Chapitre 60 - Partie 3

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  –Dame Nature, j'ai... j'ai réussi, articula-t-il avec difficulté alors que de vieux souvenirs de lui, dans un état similaire, rejaillissaient dans ma mémoire. J'y croyais... plus. Si tu savais... la semaine de merde... que j'ai passé.

  –Qui t'a fait ça, Alaric ? Ulrich ? Il t'a retrouvé ?

  Je redressai vivement la tête, m'attendant à voir entrer des membres de la Cause par la fenêtre ouverte.

  –Non... c'est pas... lui, me contredit-il.

  Son visage se crispa à la fin de sa phrase, lui arrachant un gémissement. Dame Nature, pourquoi lui posais-je des questions ? Ce n'était pas le moment !

  –Ne parle plus, je vais t'emmener à un Guérisseur.

  –Ce serait... bien. Oui. Mais d'abord écoute... Écoute-moi. C'est important. Il... Ulrich.

  Il geignit à nouveau.

  –Magdalena !

  –Je suis là, Altesse. Qu'y a... Qui est ce garçon ?

  –Un ami. Votre mari n'est pas chez vous ?

  –Non.

  –Bien. Surveillez le château en mon absence et prévenez Freyja qu'on arrive.

  Sans attendre sa réponse, je me téléportai avec Alaric.

  Lorsque je rouvris les yeux, une obscurité abyssale nous entourait. Les volets fermés ne laissaient pas passer le moindre rayon lunaire. Cette brusque absence totale de lumière prit Alaric de court, qui accusa un mouvement de recul, mais pas moi. Elle ne me dérangeait pas pour savoir que nous étions au bon endroit, ni pour me déplacer. J’avais déjà passé assez de temps ici pour me repérer dans le noir le plus total.

  Veillant à appuyer le moins possible sur les blessures d’Alaric, je le soulevai dans mes bras – Déesse, il était bien trop léger pour sa taille ! – contournai la table basse, puis l’allongeai sur le canapé. Une plainte lui échappa lorsqu’il toucha l’assise. Elle était toujours aussi faible, pourtant, dans les ténèbres qui régnait chez Magdalena, elle sembla décupler.

  –Désolé.

  –C'est rien, souffla-t-il. Où... où sommes-nous ? Il fait... si sombre.

  J’allais lui répondre « chez la Guérisseuse », mais un nouveau gémissement lui échappa. Je pivotai vivement vers l’escalier.

  –Freyja ?... Freyja ?!

  La porte du premier étage s'ouvrit brusquement sur la Guérisseuse, éclairée par une faible bougie. Elle était à peine réveillée, mais cela n'atténuait en rien son regard assassin.

  –Continue de gueuler comme ça, cingla-t-elle dans un murmure, et je te fous dehors. Tu veux réveiller, Frigg ?

  –Non. Désolé. Mais s'il te plaît, dépêche-toi.

  Elle s'engagea sur le palier de l'escalier et tendit son bougeoir par-dessus la rambarde pour éclairer le rez-de-chaussée. Je m'écartai pour que la faible lueur puisse atteindre Alaric.

  –Merde, lâcha-t-elle. Lathos ?

  –Télékinésiste, confirmai-je.

  –Bien, il risque de souffrir déjà assez comme ça, déclara-t-elle en dévalant les marches. Par contre, Kalor, sache que c'est la dernière fois que je m'occupe de tes blessés. Tu vas finir par rameuter la Cause ici ou chez moi, à ce rythme.

  –Même si cela te permet de leur mettre des bâtons dans les roues ?

  Si elle releva mon point, elle n'en montra rien et poursuivit sa descente. Je n'insistai pas, espérant que cette décision était dû au réveil en urgence. Sans elle, nous n'avions aucune chance de survivre à la Cause.

  Freyja engloutit les quatre dernières marches dans un saut, puis se dirigea à grandes enjambées vers nous. Du coin de l'œil, je vis Alaric tourner la tête vers elle.

  –Kalor... Qui est-ce ?

  Malgré ses blessures, il chercha à se presser contre le dossier, comme pour s''éloigner d'elle. À la lisière de mon champ de vision, Freyja ralentit le pas et le dévisagea, sourcils froncés.

  –Kalor, insista Alaric. Qui est cette femme ?

  Je fronçai les sourcils à mon tour, perdu. Une profonde angoisse se lisait sur ses traits.

  –C'est juste la Guérisseuse, Ric. Tout va bien.

  Il secoua la tête.

  –Non. Plus... Plus elle s'approche. Plus je me sens... bizarre.

  –Pardon ?

  Je me tournai vers Freyja, qui s'était finalement arrêtée, de l'autre côté de la table basse. Un air troublé que je ne lui connaissais pas barrait son front.

  –Freyja ? Que se passe-t-il ?

  –Je ne sais pas. Mon... Une certaine part de moi s'agite.

  –Une part de toi ?

  –Freyji ? s'exclama soudain une voix au premier étage. Pourquoi t'es debout ? C'est la nuit et il faut dormir la nuit. Ah la la, les enfants.

  Notre attention se tourna vers l'escalier au moment où une Frigg toute échevelée apparut sur le seuil. Elle se frottait les yeux à la manière d'une petite fille et tirait derrière elle un long morceau de tissus qui ressemblait fortement à une chemise de nuit d'après le col en dentelle qui dépassait de sa main.

  Attirés par la seule lumière de la pièce, ses prunelles ensommeillées se posèrent sur nous. Son regard s'éveilla aussitôt et un immense sourire fendit son visage.

  –Dieu du feu !

  –Dieu... du feu ? répéta Alaric.

  Je me crispai alors que la mère de Magdalena dévalait l'escalier à toute vitesse, manquant de tomber.

  –Tu es venu ! C'est bien ! C'est très bien ! Est-ce que la Silencieuse est avec... toi.

  Elle venait d'arriver à notre hauteur et de remarquer Alaric. S'arrêtant dans un état second, elle le dévisagea de ses immenses yeux de chouettes, la bouche arrondie en un O parfait.

  –Et c'est qui, celle-là ? souffla Ric.

  Il sursauta, comme nous tous, quand Frigg poussa soudain un hurlement de joie.

  –Frigg ? l'interpella Freyja.

  La mère de Magdalena se tourna vers elle, des étoiles pleins les yeux.

  –Il est là ! Il est vraiment là ! Oh oui, oui, oui ! Pour la première fois, un dieu et une déesse sont réunis !

  Mon cœur s'arrêta. En fait, tout autour de moi sembla s'arrêter. Exceptée Frigg, qui sautillait sur place, complètement excitée.

  –Ils sont réunis ! Ils sont réunis ! scandait-elle. Les lignes l’avaient montré ! C'est tellement bien ! Elle va être si heureuse ! Peut-être qu’elle va arrêter de pleurer ! Ce serait génial ! Il faut fêter ça ! Tout de suite !

  Elle détala sans attendre vers le buffet. Alors qu'elle s'affairait dans les placards, mon regard glissa vers Freyja. Le teint blême pour une femme de sa carnation, elle le soutint un instant, puis nous nous tournâmes vers Alaric.

  –Vous devez vous foutre de moi, soufflai-je.

  Mon ami s'enfonça un peu plus dans le canapé.

  –Quoi ? Qu'y a-t-il ?

  –C'est lui ? murmura Freyja. Ce garçon est le nouvel Élémentaliste de la Terre ?

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