Brume sourde — 6 (V2)

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 Bane grimaça. Des sans-castes parmi eux. Cela ne lui parlait que trop. Mais il peinait encore à croire qu’Ulri puisse être l’un de ces infiltrés. Pourtant, ça expliquerait son attitude si différente des autres jeunes et ses airs bien plus âgé ; ainsi que son influence incroyable et ses techniques de combat dansantes ; aussi ces mots, lancés après la révolte sur la voile : Tu vas découvrir l’endroit d’où je viens…

 Kael, implacable, souriait d’un air mélancolique. Tout commençait à affreusement prendre sens. Le doute s’éloignait, le dégout prenait sa place. Ulri ne pouvait qu’être l’un de ces sans-castes. Bane se sentait défaillir, et ce n’était pas Vent le responsable. Il avait suivi, apprécié, soutenu et même assisté un être sans incarna. Il s’était laissé séduire et piéger. Bane sera les poings. Comment avait-il pu se laisser embobiner à ce point ?

 Il voulut attraper le regard d’Ister, mais celui-ci se perdait dans le magma gris qui dansait en dessous de l’aire des sans-castes. L’étendue de ce qui leur avait été caché ne pouvait que lui sauter aux yeux à lui aussi. Un nouveau monde se tenait devant eux. Une seconde cité, énorme, cachée depuis des générations. Bane se rendait compte que depuis tout ce Temps, il était tout à fait possible que ces êtres — ces presque-êtres — si nombreux, aient pu concevoir des plans d’infiltration de leur Cité. Et même — le dégout s’empara de lui — il était encore plus probable qu’ils se soient déjà infiltrés parmi eux. Peut-être même depuis des alignements.

 Bane se souvenait de tout un tas de citoyens douteux, croisés çà et là, sur lesquels on racontait les pires choses. Comme ces promeneurs nocturnes, insensibles aux filles de la nuit ; ou ces adorateurs du Vide ou d’Ironie, biens plus imprudents dans leurs prières qu’aucun prêtre référé ; ou encore ces pauvres errants que personne ne comprenait, sans qu’ils ne soient pour autant désignés Illums. Oui, si ça se trouvait, ceux-là n’étaient que des sans-castes arpentant les ponts de La Suspendue, singeant les simples citoyens, préparant en secret des actions tout en grossissant leurs rangs patiemment…

 Le Ciel bouillonnait, furieux comme Bane. Il montait vers les plateformes du port comme une mer ancienne cherchant à les submerger. Malgré tous les rescapés qui l’entouraient, Bane se sentait seul avec sa haine. Ulri avait été avec lui à chaque instant presque. S’il avait su… S’il avait su.

 Kael souriait toujours, les embruns furieux agitaient ses longs cheveux d’or. Elle semblait se délecter de son malaise. Ses yeux brillaient, elle cherchait sans doute à lui faire avouer quelque chose.

Et l’homme-inversé ? se demanda soudain Bane. Sang-mort, son apparition pouvait tout à fait s’expliquer par ce biais. Il pouvait être une sorte d’envoyé des dieux ayant pour mission de dissuader les envahisseurs de s’installer — ou rester — dans la Cité ; leur faisant comprendre que, sous sa garde, ils ne parviendraient pas à recevoir de sceau sur leurs fronts impurs. Oui, tout cela avait du sens. Énormément, même. La cérémonie devait avoir été gâchée par la folie des sans-castes !

Dans ce cas, ça change tout ! Les perspectives s’ouvraient de plus en plus, Bane commençait même à donner raison aux templiers : s’ils avaient été au courant de ce qui se tramait, s’ils avaient su pour les infiltrés, Bane comprenait qu’ils aient voulu éviter que ces êtres pervers ne s’installent dans le Terraume. Ils avaient tort d’exiler toute une génération, mais sûrement pas d’avoir voulu éviter la colère des dieux. C’est ça, peut-être que les Ter comptaient juste faire le tri et puis les renvoyer — eux, les vrais incarnés, les citoyens — une fois qu’ils auraient pu valider leurs lignées.

