À la conjonction des soupirs — 3 (V2)

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« Entre nous ». Sa voix d’enfant, frêle, trop aiguë, stressée. L’obscurité de l’alcôve d’étude. Les Ter, circulant, indifférents. « C’est entre Aers ». Le gros livre posé devant, les lettrages embués, trop lus, trop usés. Entre Aers, mais trop d’intimité. Trop. « C’est normal entre Aers, les mères le disent toutes ». Non, ce n’était pas normal. Cette intimité n’était pas normale. Sa mère n’avait jamais rien dit de tel. Mais que faire ? C’était d’Art, ça elle le savait, mais ça semblait d’Ironie aussi : irréel. La lumière aussi, irréelle. L’alcôve dans la grotte, irréelle. La grotte ? Non, l’école. Ces Ter, ils n’étaient pas enseignants, mais templiers. Et puis… Ce qu’il faisait. Irréel ? Même impossible : c’était là un acte de l’ancien monde. Ancien. Révolu. Désert. Un monde posé par Terre. Le sien était perché. À raison ! Car rien n’allait, ici. Ce geste était péché. Péché d’Art ! La main s’éloigne. Bilias arrive, encadré de lumière.

— Qu’est-ce que vous foutez, là ?

 La honte se fit lueur. Kael sursauta quand quelque chose la toucha — une main — sur sa jambe. Des bras se refermèrent sur elle. Bilias.

— Z'avez rien à faire là !

 Dans le dos de celui qui parlait, trop flou pour être réel, la porte et les fenêtres criaient leur lumière. L’œil solaire s’était ouvert. La salle, ample et rocheuse comme un reliquaire sacré était désertée. Hier, ils étaient peut-être des centaines à s’abriter dans le ventre de la mère — foutus impies des frontières. Aujourd’hui, il ne restait plus qu’un vieux grimaçant.

— J’ai mérité c’t’endroit. Tout le monde le sait ! cracha-t-il, en se redressant pour aller se tapir dans un coin, à chipoter quelque chose.

 Bilias relâcha un peu son étreinte, laissant apparaître un Gordi tremblotant.

— Il est comme ça depuis tout à l’heure, à nous surveiller, fit Bilias.

 Sauf que sa voix n’était pas comme d’habitude. Kael se rendit compte que son étreinte non plus…

— Qu’est-ce qui se passe ? Où est Bilias ? s’écria-t-elle, en repoussant Ister et Gordi.

 Leur contact physique lui semblait dégoutant. Comme d’être ici, d’ailleurs, dans la Terre.

— Il faut qu’on sorte, on doit le retrouver !

— C’est ça, sortez, les encastés ! beugla l’affreux vieillard dans son coin.

— Tu parles de qui ? chuchota Gordi, comme s’il allait en devenir invisible.

— Bilias ! Il m’a sauvé.

 Gordi et Ister la fixèrent. Ils avaient l’air épuisés, et ne semblaient plus savoir ce qui relevait du rêve et du réel, comme elle. Ils avisèrent la salle pour voir si son cousin ne s’y trouvait pas, sans avoir l’air d’y croire. Ils regardèrent même au plafond.

— Messagère t’a fait rêver, conclurent-ils.

 Avant que Kael ne put leur répondre, quelque chose crissa sur la paroi de roche. Ils sursautèrent.

— Mais partez ! PARTEZ ! hurla le vieux depuis son coin, crispant instantanément tout le monde. Vous croyez quoi ? Les rêveurs ? Mais je vous ai repérés, dès le matin, moi. Déjà hier soir : c’était pas normal de vous voir vomis par le hurlant. J’ai rien dit d’abord. Mais j’ai bien scruté vos gueules trop propres ; vos cheveux, vos chicots trop nets ; vos peaux trop miel. Et vos tuniques, même déchirées, elles trompent personne. Des encastés. Des foutus encastés sans marque. On me la fait pas, à moi ! Barrez-vous !

— De toute façon on s’en allait, répondit Kael en se relevant calmement sous les regards catastrophés des deux autres.

 La Terre n’allait pas souffrir plus longtemps leur présence de toute façon. Ce sans-caste, malgré sa condition et son triste état, n’avait pas tort.

— En avant, les garçons.

