Solitaire

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Sa femme l’avait quitté il y a longtemps. De toute façon, pour ce qu’ils partageaient… Son fils avait suivi. Il était parti pour ses études en Australie, pour ne pas revenir. Le décalage horaire excusait l’absence de relation, la distance celle des visites. Son unique compagnon restait son chien, Alfred. Au moins, quand il rentrait, un être vivant était heureux de le voir. Il l’avait maintenu en vie le plus possible, pour une fortune. Il était aussi parti.

Ses patients se faisaient rares. Seuls les plus vieux venaient encore, incapables de changer. Un jour, il supprima son téléphone, décrocha sa plaque, rendit les clés au propriétaire. Cela ne valait plus le coup.

Déjà auparavant, ennuyé par la télévision, la lecture, il occupait ses soirées et ses loisirs avec des réussites. Il s’était procuré un livre, pour, finalement ne faire que la même, chaque soir, chaque jour. Personne ne s’enquérait de lui, pourtant, il avait acheté un smartphone. Il ne savait qu’en faire et, par hasard, il avait trouvé les jeux de cartes. Le choix était restreint, avec toujours les mêmes jeux dans des graphies différentes. Il avait donc installé un solitaire. Le nom lui avait plu…

À force de ne plus faire que cela, il finit par se persuader d’avoir découvert la martingale lui permettant de gagner chaque partie. Ce à quoi il parvenait facilement. Péniblement, il chercha sur son smartphone des solutions ou des publications sur le sujet. Ne trouvant rien, il se convainquit d’être le plus original des joueurs.

Il avait son habitude au bar-restaurant du coin. Il descendait le matin pour boire son café, le midi et le soir pour manger. Il y disposait d’un compte, réglé automatiquement. Les autres piliers du bistroquet le fuyaient, lassé de sa monomanie sans intérêt. Il buvait seul, il mangeait seul.

Avec l’âge, il ne se rendait plus compte de son délabrement, de l’odeur de vieux et de pisse qu’il trimbalait avec lui, écartant encore les inconnus qu’il abordait.

Un jour, il ne vint plus. Le cafetier, ne connaissant rien de lui, arrêta de réserver sa table. Il était propriétaire, il ne recevait jamais de courrier. On le découvrit qu’un an plus tard, sans bien savoir quand il avait fait sa dernière partie de solitaire.

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