Maladresse ?

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La réunion était prévue pour le lendemain. À son habitude, la veille, H. avait fait le ménage dans les répertoires. Quand il revint de réunion, il vit M. complètement paniqué : il devait faire la présentation au boss, et elle avait disparu !

H. lui indiqua le chemin, mais le stress de M. ne tombait pas. Cela avait peut-être été une mauvaise idée…

Quand le grand chef avait demandé à H. d'assurer cette réunion, il avait refusé, expliquant que le service tournait uniquement grâce à M., qu’il fallait que ce soit lui qui se mette en avant. Surtout, H. n'avait pas envie de se battre. Cela ne l'intéressait pas. Il avait sa vie hors du boulot et il savait qu'à son âge, avec son diplôme, il retrouverait facilement du travail.

De plus, les autres collègues du service étaient des personnes de peu d'intérêt, sans envergure, centrées sur leurs petites vies. Même M. !

Quand H. était arrivé, leur chef, cette feignasse en longue maladie maintenant, l'avait confié à M. H. avait tiqué, car les origines de M. étaient visibles et il n'aimait pas ces gens-là. Il fut étonné par la gentillesse de M., son implication dans cet accueil et ce mentorat. M. lui avait même évité quelques bourdes qui auraient eu des conséquences fâcheuses. Il était tellement ignare alors. M. l'avait aussi obligé à se défaire de son dilettantisme, parvenant à l'associer à des projets d'amélioration du service.

Obligés de déjeuner avec lui, H. avait découvert cet homme, son histoire et sa vie. Issu d'un père éboueur, d'une mère femme de ménage, dans une fratrie imposante, il avait été poussé dans les études par ses parents. Poussé est un mot faible ! Sans admettre l’importance de sa fine intelligence, il avait réussi.

L'obligation d'assurer des responsabilités torturait cet homme qui s’estimait toujours mal placé, incapable de s’apprécier à sa juste valeur.

M. était père de quatre enfants, dont l’ainé était polyhandicapé. Il parlait de ses enfants avec une telle tendresse et une telle fierté que H. fut presque amené à réviser sa répulsion. Il avait décidé une fois pour toutes de ne jamais avoir d'enfant. Il avait trop souffert et ne voulait pas infliger ce malheur à quiconque. De plus, offrir à un enfant ce monde de merde promis à un avenir terrible serait une cruelle aberration. Enfin, cela lui évitait d'avoir à gérer une vie quotidienne avec une autre. Des moments de folie et d'extase, de l'estime et de l'amitié n’entamaient pas son indépendance et sa liberté.

M. était une exception, permettant à H. de reléguer les autres de son engeance dans la racaille. Il s'était pris d’affection pour ce cinquantenaire.

Le cabinet chargé de la restructuration, après la fusion, voulait connaître le service. Tout le monde savait que le résultat serait une charrette.

Depuis l'absence de leur chef, c'est M. qui assurait tout, avec sa perfection maladive, sa douceur et son effacement. Timide, il suggérait puis laissait un autre récolté les fruits de la réussite. Invisible, il avait transformé l'ambiance et l'efficacité.

M. était terrorisé devant ces jeunes loups insensibles, pensant utiliser leur raison pure. Le stress de la veille n'avait pas arrangé son état. Avec H., ils avaient préparé un bilan flatteur, en dessous de la réalité.

M. fut tellement lamentable que H. le secourut, profitant de ce rôle pour souligner les qualités et responsabilités de M. dans cette réussite.

M. fit partie de la charrette, avec pratiquement tout le service. H. prit la responsabilité du nouveau service. Trop occupé et amusé par ses nouvelles responsabilités, il oublia d'où il venait.

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