Chapitre 72 - Partie 2

7 minutes de lecture

  L'arrivée d'un carrosse royal ne passa inaperçu à l'entrée de la ville. Des pétales de fleurs plurent à nos fenêtres et nos titres, lancés par les habitants, ne tardèrent pas à nous devancer sur le chemin du temple. Le baptême n'avait pas encore eu lieux que les festivités battaient déjà de leurs plein dans les rues. Doyens, parents, adolescent, enfants... Toutes les tranches d’âge étaient sorties et avaient envahi les rues pour célébrer la venue du futur héritier de la couronne. Les fleuristes distribuaient des fleurs blanches et roses à leurs concitoyens, les musiciens animaient les rues de morceaux joyeux et entraînant sur lesquels dansaient des Lumipunkiens. Le vent agitait les banderoles souhaitant une longue vie à Baldr, à ses parents ou remerciant la déesse pour la naissance de ce descendant miraculeux. Malgré la tension ambiante qui régnait dans l'habitacle et qui s'accentuait à l'approche de l'édifice religieux, Kalor et moi ne restâmes pas insensible à cette profusion de joie appuyée par un magnifique temps ensoleillé. Un sourire sincère aux lèvres, nous saluâmes nos sujets.

  Une foule plus nombreuse encore nous accueillit sur le parvis du temple. Une bouffée de nostalgie me gagna à la vue de ce dernier. Cela faisait à présent sept mois que j'avais gravis ses marches, puis traversé son allée afin de rejoindre Kalor à l'autel. Sept mois que nous avions renouvelé nos vœux et leurs avions donné un véritable sens. Sept mois qu'il m'avait embrassé avec fougue devant nos invités puis les habitants à l'extérieur. Sept moi que je lui avais rendu son baiser avec tout autant de passion, démontrant à tous ceux qui avaient été témoins de ce baiser la profondeur de nos sentiments...

  J'avais l'impression que cela remontait à seulement la veille.

  Une fois encore, Kalor se glissa entre moi et le valet et m'aida à descendre pour éviter que ce dernier ne me touche. Après que nous nous fûmes attardés encore un temps au pied des marches, afin de poursuivre nos salutations aux habitants, il m'offrit son bras et nous nous engageâmes sur l'escalier, permettant aux invités qui arrivaient de pouvoir accéder à leur tour au parvis. Nos titres nous parvinrent encore jusqu'à ce que nous atteignions la petite cour intérieure.

  Alors que cet endroit m'avait apporté un brin de sérénité le jour de nos renouvellements de vœux, l'appréhension resserra le nœud dans mon estomac à la vue des grandes portes. Une fois que nous les aurions franchis, je ne pourrais éviter le contact de certaines personnes. Magdalena devait arriver sous peu pour se mêler à la foule et surveiller du mieux qu'elle le pourrait la cérémonie, mais cela ne serait pas simple. Elle ne serait pas présente à l'intérieur et être entouré de tant de monde lui était difficile. Si le Marionnettiste décidait de me posséder grâce à l'une des personnes que je ne pouvais éviter et qu'elle ne l'avait pas vu venir, ma résistance serait le seul rempart entre ce Lathos et mon esprit.

  Entre ce meurtrier et Baldr.

  Sans m'en rendre compte, je portai une main au pendentif de Freyja tandis que la température de Kalor se renforçait. Arrivés devant les battants ouverts, nous nous lançâmes un dernier coup d'œil, puis, d'un commun accord muet, nous franchîmes le seuil du temple.

  Un prêtre attendait notre arrivée et nous conduisit à l'oratoire royal afin que nous puissions priés la Déesse en paix avant le début de la cérémonie. Je ne m'adressai qu'en de très rares occasions à Dame Nature et ce fut le cas de celle-ci. Déjà à genou devant un autel taillé dans du bois brute et orné d'or, je rapprochai ma tête du sol autant que mon corset me le permettait.

  Je vous en conjure, mère de toutes choses et de toutes vies, protégez cet enfant, ce miracle à qui vous avez permis de voir le jour, ce descendant de l'homme que vous avez jugé digne de diriger ce royaume. Et par pitié, mettez un terme aux persécutions à l'origine de la haine dont il est victime. Il y a eu assez de morts.

  À la fin de ce temps de recueillement, une prêtresse vint nous trouver et nous conduisit à la sacristie, où le reste de la famille se trouvait déjà. Tout autres parents auraient revêtu une toilette similaire à celle de Kalor et moi, mais en tant que futurs souverains de Talviyyör, Thor et Mathilda rayonnaient de bonheur dans des tenues pourpres, symbole de royauté. Cette couleur royale se retrouvait aussi sur la robe de baptême de Baldr, autrement tout de rose et blanc vêtu. Le roi et la reine portait également de vêtements de cette couleur, tandis qu'une toilette accordée dans les tons bleu habillait Valkyria et Nicholas.

  Dès que le regard des jeunes parents se posa sur nous, les étincelles dans leurs yeux se décuplèrent. Incommodée par la présence de la reine à leurs côtés, je leur rendis du mieux possible leur sourire et sentis la peau de Kalor s'échauffer en dépit de sa veste. Je percevais aussi la tension que cherchait à dissimuler Valkyria sous sa tendresse apparente. L'éclat joyeux qui illuminait le visage de leur mère n'avait rien de factice, seulement, nous savions tous les trois pour quelle raison elle souriait vraiment. Même si elle n'était pas au courant des plans de la Cause, elle se réjouissait à l’avance de ce qui allait se passer et cela rendait son expression absolument sinistre.