 Bane s’arrêta dans son développement, ça ne tenait pas… Les templiers auraient pu faire cette vérification en les maintenant dans la Cité, afin de les libérer au compte-goutte. Et puis ça n’expliquait pas la mort du réalien. Non, il lui manquait encore des informations pour saisir le pourquoi du comment.

— Vous commencez à comprendre pourquoi mon cousin est mort ? continua Kael, faussement atone. Vous comprenez, à présent, que ceux que vous imaginez être plus proches des dieux n’en sont que les plus éloignés ? Qu’ils n’en font qu’à leur tête, n’écoutent aucun Aers, ni même l’Acastale ? Vous comprenez pourquoi nous devons fuir, le plus vite possible ?

— Mais… les sans-castes, balbutia Bane, incapable de quitter des yeux le paysage désolé qui s’étendait devant lui.

— Justement… Plaise à Ironie, on va tenter notre chance chez les sans-castes, fit-elle à mi-voix, fixant le Ciel. Bilias, pardonne moi, mais celui que tu as vaincu avait raison… Les sans-castes sont abrutis, ils n’ont ni l’éducation ni l’incarna nécessaire pour nous nuire. Ils sont soumis et nous révèrent comme si nous étions des dieux. Les prêtres ont réussi, ils les ont rendus dociles. Ceux qui nous ont infiltrés étaient peut-être différents, peut-être plus sournois, ou un peu plus malins, mais les rapports de mes sœurs et frères en mission sont formels. Nous n’avons rien à craindre d’eux. Ils nous craignent.

 De lourdes rafales frappèrent les visages avant qu’ils ne trouvent quoi répondre.

— Mais ces templiers sont nos sœurs, nos frères ! rétorqua Bane, en s’abritant de ses mains encore douloureuses. Ils ne nous feront pas de mal, ils sont pourvus d’un incarna !

— Vent mange ta cervelle ! trancha-t-elle. Tu as oublié ce qu’il s’est passé durant notre émeute ? Tu étais où lorsque nous nous battions ? Avec les fragiles qui s’étaient rassemblés pour pleurer ?

 Bane n’allait pas se laisser prendre par sa conviction d’Aers. Sa posture redressée, il n’allait pas la perdre. Il serait droit. C’était comme cela qu’un pylône de trace affrontait le Vent.

— J’y étais ! J’ai vu ce dont tu parles ! J’ai surtout vu des gens affolés chercher à rétablir l’ordre, essayer de punir et faire peur pour arrêter une révolte !

 L’image du templier basculant par-dessus le bastingage lui revint d’un coup. Kael en profita pour reprendre la main.

— Je vais une dernière fois me répéter ! fit-elle, le regard acéré. Ces templiers ne vivent pas dans la Cité, leur incarna a été pourri par le contact avec les sans-castes, qu’ils détestent, mais doivent garder. Telle est leur mission, et rien ne peut les en détourner, donc ce ne sont plus « tes sœurs et frères ». Ces Ter, ils nous ont tous mis dans le même panier que ces infiltrés sans-incarna, pour eux nous n’avons aucune valeur. Sinon celle-ci… Ils vont se servir de nous. Comment ? En nous supprimant, tous, à la gloire des dieux ! Et ils vont obliger les sans-castes à regarder, pour qu’ils comprennent qu’il ne faut jamais infiltrer nos rangs. Voilà ce qu’ils vont faire, tes sœurs et frères ! Je serais prête à me pencher au Vide tellement j’en suis certaine !

 Long silence, ponctué de bourrasques. Peut-être était-ce sa persuasion d’Aers, mais personne n’osa rétorquer quoi que ce soit. Bane se sentait nauséeux, il avait l’impression que tout raisonnement ne pouvait que former des nœuds. Ici était le terraume d’Ironie. Toutes les idées, même les plus contradictoires, se tenaient. Kael, triomphante, tendit un doigt vers les habitations bâclées du monde sans-caste.

— Moi, je tente ma chance chez les dociles. De toute façon, on n’a pas de sceau, seules nos tuniques laissent croire que nous sommes de la Cité. Le Temps que les plus éduqués comprennent, nous les aurons déjà dépassés. Et puis, Vent nous aidera, ajouta-t-elle d’un air malicieux. Ils iront se planquer et nous n’aurons plus qu’à filer vers le district nord de l’aire sans-caste. Il y a un autre port, là-bas. De ce point, nous repartirons vers notre Cité.

