Chapitre 91

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KALOR


  En dépit des tintements insupportables des alarmes, une explosion de verre et une nuée de cris nous parvinrent lorsque nous atteignîmes le couloir donnant sur la salle de réception. Ils provenaient tout droit de la pièce.

  Mon corps hurlait de fatigue. Le déclenchement de l'alerte m'avait déjà poussé à puiser au-delà de mes forces et je ne pensais pouvoir aller plus vite. Pourtant, en entendant ce hurlement collectif, un brusque relent d'énergie me traversa et j'allongeai mes foulées. En deux secondes, je traversais le couloir et atteignait la porte déjà ouverte.

  Je m'arrêtai net.

  Le nez levé en l'air, toute la salle dévisageait le garçon filiforme et au visage à moitié ravagé qui flottaient devant une fenêtre brisée, suspendu dans les airs à trois bons mètres du sol et entouré d'innombrables morceaux de verres chatoyants.

  Alaric.

  Mais qu'est-ce que...

  Il écarta les bras et son pouvoir s'abattit dans toute sa puissance. Non loin de moi, convives, soldats ou encore domestiques se retrouvèrent poussés de tous les côtés. Ils formèrent un large cercle autour d'un homme, tandis tandis que mon ami relevait vivement une main et qu’une autre personne s'élevait de la foule dans un hurlement d'orfraie. J'eus à peine le temps de me rendre compte que l'homme isolé était Nicholas et la personne arraché de la foule Mathilda qu'Alaric projeta une pluie de verre sur mon beau-frère. Horrifié, incapable de faire quoi que ce soit pour arrêter les tessons, je les vis traverser son corps de toutes parts. Le sang gicla de partout ; les bris de verre explosèrent ou s'enfoncèrent sur le parquet ; Nicholas s'effondra, mort sur le coup ; des hurlements de terreurs surplombèrent le bruit de l'alarme.

  –Les arbalètes ! tonna un soldat. Déployez vos arbalètes !

  –Non, attendez ! Il a la Princesse et son fils !

  –Mathilda ! hurla Thor, quelque part.

  –C'était un Métamorphe, pas votre beau-frère ! s'exclama Magdalena, par-dessus ce tumulte.

  Je manquai de m'effondrer de soulagement et me détournai du partisan mort pour lever la tête vers Alaric. Son regard happa le mien. Aux quatre coins de la pièce, les gardes munis d'arbalète dépliable finissaient de les armer et les pointaient dans sa direction, mais l'éclat déterminé qui brûlaient dans les yeux de mon ami ne faiblit pas. Ne leur accordant même pas un coup d'œil, il envoya Mathilda droit vers moi. De nouvelles exclamations s'élevèrent de la foule, mais pas de Mathilda. Je levai les bras juste à temps pour la réceptionner maladroitement, déséquilibré par son élan.

  –Maintenant ! cria aussitôt un soldat. Abattez-moi cette erreur !

  Les carreaux fusèrent alors que je serrais une Mathilda tétanisée et un Baldr hurlant contre moi et que les gardes arrivés avec moi se déployaient autour de nous. Même si je connaissais les capacités de mon ami, mes poumons se bloquèrent.

  Un infime geste agita les doigts de Ric. Les traits, trop vifs pour être visibles, réapparurent aussitôt, figés à quelques centimètres de lui. La salle entière retint son souffle. Puis un véritable mouvement de panique s'ensuivit lorsqu'il tourna les carreaux vers la foule.

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