Chapitre 68 - Partie 2

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  Val bondit de son siège.

  –Ka... !

  Sa voix mourut sur ses lèvres. Sous ses yeux, la flamme venait de se détacher du briquet et se promenait à présent sur ma main. La bouche entrouverte, ma sœur l'observa se déplacer sans me brûler, les mains figées à quelques centimètres de moi comme elle s'était pétrifiée en plein mouvement. Sa réaction renforça encore plus le rythme de mon cœur, mais je continuais à jouer avec le feu, le faisant glisser entre mes doigts, le poussant à grandir, le séparant en plusieurs flammes...

  Toujours incapable d’en détourner le regard, Val finit par se laisser retomber sur son siège.

  –Que... Quand ?

  –Mon hyperpyrexie, il y a quatre ans. C'était mon Ascension.

  –Mais... (Elle cilla plusieurs fois, puis releva enfin les yeux vers moi.) Un Gardien était venu te tester. Il t'avait touché et avait certifié que tu ne venais pas de vivre d'Ascension. Que tu étais toujours un simple Lathos. Comment cela a pu lui échapper ?

  –Car je n'avais pas encore embrasé mon élément.

  La stupeur la plus totale la frappa alors que j'éteignais le feu sur ma main.

  –Embrasé ton élément ? Tu peux le refuser ?

  –Je ne pense pas. J'ignorais ce que j'étais en train de devenir, je n'avais pas conscience de ne pas l'accepter. Mais je suis sûre que c'est pour cette raison que je ne me rétablissais pas, que je perdais de nouveau des forces. Lorsque je l'ai enfin fait... Le feu m'a aussitôt envahi et transmis cette énergie qui me faisait défaut depuis des semaines.

  –Quand est-ce arrivé ?

  –Quelques heures après le passage du Gardien.

  –Par la Déesse...

  Valkyria posa les coudes sur mon bureau et enfouit son visage au creux de ses paumes. Le soudain silence qui s'ensuivit me pesa, mais je ne fis rien pour l'interrompre, lui laissant le temps de se remettre de ses émotions et d'assimiler tout ce que je venais de lui apprendre, tout ce que cela impliquait.

  Lorsqu'elle releva la tête, la pointe de douleur qui luisait dans son regard comprima ma poitrine. C'était le même éclat qui brillait un peu plus tôt dans ces yeux, quand elle pensait que je ne l'avais pas tenu au courant car je ne lui faisais pas confiance, et que j'avais réussi à éteindre en lui racontant tout ce que je pouvais. Aussi je sus, avant même qu'elle ne la formule, quelle question la rongeait.

  –Si cela fait quatre ans que tu es devenu Élémentaliste, pourquoi ne m'en as-tu pas parlé avant aujourd'hui ?

  –Je ne voulais pas que tu ais à porter ce lourd se... Aïe !

  Incrédule, je me retournai pour dévisager ma sœur, qui venait de se téléporter derrière moi pour me frapper l'arrière du crâne.

  –Tu es peut-être plus puissant et plus grand que moi, mais je reste ton aînée, me rappela-t-elle avec sérieux. C'est à moi de me soucier de toi, pas l'inverse. Alors ne t'avises plus de garder de tels secrets pour mon bien être, d'accord ? (Un demi-sourire vint adoucir la sévérité de son ton.) T'aider à supporter tes secrets et les protéger est mon rôle de grande-sœur, petit ourson. Ne me le retire pas.

  L'utilisation de ce vieux surnom, devenu taquinerie depuis mon adolescence, relâcha la tension de mes épaules et un coin de mes lèvres se souleva à son tour.

  –D'accord.

  –Bien. (Elle disparut pour réapparaître sur le fauteuil qu'elle occupait plus tôt.) J'imagine que Lunixa et Magdalena sont pour leur part déjà au courant ? (J'opinai.) D'accord ; y a-t-il encore autre chose que je devrais savoir ?

  –Non, j'ai fait le tour de ce que je pouvais te dire... Et toi ?

  Alors qu'elle portait son verre de vodka à ses verres, elle s'arrêta et haussa un sourcil.

  –Moi ?

  –M'as-tu également caché des choses ?

  Comme le fait que tu sois aussi une Élémentaliste ?

  Même si je n'y croyais pas vraiment, Lunixa avait instauré le doute dans mon esprit depuis sa remarque chez Magdalena.

  Sans lâcher son verre, Valkyria leva les mains en signe de dénouanement.

  –Désolée de te décevoir, petit-frère, mais pas de surprise de mon côté. Tu en as bien assez accumulées pour nous deux.

  Je secouai la tête en levant les yeux aux ciels, mais la réalité de la situation chassa presque aussitôt la légèreté de sa pique. Dans le lourd silence qui s'installa dans la pièce, la bougie sur mon bureau attira l'attention de Valkyria. Sans la quitter des yeux même pour ciller, ma sœur prit une longue gorgée d'alcool.

  –Nous avons déjà contesté bien des décisions et des ordres de la Cause, mais nous ne nous sommes jamais vraiment battus contre eux, si tu mets de côté ton intervention dans la libération d'Alaric et lors de l'attaque de Lokia, puisqu'elle n'en a aucun souvenir. Ce que nous apprêtons à faire au baptême, en revanche... Tu es trop âgé pour qu'ils mettent notre rébellion sur le compte des troubles de l'adolescence. Quoi qu'il arrive, le conseil comprendra que nous n'avons plus aucun scrupule à nous attaquer aux nôtres pour protéger les humains, que nous avons quitté les rangs. Il se pourrait même qu'il comprenne que nous ne sommes plus seuls, que tu as commencé à t'entourer d'autres Lathos, afin forger ton propre camp.

  Le feu afflua sous ma peau alors qu'une vague de tension gagnait mes épaules.

  –Je ne forge pas mon propre camp.

  –Vraiment ? (Elle reposa les yeux sur moi.) Tu as un puissant Télékinésiste qui espionne pour ton compte, une Liseuse qui garde un œil sur les partisans infiltrés dans le palais, se tient prête à t'avertir de tout danger et va te fournir en havankila, une Guérisseuse qui soigne tes blessés, qu'ils soient humains ou Lathos, une sœur qui va te seconder sans hésiter, une femme – une humaine – qui va également prendre les armes pour te suivre... Et toutes ses personnes, ce ne sont que celles dont tu m'as parlé. Dame Nature seule sait avec qui tu es encore en contact et qui serait prêt à se joindre à toi pour empêcher la Cause d'arriver à ses fins. Alors dis-moi, mon frère, n'es-tu vraiment pas en train de former ton propre camp ?

  Mon inconfort se renforça tant que la flamme de la bougie s'agita.

  –À t'entendre, on dirait que je me prépare à entrer en guerre contre la Cause. Ce n'est pas mon intention. Cela ne l'a jamais été.

  –Je sais... Mais crois-tu que nous pouvons encore y échapper ?

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