Un district nord ? Cette idée, à elle seule, donnait le tournis. Cette fille voulait traverser des sous-territoires si grands qu’ils allaient jusqu’à ceindre l’extrémité nord de la Cité — là où il avait grandi ! Derrière le dos d’Attraction, au-dessus du temple de Terre, qu’on ne dépassait pourtant jamais, même en voile. Traverser un monde inconnu, mais si proche ; un monde rempli de monstre, comme ça ! Et ça lui paraissait tellement simple, tellement évident. Tout dans sa façon de parler, dans son attitude, dans sa gestuelle laissait entendre qu’il ne pouvait y avoir d’autre alternative, qu’elle avait de toute façon raison. Oui, l’évidence même. Plus qu’à se résigner…

 La foudre déchira les profondeurs, glissant sa lumière entre les pointes du mur. Elle frappait la Cité. Elle allait arriver sur eux bientôt. Un argument de plus.

 Mais non ! Bane ne voulait pas céder à la fureur du Ciel ni aux idées de cette Kael. Il ne voulait plus de ces révoltes, ces batailles et ces peines qui ne faisaient qu’alimenter la fureur de la tempête qui venait. Luttant contre cette voix qui ne faisait qu’insister, lui disant Suis-les, Bane ne souhaitait plus bouger. Il avait besoin de repos, de reprendre confiance en ce qu’il avait toujours connut dans sa vie : la stabilité. Il ne voulait pas s’éloigner des jeunes rassemblés — pas plus que des templiers, étrangement. Ce serait comme à nouveau quitter ses assises. Fuir, c’était filer vers l’inconnu, vers l’inquiétant. Qu’est-ce qu’ils croient, tous ? Ces sans-castes vont les souiller, les éloigner un peu plus des dieux. Déjà qu’Ulri l’avait touché, influencé. Fallait-il qu’en plus il aille se perdre dans ces quartiers impurs ?

Tentation d’Ironie… le regard de cette Kael, si belle, si forte ; l’enthousiasme de son ami, Ister, aveuglé ; tous ces autres qui ne tenaient déjà plus en place. Tentation, ces gardes, réduits à peau de chagrin ; ce Ciel prêt à fracasser les hauteurs du monde. Tentation… de céder au pêcher d’instabilité. Même ses pieds semblaient se réveiller, déjà prêts à suivre. Bane pouvait courir, un peu maladroitement et avec de l’aide, ce serait difficile, mais il pouvait y arriver. Maudite Ironie tentatrice !

bien non ! Il ne persisterait pas dans l’insulte aux dieux, il ne quitterait pas cet endroit !

 Kael le fixait, les cheveux battus par le Vent. De lui, plus que de tout autre, elle attendait une réponse, comme s’il se trouvait à nouveau sur la planche de l’affront et que l’épreuve allait déterminer sa capacité à survivre. Sang-fort, qu’elle était belle – même échevelée. Ses mèches dorées, sa peau dorée tranchaient avec le vert pâle de ses yeux. Si elle n’avait pas affiché une aussi terrible détermination, Bane aurait pu tomber amoureux à cet instant. Amoureux d’une Aers. L’imbécile. Doublement imbécile, car l’heure n’était pas aux rêveries d’Attraction, à présent seul comptait de sauver sa peau !

— Je… Je… ne…

Droit, redresse-toi. Le pylône affronte le Vent sans faillir !

— Je ne vous… Je ne vous suivrai pas !

 Tous le dévisagèrent. Kael esquissa le sourire de celle qui avait tout prévu, avant qu’il ne s’efface à son tour, emporté par les sifflements et les cris des templiers nerveux.

— Bane, tu es fou ? s’emporta Ister, en lui saisissant les épaules. Je peux t’aider, avec ton pied. On peut te porter. Il est Temps de cesser d’avoir peur. Et se lancer !

 Justement, c’est bien ce qu’il faisait : cesser d’avoir peur. Il voyait enfin clair et devait le faire entendre à Ister.

