Chapitre 75 - Partie 2

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  Mon cœur repartit si violemment qu'il faillit jaillir de mon corsage. Sans plus tarder, je plaquai une expression avenante sur mes lèvres.

  –Oui ?

  –Je suis sincèrement navré de vous déranger en pareil moment, Altesse, mais Monsieur Sihteeriski m'a demandé de venir vous voir. Il est confronté à un problème qui aurait urgemment besoin de vous.

  Pour la forme, je fronçai les sourcils.

  –Maintenant ?

  –Est-ce vraiment si urgent ? s'enquit Nicholas avec dureté. Nous sommes en plein milieu du baptême de notre neveu et futur héritier au trône. Et au cas où Monsieur Sihteeriski l'aurait oublié, la Princesse Lunixa est sa marraine.

  Le partisan pinça ses lèvres.

  –Je le crains, Altesse. Mais cela ne devrait pas être long, ajouta-t-il en vitesse. Quelques minutes, tout au plus.

  Je poussai un soupir tendu loin d'être complètement feint. Les mains moites, je baissai les yeux vers Baldr, puis me tournai vers Nicholas. À la lisière de mon champ de vision, je pouvais également apercevoir Thor et Mathilda, qui jetaient régulièrement des coups d'œil à leur fils prodige, ainsi que Valkyria, qui venait brusquement d'en lancer un vers moi.

  Une puissante vague de détermination se déversa dans mes veines.

  Kalor n'était pas la seule personne qui avait bouleversé le funeste destin que je m'étais figuré le lendemain de mon arrivée, lorsque je m'étais réveillé dans ce lit, à ses côtés et complètement nue, lorsque j'avais compris qu'il était déjà trop tard et que l'anneau à mon doigt n'était pas une bague de fiançailles, mais une alliance. Avec lui était venu sa fratrie et leurs conjoints respectifs ; une famille que je n'avais nullement désirée, mais que j'avais appris à aimer et finis par considérer également comme mienne.

  Il n'était pas question que je laisse la Cause me l'arracher. J'avais déjà bien trop perdu.

  Cette résolution raviva de plus belle la détermination que la soudaine arrivée du valet avait émoussé. Mon pouls se mit à battre plus fort, mais son rythme s'apaisa. La moiteur de mes paumes disparut. Portée par cet afflux d'énergie, je me tournai vers Kalor et nos regards plongèrent l'un dans l'autre, plus expressifs que n'importe quel mot.

  Oui, il n'était pas question que je le perde ou qu'il me perde. Quoi qu'il arrive, nous allions ressortir victorieux de cette journée. Nous le devions.

  –Princesse Lunixa ?

  Fermant les paupières, je m’accordai une dernière seconde de répit avant de me reconcentrer sur mes interlocuteurs. Des gouttes de sueurs nerveuse perlait sur les tempes du partisan, tandis que Nicholas attendait silencieusement que je prenne ma décision. Au même instant, Baldr frouilla derechef contre ma poitrine. Une nouvelle mèche glissa sur son visage.

  –Ne t'inquiète pas, petit cœur, murmurai-je en illiosimerien, si bas qu'aucun des deux hommes ne m'entendis, et en écartant ses cheveux. Je vais les arrêter. Ils ne te feront aucun mal.

  J'embrassai son front, puis le confiai à Nicholas. Après un dernier regard pour mon beau-frère et notre neveu, je pivotai sur mes talons pour faire face à Detlef.

  –Finissons-en au plus vite.

  –Bien sûr. Je vous en prie, Princesse, suivez-moi.

  Tout en accompagnant ses mots d'un geste de la main, il prit la direction de la porte Ouest. Je lui emboîtai le pas sans hésitation. Que le Marionnettiste se présente ; j’étais prête à le mettre hors d’état de nuire.

  À l'approche de la sortie, je ne pus toutefois m'empêcher de couler un dernier regard vers Kalor.

  Alors que je pensais tomber à nouveau dans ces magnifiques yeux à l'éclat intense, ces deux lacs d'argent en fusion qui m'avait captivé dès le début, ce ne fut pas le cas. Kalor répondait à la salutation d'un convive et engageait la conversation sans lorgner dans ma direction. Le seul coup d'œil que je le vis jeter fut vers Nicholas, qui rejoignait Mathilda et Thor.

  C’est mieux ainsi ... S'il me fixait avec l'air de vouloir traverser la salle en courant pour me retenir, le Marquis Piemysond finirait de se douter de quelque chose...

  Me répétant cette phrase pour m'en convaincre et étouffer le pincement au cœur que je ressentais, je commençais à me détourner de lui lorsque Kalor se figea, puis se tourna dans ma direction. Ses prunelles balayèrent la zone où je me trouvais, croisèrent les miennes, puis me dépassèrent comme s'il ne m'avait pas vue.

  Par la Déesse, que... ne m'avait-il vraiment pas vue ?

  Mon pas commença à ralentir à cette perspective, mais je me repris vivement en main et retrouvai aussitôt mon rythme de marche. Une seule race pouvait dissimuler la présence d’une personne. Alors si quelqu'un m'avait bien rendu invisible aux yeux de Kalor, l'une de nos théories venait de se confirmer : au moins un Illusionnistes était présent aujourd'hui. De plus, même si Kalor ne me percevait plus, je n'étais pas seule. Magdalena, elle, pouvait toujours me voir à travers mes propres yeux. Elle devait déjà l'avoir prévenu de la situation.

  Et au moindre problème, elle pourrait toujours l'avertir et lui indiquer avec précision mon emplacement.

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