Ô Ironie, je loue pour une fois ton talent. La farce est admirable.

Sais-tu qui est ma voisine ? Non ? Je te donne un indice : une fille !

Oui ! Mais attends, pas n’importe laquelle. Je t’ai déjà parlé d’elle : la belle au regard assassin !

Toujours pas ? Mais tu tentes de me tromper ! C’est bien ton genre, Ironie, puisque c’est forcément toi qui l’as conduite ici. Oui ! On ne me la fait pas ! C’est bien cette chère Kael.

Elle était gonflée de force et de courage, la belle. Elle allait braver les sans-castes pour échapper au viol des templiers. À la place, sacré coup de ta part, elle se retrouve enfermée dans la cellule voisine et peut-être bientôt violée par nos geôliers.

Non ! Ironie, je ne ris pas de son malheur, je ris de ce retournement de situation. Personne n’est fort, vois-tu, personne ne peut vaincre, sauf peut-être moi. C’est ça ! Tu as deviné, j’ai un plan !

Il est à ton image, à la fois simple et compliqué. Mais attends, il n’est pas encore mûr, je le garde encore un peu, qu’il grandisse et gagne en force.

Depuis combien de temps suis-je là ? Comment se fait-il que Kael n’arrive que maintenant ? C’est étrange, non ? – Perfection – non ?

Ah, j’ai froid ! Mes bras chatouillent, piquent, Perfection. Viens, s’il te plaît. Viens, allez ! Pourquoi tu me fuis ? C’est Kael c’est ça ?

Tu sais je ne l’aime pas vraiment. Elle est juste belle… Mais tu sais, elle est belle, c’est vrai, mais elle est sombre. Elle a le Vide dans les yeux. Perfection, arrête… Si elle n’arrive que maintenant, c’est qu’elle a erré ici longtemps et qu‘elle est de nature sans-caste à présent. Elle est à vomir. Comme moi, tu dis ? Hé, doucement, là ! Moi je résiste à l’envahissement de leur impureté, je vomis leur nourriture ! Et même quand ils me forcent, mon corps le déverse encore plus vite dans le Ciel, ne t’inquiète pas ! Allez, viens ! Tu boudes ?

C’est parce qu’elle a essayé de me parler, non ? Mais voyons, ses cris, ses appels se sont effondrés sur le mur qui nous séparent. Ce qu’elle disait était incompréhensible de toute façon. Pourquoi tu restes dans ton coin ? Perfection… Allez !

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Quoi encore ?

La porte s’ouvre, laissant sa maudite lumière se déverser, aveuglante. Je ne peux plus la supporter, Vide. Je crois que je commence à te comprendre...

Regarde le de tes yeux sombres. Ulri est revenu. Il se méfie, vois tu. Il me craint. Je comprends ta force, Vide. Cette peur est emplie de puissance, il perd toute contenance. Il s’assit comme d'habitude, reste silencieux. Il ne sait plus quoi me dire. Il redoute mes éclats comme les citoyens redoute les tiens. J'ai fusionné avec le noir, je suis devenu l'obscurité et avec moi se tient mon amour. Où es-tu ma femme ?

Regarde ! L’insecte est là, Perfection. Commençons par le laisser parler.

« — Tu… Tu me laissera parler cette fois ? dit-il presque avec tendresse, tout en se tenant sur ses gardes. Bane… Il faut que tu cesses, tu te fais trop de mal, tu vas finir par te tuer. Ne reste pas là, dans cette folie, dans cette obscurité. Je t’ai proposé de sortir, pourquoi refuses-tu ? J’ai parlé pour toi, ils acceptent, je te dis. Tu seras juste… surveillé. »

Ça me tue de le dire, Perfection, tu le sais. Mais les mots sortiront, pour toi, pour nos enfants :

« — Oui… »

« — Tu… Tu as accepté ? Je n’ai pas entendu ! »

C'est douloureux, ça peine à sortir. Aide moi, je t'en prie !

« — J’accepte… »

J’aurais pu vomir en le disant, ma chérie. Je te le jure, mais mon corps était trop sec et sans réserves. Le plus difficile sera d’assumer la suite…

Regarde le donc sourire… pff… dire que je l’admirais. Maintenant je n’ai plus qu’une seule envie, ma chérie, c’est de le saisir et le presser. Il serait dans mes bras, comme un ami, mais je l’écraserai. Et bien sûr, lui prendra ça pour de l’amour, l’imbécile.

Je sais qu’il m’aime. Tout me le montre ; ses regards, sa sollicitude.

Je l’étreindrai, mon amour, il aimera ça. Et en même temps je le tuerai...

Il va revenir, bientôt…

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Perfection, j’ai renoncé à vider mon sang sur la roche du plafond. Oui ! Tu vois, j’avance ! Pourtant j’ai besoin de l’aide des Dieux et je sais que je dois leur offrir quelque chose. Et tu le sais aussi, mon amie.

Le sang était bien, mais je meurs. Et j’ai besoin de mes forces pour accomplir ma volonté ainsi que celle des dieux.

Tu t’inquiètes pour moi, je sais, Perfection. C’est pour ça que j’arrête, c’est pour ça que je sors…Mais tu le sais, ils ne s’en sortiront pas aussi facilement. Et pour ce faire, j’ai besoin de sacrifier une part de moi aux dieux.

Tu va rire Perfection, quand tu vas apprendre à quelle Déesse je vais demander de l’aide… Attends, écoute donc !

Je ne pensais pas m’adresser à toi, Attraction. Après tout, dans ce monde détestable où tu as perdu ta puissance, pourquoi irais-je t’invoquer ? Pour recevoir un peu de réconfort ?

Mais que ferais-je du réconfort puisque j’ai déjà trouvé Perfection, qui me comble…

Je vais t’expliquer, ô merveilleuse. Mais d’abord, il te faut une offrande. Je suis attaché, je ne sais même plus me saigner. Mais j’ai encore quelques gouttes de salive, à défaut de mon sang, pour offrir quelque chose. Non, ce n’est pas mon mépris que je t’offre avec ces crachats. Non ! C’est le poids de tous ces mots retenus au fond de ma gorge. Je les condense dans ma bave, en un bloc compact. Mon crachat sera le hurlement de milliers de mots enserrés les uns contre les autres.

Attraction, déesse de l’amour et de la séduction. Accepte ce molard qui est comme un projectile de hargne, de fureur et de mots tournoyants, car il est mon offrande !

À présent, laisse-moi t’expliquer…

Tu verras, belle Attraction, mon plan est prometteur…Il te plaira !

Bientôt, Perfection.

Bientôt, je serai dehors.