— Mon ami, tu te laisses séduire par ce qui cause notre perte depuis des jours…

 Ister en resta abasourdi. À présent, c’est lui qui ne reconnaissait plus son ami d’enfance. Ils venaient d’être projetés à des milliers de portées l’un de l’autre. Le remous de la réponse de Bane ne tarda pas à l’asperger, d’autant plus qu’il venait de parler fort.

— Mais qu’est-ce que… ? cracha quelqu’un.

— Qu’est-ce qu’il bave, ce creusé d’air ? compléta une autre.

— Du calme… fit Kael.

 L’air se gonflait d’humidité. La tempête s’approchait, les éclairs aussi. Ils n’étaient rien, là-dedans. Leur conflit n’avait aucune importance dans ce monde.

— … Laissez-le donc à son fanatisme, trancha-t-elle, classant une bonne fois pour toutes Bane dans la case : futilités. Faites plutôt passer le message — mais discrètement ! Plus on sera nombreux, plus on aura nos chances. Ah, oui ! Et toi, le fanatique ! jeta-t-elle encore, presque comme un auxdieux. T’as pas intérêt à nous balancer ! Je peux te tuer en un seul souffle.

 Bane sera les dents. Se tenir droit, rester ancré, malgré son cœur qui sautait des battements. Ne rien montrer. Plutôt la fixer, stable comme la Cité. Et offrir un sourire à ses yeux pâles.

 Finalement, elle n’était pas si belle.

— Bane, je t’en prie, l’implora Ister tandis qu’alentour les autres faisaient déjà passer le mot. Elle a raison, nous n’avons aucune chance, aucun allié ici. Il faut profiter de la tempête pour s’enfuir !

Tous, des imbéciles. Comme Aris, Ister avait toujours été impulsif. Visiblement cette caractéristique était partagée par beaucoup de monde.

— Va donc risquer ta vie ! lui rétorqua-t-il. Après tout, tu as déjà failli mourir plein de fois, alors pourquoi pas une fois de plus ? Ce sera peut-être la bonne.

— Arrête ! On aura plus de chances entre ces taudis ! Ne sois pas borné. Ces plateformes vont virer sur la tempête ! Tu vas tomber. Allez, viens !

 Était-ce des gouttelettes qui s’accumulaient sur ses joues ?

— Je tente ma chance parmi les miens, s’emporta Bane — et tant pis si on l’entendait, de toute façon plus personne ne les surveillait vraiment. Regarde-les. Tu vois ? Ils ont des sceaux, ce sont des citoyens, comme nous. Si tu es assez bête pour suivre cette allumée, plaise aux dieux ! Moi, je ne bougerai pas !

 Ister ne le croyait pas, ça se voyait. Pourtant, c’était à lui qu’Ironie ouvrait grand ses bras ambigus. Il ne voulait tout simplement rien voir. Il ne réfléchissait jamais, comme d’habitude. Alors, Bane tenta le tout pour le tout.

— Toi, mon ami. Toi, reste avec moi. Ironie se trouve là-bas. Là où l’instabilité fabrique les tempêtes. Restons immobiles, le Vent nous épargnera, car il épargne les justes. Je suis sûr que les templiers ont leurs raisons. Tout ça, c’est à cause de l’homme-inversé, j’en suis sûr. Il a voulu déstabiliser notre terraume en frappant un réalien, ça a forcément un lien avec notre exil et les sans-castes. Tout doit être lié. Reste ici, mon ami. Ne marchons pas dans ce monde qui va être emporté… Lavé de ses péchés…

 Ister. Son regard vacillait entre Terre et Ciel. La pluie ascensionnelle naissante se confondait avec ses larmes. Sa bouche tremblait. Autour, les transpassants s’agitaient presque au ralenti, les templiers aussi. La tempête rampait, sombre et violente. Elle savait ce qu’il se tramait ici et s’apprêtait à frapper. Ister allait forcément comprendre : seuls les stables tiendraient face à sa rage. Tels des pylônes !

— Tels des pylônes, Ister !

 À ses mots, son expression bascula.