 Leur parler comme à des enfants, voilà ce qu’il fallait faire. Sinon, ils n’obéiraient pas, vu leurs airs endormis.

— Votre supériorité, ça m’fait rien ! brailla le sans-caste en les fixant se diriger vers l’entrée — enfin son entrée, comme il le prétendait stupidement — ouverte sur le grand Ciel. J’ai aussi du prestige, moi ! J’ai l’droit d’être ici ! Vous avez pas à me narguer, encastés ! Sortez !

— Nous sortons, vieillard, trancha Kael. Au nom de la Mère, je ne vous blâmerai pas pour votre langage, car vous nous avez sauvés en nous permettant de dormir ici. Néanmoins, sachez qu’il doit déplaire à la Terre que…

— Mais, vire ! L’encastée ! Vire-toi de ma case !

 Kael dû se retenir de le maudire. Elle se mordit la lèvre et sortit, tête haute. Ces êtres imbéciles n’étaient pas éduqués. Ils ne savaient pas ce qu’était une Aers. Les dieux se chargeraient de le remettre sur le droit chemin. Il avait pris du galon en les sauvant, après tout. Ils seraient probablement magnanimes à son égard.

 Le soleil brutal dans les yeux, ils se retrouvèrent sur une passerelle ne tenant plus qu’à quelques fils, à avancer sur des bambous fracturés. Au bout, une susplace, squelette étique, tout juste accroché, où des sans-castes s’aventuraient prudemment. La traversée de ces débris pendants lui parut d’abord impossible, mais Kael parvint assez vite à tracer une route mentale entre les points de progression possibles. Il pouvaient se sortir de là, au prix d’un détour considérable, mais le trajet semblait faisable. Il faudrait un peu se bagarrer avec le Vide, ne rien lui céder, au bout d’un Temps, ils atteindraient la partie nord de l’aire sans-caste, visiblement épargnée. Les dieux, en détruisant tout, avaient tout de même pensé à un sauf-conduit pour eux. Quelque part, le monde était bien fait. Elle soupira et intima aux deux autres d’avancer.

 Leur progression fut laborieuse. Les longs moments où il fallait attendre Gordi, bataillant avec son propre corps pour échapper à l’avide gravité, lui permirent de contempler les environs. Avant la ravage, il devait y avoir bien plus de subâtis et de passages sous ce terrain. Kael imaginait même un paysage chargé. On pouvait deviner, via les cordages encore susplantés, ce que devait être l’endroit : de véritables couloirs entre des cases serrées, des montages de cordes et de bambous tenant ensemble les structures afin de compenser leur insalubrité. Il n’en restait presque plus rien. Les dieux avaient fait le ménage. Ils étaient justes.

 Enfin, jusqu’à un certain point, car il restait encore et toujours les habitations creusées dans la roche, ainsi que les larges bouches sombres qu’elle voyait meurtrir la Terre au loin. De enterrains… des abominations. Lesquelles n’avaient aucunement été entamées par le doigt destructeur. De petits yeux affolés y brillaient. Les sans-castes, soulagés d’avoir survécu, n’avaient toujours pas compris.

 La traversée fut longue, l’œil solaire descendait. Les deux autres commençaient à réclamer une pause. Il ne manquait plus que ça. Une fois arrivés sur une susplace plus ou moins stable et campés sur un coin plus ou moins sécure, elle se tourna vers eux. Leur expression la surprit d’abord — ils semblaient sur le point de se jeter au Ciel — mais elle ne pouvait pas les laisser se relâcher !

— Accrochez-vous ! On y est presque, proclama-t-elle, en tapotant maladroitement leurs épaules pour les requinquer, comme l’aurait fait un gradé avec ses soldats — du moins c’est ce qu’elle imaginait. Encore un effort, on n’est plus très loin. On va trouver Bilias. Après ce sera facile. Allez ! On continue.

 Voilà comment il fallait diriger les troupes. Son père le lui avait assez répété : être sûr de soi, solide et stable comme la Cité ; mais surtout encourageant. Les dirigés ne pouvaient que profiter d’une telle attitude, car ils ne savaient pas la trajectoire du monde. Ils avançaient, perdus, et avaient besoin de maîtres forts qui savaient se positionner face aux embûches que les dieux, taillant le monde selon leur bonne volonté, plaçaient sur leur chemin.

