, depuis la disparition d'Aurélien, il y a presque six mois.

Le médecin pense que je dois faire mon deuil, qu'il ne s'agit que de rêves, que mon cerveau me joue des tours. Ma fêlée de soeur est déjà prête à contacter un exorciste, elle me croit possédée, hantée par une âme tourmentée qui réclame justice. J'espère franchement que toutes les âmes tourmentées ne vont pas arriver chez moi, ça va bouchonner.

Je dois avouer que j'ai tout essayé pour faire disparaître la belle de nuit. La tisane, totalement inutile, la méditation, qui me calmait la journée, l'alcool, qui me faisait me sentir encore plus mal, et pour finir les petites pilules magiques qui s'avéraient destructrices. Rien ne semblait décourager la demoiselle de 2h34.

Les premières nuits, je dois avouer que j'étais terrifiée. Seule au fond de mon lit, je fixais cette silhouette fantomatique et je n'osais bouger. Puis, nous nous sommes observées longuement, j'ai pleuré, beaucoup, je l'admets. J'ai maudit les dieux qui visiblement avaient des comptes à régler avec moi. Elle m'a regardée pleurer, pester, frapper des ennemis invisibles. Elle a écouté mes insultes, je l'ai traitée de tous les noms. Petit à petit, elle est devenue un défouloir, elle incarnait dans mon esprit la tragédie de ma vie, un réceptacle de chagrin, de haine, d'incompréhension et de douleur.

Jamais elle n'a réagi, si ce n'est ce sourire de Mona-Lisa venue d'outre-tombe. Vous ai-je dit qu'elle était belle ? La pâleur de son visage éclairait mes nuits. Petit à petit, je me suis habituée à sa présence muette et mystérieuse. Je trouvais enfin quelqu'un qui ne me jugeait pas, qui ne me demandait rien, qui m'écoutait et posait un regard bienveillant sur moi. Sa présence me rassurait, je recommençais à rêver, à espérer, à imaginer. Alors j'ai commencé à écrire, avec elle, veillant sur moi, m'encourageant de sa présence, me permettant de ne pas sombrer dans les ténèbres du sommeil.  

Je ne me posais plus de questions, elle était là et faisait désormais partie de ma vie. Je l'appelais Insomnie.

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