— Tu es fou…

 Et il partit, le laissant là. Ister. L’agitation l’emporta. Des renforts templiers arrivèrent pour donner des consignes par-dessus le Vent, puis un nouveau groupe en donna d’autres. Ister. Il disparait, où va-t-il ? Les forces sur les plateformes gonflaient à vue d’œil. Ils préparaient une évacuation. Où es-tu ? Elles n’étaient pas organisées, leurs ordres se contredisaient, remués par le Vent et l’Ironie. Ister ?

— Ister !

 Dans la tempête humaine, un visage se tourna. Son ami, entre Kael et les autres. Il le fixait intensément. Durant quelques instants, Vent n’exista plus, eux seuls comptaient.

— Is...

 Un templier passa en courant. L’instant d’après Ister avait disparu.

— Attention ! crièrent soudain plusieurs personnes. Ils…

 Un drôle de gargouillement se glissa dans le hurlement du Vent.

 Plus de cris. Bane se redressa. Qu’est-ce que c’était ? Le bruit qu’il venait d’entendre était si incongru, si bizarre. Un couinement, non, un chuintement, presque liquide. Un son qui n’avait rien à faire là. Une grosse bourrasque le frappa de plein fouet, projetant de la pluie sur son visage. Il dut se frotter les yeux pour mieux distinguer le templier qui venait d’émettre ce son. Étrange, ses yeux étaient révulsés et tout son corps tremblait. Un filet rougeâtre barrait sa gorge.

 Dans son dos se tenait une ombre qui regardait Bane. La lame de corne qu’elle tenait refléta l’éclair. Second mouvement, rapide, pas loin. Une nouvelle ombre se dressa hors de la foule et fondit en un clignement d’œil sur un autre templier. À son geste, rapide et efficace, succéda le même son atroce. Une gerbe rouge jaillit alors de son cou et aspergea tous ceux qui s’étaient retournés. Ils grimacèrent. Comme Bane, ils venaient de comprendre. L’horreur n’allait jamais s’arrêter. La stabilité ne reviendrait jamais !

 Un premier cri fut succédé par un deuxième, puis un troisième, pour former un unisson avec les hurlements du Vent. Bane ne savait plus où donner de la tête. Tout le monde courait n’importe comment sans savoir où fuir sans basculer au Ciel ou risquer de se faire tuer par un templier, ou ces autres

— Allez-y ! Profitez-en, filez !

 La voix de Kael avait dû grimper dans les aigus pour qu’on puisse l’entendre.

 Mais personne ne l’avait attendue pour s’enfuir. La panique décidait. Tous se bousculaient, dispersés, dans le désordre le plus total. Les templiers se faisaient mettre à mort, un à un, par les ombres furtives. La Tempête arrosait le tout de sa rage, jouissant du mal auquel elle participait.

 Bane resta figé. Pas parce qu’il résistait, comme il aurait voulu, mais parce que son corps lui échappait, encore. Paralysé, son carna, son enveloppe, ne répondait plus. Figé, Il ne pouvait qu’entendre et voir. Le déséquilibre et la mort. Les gardes, massacrés ; les transpassants tombant au Vide, terrifiés par les lances, les lames, les ombres, le Vent ; les ombres, elles-mêmes, reculant devant les renforts templiers. Le Vent mangeait tout.

 Et lui, si médiocre et impuissant au centre de tout. Un moins qu’Artes, incapable de comprendre, incapable de lutter, incapable même de fuir. Son grand-père, il allait le rejoindre. Même lui le mépriserait. Lui et ses mains malades… Personne ne l’aimait.

 Il frotta l’eau qui coulait sur son visage. Une eau rouge. Ce n’était pas de l’eau…

 Perçant cette foule chaotique — ou tous semblaient s’échanger leurs visages : templiers et assassins, ombres et transpassants, incarnés et sans-castes ! — un homme élancé s’avançait, flanqué par des ombres vives. Le sang sur les yeux de Bane ne pouvait lui masquer l’identité de celui perçait la débandade comme si de rien n’était. Ulri.

 Il avançait, splendide, indifférent au carnage ; hautain, comme d’habitude. Là d’où je viens, se rappela Bane. Le sans-caste le pointa du doigt et les ombres s’élancèrent vers lui.

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