 Les deux acquiescèrent, ils étaient bien trop fatigués pour discuter. Tant mieux. Kael leur accorda quelques instants pour respirer, puis ils repartirent. Ils cheminèrent au-dessus du Vide encore longTemps. La quantité de détours à accomplir confinait à l’absurde. Pour traverser une portée, il fallait parfois dévier de sa route de quatre ou cinq autres. Le tout en risquant sans cesse de tomber dans le Ciel. Lequel s’était considérablement calmé depuis hier. Il semblait même guilleret. Sa joie d’avoir ravagé le monde sans-caste était presque communicative. La clarté de l’œil solaire, la pureté de son bleu, égaillait le cœur de Kael. La seule chose qui lui manquait était la présence de Bilias, dont elle attendait de voir la silhouette apparaître sur chaque nouvelle plateforme. Mais c’était puéril, elle n’avait pas vraiment besoin de lui. Il le savait, c’est pour cela qu’il était parti.

— Mais on ne va pas au nord ? gémit Gordi, tandis qu’ils finissaient de parcourir deux cordes arbitrairement raccordées à une susplace qui par bonheur était faite de corne.

— Elle cherche quelqu’un, répondit Ister, calmement - calmement parce qu’il était concentré.

 Kael voyait qu’il reprenait des forces. Il se nourrissait de sa détermination. Si seulement Gordi pouvait lui aussi s’en imprégner…

— Les deux, Gordi. On se rend aussi au nord. Allez, on continue, ajouta-t-elle, en posant enfin le pied sur la plateforme sous les regards éberlués d’un tas de sans-castes.

 Ces sauvages n’en revenaient pas de trouver des gens vivants sortir de la zone de ravage. S’ils étaient assez malins pour comprendre qu’ils étaient citoyens, ils ne seraient pas aussi étonnés.

— Bilias a forcément pris de l’avance… Il ouvre la voie pour nous. Tout ira bien.

 Aucun doute, c’est ce qu’il avait fait — il devait avoir ses raisons, indépendant comme il l’était — en éclaireur, il était allé trouver les Aers de la porte nord. Sa tante connaissait plusieurs membres des troupes campées là-bas. Bon. Ils ne devaient pas être très nombreux ; juste assez pour rappeler aux templiers qu’ils n’avaient pas le champ libre, mais c’était déjà ça.

— Mais c’est qui ce Bilias ? Traîna Gordi, en s’accroupissant pour détendre ses muscles et son dos. On était que trois. Les autres… Est-ce que le Vent les a tous emportés ? Ister ?

— J’espère que non, fit celui-ci, sobrement.

 Kael laissa son regard descendre vers le grand Ciel. Elle regrettait encore amèrement de ne pas être parvenue à tirer plus de monde avec elle. Ils seraient plus nombreux en ce moment. Ils auraient été en force pour la traversée.

 Puis elle se rappela des deux que le Vide avait pris. Elle revit aussi toutes les silhouettes qu’elle avait vues virevolter autour du doigt divin…

 Elle chassa ce souvenir. Messagère l’y aida.

— Bilias c’est celui qui m’a sauvée, pendant l’anaclysme. Après il est reparti. Mais, je… Hé vous, là ! éclata-t-elle, faisant sursauter ses camarades. Qu’est-ce que vous voulez ?

 Ces monstres ! Ces sans-castes n’arrêtaient pas de les dévisager. Après son cri, ils prirent peur et se détournèrent. Beaucoup s’enfuirent même. Le calme revint, comme après un brusque coup de Vent. Les fuyards s’infiltrèrent entre des parois de bambou qui tombaient du plafond un peu plus loin. L’aire sans-caste, ils y étaient arrivés. Kael eut envie de cracher au Ciel en détaillant sa masse abominable juchée au surplomb. Si la magnifique Cité qui les avait vus naître avait la justesse de se tenir suspendue entre Terre et Ciel. Il n’y avait rien de ce respect dans l’aire sans-caste. On se trouvait au plus près de Terre. Presque dedans à certains endroits. C’était dégoutant.