  Des religieux ne tardèrent pas à nous rejoindre dans la pièce, les bras chargés de coussins sur lesquels reposaient des fleurs bénies. Des roses allant du fuchsia au blanc le plus pur, rassemblées en boutonnières pour les hommes et en bracelets pour les femmes. Avec des gestes empreints d'une grande révérence, une prêtresse s'empara d'un bijou floral et s'approcha de moi. Sachant qu'elle allait me toucher à même la peau pour nouer le ruban de soie à mon poignet, je ne pus m'empêcher de me crisper lorsqu'elle s'inclina. Cependant, je parvins à lui présenter ma main sans que des tremblements ne trahissent mon trouble.

  Dame Nature, merci, il ne se passa rien et mon pouls ralentit dès qu'elle s'éloigna, le buste incliné. Les servants de Dame Nature nous invitèrent ensuite à quitter la sacristie afin de rejoindre les religieux qui allait servir la cérémonie. Peu de temps après que nous nous fûmes placés au milieu d'eux, les cors claironnèrent.

  Le cortège se mit en marche dès que l'annonce tonitruante laissa place au morceau d'ouverture de la cérémonie. Une première moitié de religieux et d'enfants de chœur se trouvait en tête de la procession, suivi de Mathilda, Thor et leur fils prodigue. Les longues capes de mon beau-frère et de ma belle-sœur bruissaient sur le tapis sous nos pieds et frôlaient presque l'ourlet de ma robe. Derrière Kalor et moi, le Roi et la reine, puis Valkyria et Nicholas nous emboîtaient le pas. Des petites filles d'honneur entouraient les membres de la famille pour jeter de fleurs dans notre sillage et enfin, la seconde moitié de prêtres et de prêtresses refermaient la marche.

  De part et d'autre de l'allée centrale, l’assemblée, vêtue de tenues aux tons clairs pour rappeler la douceur des enfants, ressemblait à une mer bigarrée et calme qui se serait ouverte en deux pour laisser passer le miracle de Dame Nature. Les innombrables visages qui la composaient défilaient à mesure que nous avancions, certains familiers, d'autres totalement inconnus.

  Sans rien laisser transparaître, je tentais de trouver des personnes dont l'expression hostile ou, à l'instar de la reine, sinistrement joyeuse, aurait sous-entendu leur appartenance à la Cause, mais je ne décelais rien de tel. Je ne vis même pas la Marquise Piemysond.

  L'avais-je manquée ou avait-elle décidé de ne pas assister à la cérémonie ?

  Une bonne partie des invités semblait seulement étonné de découvrir, grâce à son costume, que Kalor allait devenir le parrain de son neveu. Par une simple tenue, il venait mettre un terme aux rumeurs qui circulaient au sujet d’une rivalité pour le trône entre lui et son frère.

  Alors que la tête du cortège commençait à se déployer le long de marche menant à l'hôtel, je sentis brusquement le bras de Kalor se tendre sous ma paume. Mon pouls accéléra aussitôt et je faillis lui demander ce qui n'allait pas, mais me retint à la dernière seconde. Nous étions le centre de l'attention ; mes messes-basses passeraient pas inaperçues.

  Prenant mon mal en patience, je continuai à sourire et à avancer, pris place le long des marches, puis m'inclinai avec l'ensemble du cortège. Lorsque nous nous redressâmes, les religieux et la jeune famille monta jusqu'à l'autel, tandis que Kalor et moi rejoignions le premier rang de l'assemblée avec le reste de la famille.

  –Qu'y a-t-il ? murmurai-je dans un souffle en illiosimerien, tout en m'installant sur mon siège.

  Les yeux rivés sur l'autel, il serra sa main autour de la mienne. Une main bien plus chaude qu'à notre arrivée.

  –Le père de mon ancienne fiancée est ici.

  Mes poumons se bloquèrent.

  En face de nous, le Grand Prêtre ouvrait la cérémonie. Alors qu'il remerciait Dame Nature d'avoir permis à Thor de concevoir un descendant et se servait de son cas pour montrer que la Déesse était toujours prête à intercéder à nos prières, à condition que nous lui soyons dévouée, je me retenais de tourner la tête pour chercher le Marquis Piemysond du regard.

  –Magdalena ? susurrai-je.

  –Je l'ai prévenue, répondit Kalor, toujours dans ma langue. Elle cherche son esprit.

  En voyant le regard de son père glisser dans notre direction, nous cessâmes de discuter. Ce silence pesant alourdit l'air entre nous. Nous étions nous fourvoyés ? Si le tortionnaire de Kalor était ici, cela signifiait-il que la Cause allait finalement intervenir durant la cérémonie ? Ou était-il simplement ici pour assister au baptême, puisqu'il en avait reçu l'invitation ?

  Pour la première fois, j'en vins à détester ma résistance. Si Kalor, Valkyria et Magdalena pouvaient discuter sans ouvrir la bouche grâce à cette dernière, j'étais prisonnière d'une bulle infranchissable qui ne me laissait aucune chance d'entendre leurs conversations psychiques.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Asa No ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0