Le petit elfe et le magicien

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C'est un vieux pèlerin qui m'a raconté cette histoire. Je ne sais pas si elle est vraie, mais je l'ai trouvé belle, pleine d'espoir.

***

Un vieux pèlerin avançait sur le chemin. Il savait que, quand il s'arrêterait, le chemin s'effacerait. Pour l'instant, la curiosité et l'envie lui suffisaient. Quand il regardait derrière lui, il voyait que cela avait été un chemin facile. Il n'avait rien de particulier, mais il ne portait pas de malheurs, ce qui était un bienfait.

L’air était doux. Le marcheur fredonnait. Entre deux respirations, il entendit un chant lointain, doux, harmonieux, empreint d'une douleur ou d'une tristesse. Intrigué par sa mélodie, il s'approcha. Il percevait maintenant des cris d'enfant, des pleurs et des rires dans ce chant. Quelle étrangeté !

Il découvrit alors un petit elfe. Il n'en avait jamais vu et il ne savait même pas que c’en était un. Le vieillard remarqua alors qu'il émettait une faible lumière, mais qu'il ne bougeait pas. Sa délicatesse le toucha et il aurait voulu le protéger, tellement il lui apparaissait fragile. Sa beauté, sa richesse étaient incroyables. Pourtant, on sentait les vibrations d’une souffrance.

Il tendit une main. Le petit être s’effraya. L'homme se recula. Le regard de l'enfant se posa sur l'adulte. Comment pouvait-on exprimer tant d’accueil, d'innocence, de générosité ? Il décida de rester, de voir comment le soulager. De quoi, il l’ignorait, mais il sentait qu'il avait besoin de lui.

Il s'assit. Ses yeux s'habituèrent. Il distinguait maintenant un second elfe qui virevoltait auprès du premier. Il était difficile de le discerner, tellement ils semblaient liés et dépendants.

Le spectacle était beau, le chant envoûtant. Que faisait-il ici, dans cet univers qu’il ne connaissait pas, avec ces êtres particuliers qu’il craignait de heurter ?

Il voyait maintenant une chaine sous le petit elfe. Elle était à moitié brisée et de profondes cicatrices marquaient son corps. Il chantait cette blessure, cette perte. Les larmes lui montèrent. Comment console-t-on un être surnaturel, intouchable ?

Ils s'habituèrent l'un à l'autre. Ils parvinrent à échanger, car le petit parlait la langue du grand. Il était ému qu'un petit elfe lui porta de l'intérêt, vieux pèlerin dans sa pauvre houppelande. Sa gentillesse était si fraîche, si belle.

Soudain, il ne comprit plus. Le second petit elfe s'agitait, alors que le premier se débattait avec force. Que se passait-il ? Il semblait terrorisé. Il se blessa. Mon Dieu, avait-il brisé une de ses ailes ?

Un autre pèlerin s’était approché. Ils essayaient de comprendre, de voir comment calmer ces petits elfes. Tout à coup, un énorme bruit de chaine les assourdit. Ils se rendirent compte qu'un lien maléfique avait retenu l'elfe. Avant de tomber, ces liens puissants étaient invisibles. Notre petit elfe les sentait. Avec un énorme courage, il avait réussi à les rompre. Il était épuisé, ruisselant de sueur et de sang. Quel combat il venait de mener ! Comment ce petit être minuscule avait-il réussi à se défaire de cette chaine monstrueuse ? Quelle bravoure !

Malgré l'impossibilité de le toucher, car il ne faut pas toucher les elfes, ils le réconfortèrent. Le petit corps était profondément marqué, il gardera sans doute très longtemps des traces, mais il s'était libéré. Son chant reprit, toujours magique, plus beau, plus fort.

Ils espérèrent le voir voler, mais il ne bougeait toujours pas. Impossible de savoir s’il était trop blessé, s'il ne savait pas encore voler, si d'autres maléfices le retenaient encore. Aucune plainte, aucun regret ne se percevait. Son courage était étonnant. Pourtant, comment savoir ce qui le faisait encore souffrir ?

Avec étonnement et plaisir, le vieillard vit que le deuxième pèlerin était un peu magicien, car il arriva à s'approcher du petit être. Ils murmuraient. À nouveau, dans des cris épouvantables, une autre chaine s'écroula. Mais le petit lutin ailé ne bougeait plus. Quel désespoir ! Quel silence affreux ! On l'entendit pleurer faiblement.

Le magicien était à terre, épuisé. Quelles forces du mal avait-il dû affronter et combattre pour être dans cet état ! Il s’ébroua, exténué, heureux du résultat.

Le petit elfe se redressa aussi, apeuré. Il ne comprenait pas pourquoi il avait été attaché par ces chaines. Si on les lui avait mises, on allait les remettre ! Sans doute était-il coupable d'un grave délit, ou était-il dangereux ? Comment savoir, comment comprendre cette abomination ? Personne ne lui avait jamais causé des sorciers ! Il ignorait tous de leurs malfaisances gratuites. Il avait peur, tellement peur !

Quand la chaine était tombée, elle lui avait fait mal. Elle avait emporté une partie de sa vie et de son esprit. Il s'était habitué à ce poids, à ce frein. Le petit elfe se sentait si désarmé. Il avait peur de cet état qu'il ne connaissait pas. Il voulait retrouver la paix, le calme, redevenir un petit lutin qui ne pense qu'à jouer avec son compagnon.

Le magicien et le pèlerin lui racontèrent alors le monde. C'était tellement différent de ce qu'il croyait. Il y avait des méchants ! Le petit elfe, qui n’était que gentillesse, ne pouvait pas comprendre ces individus qui dispensent le mal, parfois avec plaisir.

Il découvrit alors l'horrible piège dont il avait été la victime, comment les sorciers attiraient les petits elfes en leur promettant aides et gentillesses. Quel miel tentant quand on est perdu dans un monde qu'on ne pénètre pas ! On a tellement besoin de douceur ! Alors les petits elfes perdus arrivent avec toute leur confiance. Quelle horreur, quelle tromperie, quelle méchanceté !

Le petit elfe avait été abusé, trahi. Plus rien n'avait de valeur, plus rien n'avait de sens, plus rien ne pouvait le protéger. Il était tout seul, prisonnier dans sa tête.

Les deux pèlerins pleurèrent avec le petit ange. Les sorciers avaient détruit son monde merveilleux, facile et gentil. Pour vivre avec les autres, il faut se protéger. Il faut se battre, se défendre contre certains. Il faut être méchant pour ne pas être détruit.

Le petit elfe ne voulait pas de ce monde. Il ne voulait pas être comme tous les autres, comme tout le monde.

Puis il comprit que dans ce monde difficile, il se trouvait aussi de gens merveilleux. En se défiant des périls, on pouvait donner son amour, avoir des oasis de bienveillance et de gentillesse.

Il allait mettre longtemps à comprendre et à apprendre.

***


Le vieux pèlerin me quitte en me disant que, depuis, il voit souvent le petit elfe voleter pour venir le voir, comme il rend visite au magicien.

C'est un petit elfe très occupé, mais quand il passe, il laisse toujours un rayon de soleil dans le cœur. C'est sa magie à lui.

Les chaines sont oubliées depuis longtemps. De temps en temps, paraît-il, on voit la luciole caresser ses cicatrices. Il sourit maintenant, car elles lui ont donnent la force de distribuer le bonheur.

Moi, j'espère rencontrer ce petit être merveilleux, un jour…

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