 Prenant son courage à deux mains et pensant fermement à Bilias qui avait fait tout ce chemin juste avant, Kael indiqua aux autres de reprendre. Ils circulèrent en silence dans ce fatras urbain. Un silence préférable, car les sans-castes allaient facilement repérer leur accent, au vu de leur façon abominable de parler. Le vieux fou vivant dans la Terre avait raison : ils transpiraient leurs différences. Discrétion et calme, tels seraient les maîtres mots pour atteindre le port au nord. Sauf que Gordi, trop bête, ne pouvait pas lâcher l’affaire. Il ne pouvait se contenter de cheminer, confiant, derrière elle. Il fallait qu’il ait des questions.

— Mais c’est Ister qui…

— Laisse -là, l’interrompit Ister. C’est mieux comme ça.

— La laisser ? Mais j’y comprends rien, moi ! C’est d’Ironie, suffoqua-t-il, affolé.

— Silence ! gronda Kael. Ils vont nous identifier !

 Ne pouvaient-ils pas se taire, sang-mort ? Et puis qu’est ce qu’ils racontaient, ces deux-là ? Leurs Vidés échanges la déconcentrait. Ne pouvaient-ils pas la fermer une bonne fois pour toutes ?

 Leurs clapets se refermèrent sans qu’elle n’ait besoin de sévir. La zone détruite par le doigt du Ciel disparut derrière les façades, comme un mauvais souvenir. Ils s’enfoncèrent dans la cité sans-caste. Comme Kael l’avait supposé, leurs habitations de fortune se serraient les unes aux autres, accrochées à quelques pieds de surports qui, contre toute attente, paraissaient solides et surtout composés de corne comme ceux de la Cité. À la différence qu’au lieu d’y trouver suspendues les habituelles cases standardisées sorties de la Forge, solidement assemblées les unes aux autres, on y trouvait de pauvres cases rapiécées, faites de bric et de broc — bouts de corne, planches et cannes de bambou, parfois du métal ancien et même du bois ancestral : des choses étonnantes, parfois tellement nobles qu’elles n’auraient pu figurer qu’au palais…

 Kael n’en pouvait plus de ce spectacle. Cet endroit était vraiment le terraume d’Ironie, où horreur et noblesse se côtoyaient de trop près. Vivement qu’ils arrivent enfin au Nord.

— Kael ?

 C’est Ister qui l’ouvrait, cette fois. Elle se retourna, agacée, mais évita de parler trop fort — aux fenêtres taillées dans les façades, des formes semblaient les écouter.

— Quoi encore ?

— Gordi ne veut plus avancer.

 Kael avait envie de hurler. À la place elle soupira longuement. Très longuement. Puis avisa Gordi qui se tenait effectivement adossé à une paroi de bambou, à contempler les planches sous ses pieds, sinon le Ciel qui se découpait entre-elles. Prenant soin de ne pas faire trop de chambard, Kael s’avança vers lui, doucement.

— Gordi… fit-elle, avec le plus de tendresse possible. On ne peut pas traîner. Je sais que tu es fatigué, mais…

— Mais tu fais quoi ? On va où ? Au nord ? Et comment tu fais pour le retrouver, le nord, ici ? On a aucun repère. On ne voit rien tellement c’est serré !

— Ne t’inquiète pas pour ça, nous, les Aers, avons des moyens de situer les directions…

— Et c’était qui ces ennemis qui ont tué les nôtres sur l’embarcadère ?

 Il parlait trop fort, sang-mort.

— Chut… Je crois que c’était des danse-Vent… Ils…

— Et puis c’est qui ce Bilias dont tu parles tout le Temps ?

 Mais il n’allait pas lui laisser en placer une ? Kael se retint de s’énerver. Apparemment, il devait cracher ses inquiétudes pour continuer. Elle attendit qu’il épuise ses sanglots et lui laisse enfin la place pour le rassurer.

— Je te comprends, fit-elle, prenant son visage bouffi entre ses mains, l’obligeant à la regarder. Je sais que c’est difficile. Que c’est incompréhensible. Écoute-moi, s’il te plaît. Tu vas écouter ?

 Gordi fit mollement un signe de tête d’assentiment. Il paraissait terrifié et perdu.

