Chapitre 46 - Partie 3

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  La réunion se termina après plus de trois heures de disucssion et elle ne m'avait pas aidé à retrouver mon sang-froid. Deux représentants agricoles avaient pourtant été victime de mon humeur, mais plus les secondes étaient passés, plus mon impatience avait grandi pour atteindre son paroxysme en cet instant. Alors que toutes les personnes présentes rassemblaient leurs affaires, je me relevai d'un coup, prêt à partir. Thor posa une main sur mon épaule et me coupa dans ma lancée.

  –Pas si vite, Kalor.

  –Ne peut-on pas mettre cette discussion à plus tard ? J'ai à faire.

  –Vu ton état, non.

  Je pris une profonde inspiration et me rassit lourdement sur mon siège. Mon frère attendit que la salle soit vide pour poursuivre.

  –Alors, que se passe-t-il ? Je m'attendais à te voir entrer dans cette pièce rayonnant de bonheur et à la place, tu débarques l'expression plus sombre que jamais. On dirait que tu viens d'apprendre que tu allais perdre un proche, pas que tu allais devenir père.

  Mon estomac se noua. Vu la situation, la première impression était plus proche de la réalité.

  –Kalor ? insista-t-il.

  Un profond soupir m'échappa.

  –C'est juste que nous ne l'avons pas vu venir. Lunixa et moi ne sommes même pas engagées depuis un an ; cette grossesse arrive trop vite.

  –Pourquoi trop vite ? (Il s’appuya contre la table, bras croisés.) De nombreux couples ont leur premier enfant dès leur première année de mariage.

  –Je sais, mais...

  Mais cela ne devrait pas être notre cas.

  Comme je ne complétai pas la fin de ma phrase de vive voix, me frère me fixa avec attention, à la recherche de ce qui me travaillait. Ses paupières finirent par se plisser.

  –Tu ne serais tout de même pas en train de comparer ta situation à la mienne ou celle de Valkyria, par hasard ? Allons, Kalor, ce n'est pas parce que nous avons des problèmes pour concevoir que ça doit également être ton cas... As-tu besoin de passer un test de fertilité pour t'en convaincre ? Même si père n'a jamais voulu que tu le fasses, nous pouvons nous arranger si ça t'aide.

  –Non, ce n'est pas ça.

  –Alors quoi ? J'ai déjà vu ce regard, mon frère. Lorsque Mathilda m'a annoncé sa grossesse et parfois encore, dans les moments de doute, il me fait face quand je me tiens devant un miroir. Je saurais donc le reconnaître entre mille : tu as peur que cet enfant ne soit pas le tien.

  Mes doigts se crispèrent sur l'accoudoir.

  –Mais si tu ne doutes pas de ta fertilité, je ne comprends pas pourquoi cette crainte t'habite. Lunixa et toi n'avez pas consommé votre mariage ?

  –Si, bien sûr que si.

  –Mais…

  –Mais nous sommes très peu unis depuis. Trop peu pour qu'elle tombe enceinte.

  –Il peut suffire d’une fois.

  Je fermai les yeux. Dans notre cas, une unique fois ne suffisait pas. Jamais.

  –Et s'il y a encore un autre facteur qui nourrit tes doutes, poursuivit Thor, n'oublie pas que les miracles existent. Regard-moi : alors que je suis stérile, ma femme va bientôt donner naissance à notre enfant. Même si le doute s’immisce encore parfois en moi, j'en suis de plus en plus persuadé. Donc ne t'imagine pas tout de suite le pire, petit frère. Dame Nature pourrait aussi avoir béni ton couple.

  Même si je savais que cela restait impossible en ce qui me concernait, les paroles de mon aîné agirent comme un baume sur mon cœur et, pour la première fois depuis l'annonce du docteur, mes muscles se relâchèrent et je me sentis respirer. Cet apaisement, bien que léger, n'échappa pas à son regard et il retrouva le sourire.

  –Quant aux nobles qui disent que tu cherches à me faire concurrence pour accéder au trône grâce à cet enfant, laissons-les donc parler. Je sais très bien qu'une machination aussi tordue que stupide ne t'as jamais traversé l'esprit. Avec nos marques royales et son héritage, ce n'est pas comme si le prochain roi dépendait de notre bon vouloir. Et puis, tu m'as toujours défendu et soutenu en tant que successeur de père et ce, depuis l'annonce de ma stérilité. Donc vraiment, ne t'inquiète pas pour les commérages de la cour, je ne leur accorde pas la moindre attention. Elles passent par une oreille pour ressortir par l'autre.

  Cette précision réussit à m'arracher un infime sourire.

  –Merci, Thor.

  Il balaya ma gratitude d'un geste de la main.

  –Je suis ton frère, c'est normal.

  La conversation étant visiblement terminée, je me relevai et Thor en profita pour me donner une bonne bourrade dans le dos.

  –Père... J'ai du mal à croire que ça va presque nous arriver au même moment.

  Et nous avions tous deux des doutes sur notre paternité. Lui et moi nous ressemblions définitivement plus que ma mère et la Cause ne voudraient jamais l'admettre.

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