— L’œil solaire bouge toujours de la même façon. Sa descente, son fond, son levé permettent de situer le nord. C’est par là, grosso modo. Ensuite, les danse-Vent. Je ne sais pas comment ces sauvages ont appris ces techniques, mais il s’agit d’un art du combat très compliqué et surtout secret qu’on enseigne aux Aers les plus gradés des brigades. Je ne sais pas quoi en penser, mais je suis au moins certaine d’une chose, Gordi : ils ne sont pas ici, avec nous…

 Elle se retint d’ajouter que s’ils l’avaient été, ils les auraient déjà tués à l’heure qu’il est. Ceux qui maniaient le Vent étaient imbattables.

— Quant à Bilias, reprit-elle, baissant la voix pour s’assurer qu’on ne les écoutait pas. Bilias est mon cousin. J’ai cru qu’il était mort, mais… mais… Il est réapparu durant la tempête…

— Un revenu du Ciel ? s’emballa Gordi.

 Ses yeux s’ouvraient grand, comme si Vide venait d’apparaître. Ister, qui venait de les rejoindre, posa une main sur son épaule en faisant non de la tête. Kael en profita pour expliquer.

— Pas vraiment… C’est juste qu’il a dû se servir des courants de la tempête pour remonter vers nous. Je ne vois que ça. Il m’a sauvé, face au doigt… du Ciel.

— Ironie te prend ! glapit soudain Gordi. Je dois lui dire, Ister, on ne peut pas la laisser comme ça !

 Ister soupira, retirant sa main, visiblement excédé. Kael se tourna vers lui.

— De quoi parle-t-il ?

 Ils faisaient trop de bruit tous les trois, ils commençaient à attirer l’attention des sans-castes.

— C’est moi qui t’ai sauvée, Kael…

— N’importe quoi ! l’interrompit-elle le plus rapidement possible, pour vite qu’il se taise. Les dieux t’éventent la cervelle !

 Mais il n’écoutait pas, il ne pigeait rien, comme tous les imbéciles des castes faibles. Il parlait sans se rendre compte de l’impact des mots !

— J’ai déposé Gordi dans la maison des rochers et suis revenu pour toi ! se fâcha-t-il. Tu regardais la tempête comme si tu voulais qu’elle te prenne. Je t’ai pris la main, tu as dit : Bilias. Alors, j’ai su que je ne devais rien dire ; que tu me suivrais. Ironie est partout, dans le Vent, sous ce plafond, dans ces endroits, partout, Kael. Tu ne dois pas t’en vouloir, ce n’est pas de ta faute, on n’y voyait rien. Mais, Kael, écoute-moi, je t’en prie. Ton… cousin… est…

— Tais-toi !

 Kael reculait, les mots lui manquaient, mais ceux-là avaient suffi à arrêter Ister. Bilias, elle l’avait vu, marchant dans les pivotants. C’était lui ! Cette allure, ce courage, ce ne pouvait qu’être lui. En même Temps, elle considérait Ister, sa posture, sa carrure. Il y avait quelque chose… Une ressemblance. Non ! N’importe quoi ! Arrête, Kael ! Tu vas le réaliser en l’acceptant ! Elle recula, dégoutée d’avoir confondu son cousin avec un vulgaire Inter. Non, non et non ! Bilias n’était pas m... Non ! Elle ne pouvait même pas penser ce mot !

— N’achève pas ta phrase, surtout ! Pauvre imbécile, tu veux que ça devienne réel aux yeux des dieux. Ce qui se dit se réalise. Tu ne le sais pas ? C’est ce que veut Ironie : que ses menteries se réalisent ! C’est toi l’infiltré d’Ironie ! Bilias… Bilias est là-bas, au nord. C’est ce qu’il faut dire, c’est ce qu’il nous faut proclamer jusqu’à ce que ça advienne !

 Elle s’effondra, en larmes.

 Ister se pencha, posa sa main sur son dos, puis sur sa nuque. Gordi commença à pleurer.

— Tu as raison, fit Ister, sans colère dans la voix, mais plutôt un grand calme. Il nous attend, au nord. Allons-y, Gordi, ajouta-t-il en lui faisant un geste que Kael ne put apercevoir. Tu as entendu ? Bilias est là-bas. Il faut continuer.

 Lentement, ils reprirent leur route. Ils avancèrent, main dans la main, larmes sur les joues. Tandis qu’ils s’enfonçaient plus en avant dans l’aire sans-caste, le regard du Ciel s’estompait, laissant place à ceux qui se tenaient dans l’obscurité des fenêtres.


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