Chapitre 40 - Partie 2

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  Le temps qu'il atteigne mes appartements, j'avais retrouvé un semblant de souffle. Kalor traversa le salon, puis me déposa sur le canapé. Il posa ensuite un genou sur le tapis et une main sur ma joue pour avoir mon attention.

  –Te sens-tu mieux ?

  Même si c'était encore loin d'être le cas, j’opinai, ne voulant pas accentuer la pointe d’inquiétude qui luisait dans ses yeux. Un infime sourire étira ses lèvres, mais mon affirmation ne fit pas disparaître cet éclat soucieux.

  –Que s'est-il passé, ma chérie ? Tu étais dans tous tes états.

  Un frisson me secoua alors que la peur se ravivait dans mes veines.

  –Tu allais bien avant de danser avec le Marquis Marcus, poursuivit-il. A-t-il eu des mots ou des gestes déplacés à ton égard ?

  Mon estomac se tordit douloureusement. Terrifiée, je secouai vivement la tête. Kalor ne pouvait pas... Kalor ne pouvait pas savoir...

  Son sourire retomba.

  –Si ce n'est pas lui, qu'est-ce qui t'as mis dans cet état ? Tu te comportais déjà bizarrement durant la waltzenger.

  Oh Dame Nature, il m'avait observée pendant que je dansais avec Arès ? Une bouffée de chaleur me gagna. Mon dos se couvrit de sueur froide.

  –Je...

  Que pouvais-je bien lui dire ? Rien ne justifiait qu'une simple danse...

  Les derniers mots que j'avais dit à Arès jaillirent soudain dans mon esprit.

  –L'Horloger...

  Kalor fronça les sourcils.

  –Comment ?

  Mais oui... Pourquoi n'avais-je pas pensé à lui plutôt ? Depuis mon retour au palais, il ne cessait de me servir d'excuse pour mon comportements étrange. Cependant, l'utiliser revenait à admettre en partie qu'Arès était responsable de mon état...

  Me estomac se serra encore plus à cette idée. Je commençai à me sentir nauséeuse.

  –La... la seule fois où je m'étais trouvé aussi proche du Marquis avant ce soir, il venait de me tirer des griffes de l'Horloger. Et... Et pendant un instant, je me suis imaginée qu'il ne l'avait pas fait. (Je déglutis avec difficulté.) L'Horloger m'est apparu à sa place ; j'ai eu l'impression de danser avec lui.

  J'eus à peine le temps de voir le regard de Kalor s'assombrirent qu'il ferma les paupières. L'air de la pièce s'alourdit soudain, comme avant un orage, et sa mâchoire se contracta. Savoir que mon mensonge était à l'origine de cette réaction me noua la gorge.

  –Je suis navrée...

  Sa peau devint encore plus chaude.

  –Ne t'excuses pas, tu n'as rien fait de mal.

  Bien sûr que si...

  Raviver le souvenir de l'Horloger le faisait souffrir et même si lui avouer la vérité le blesserait bien plus, je m'en voulais de lui mentir jour après jour. Il ne méritait pas cela...

  Alors qu'il rouvrait les yeux, deux coups retentirent contre ma porte. J'étais encore tant à fleur de peau que je sursautai. La dureté de son regard s'adoucit aussitôt.

  –Tout va bien, ma chérie. Ce n'est que Paulina ; l'Horloger est mort.

  Il attendit que j'acquiesce avec raideur avant d'autoriser la jeune servante à entrer. Les cheveux grossièrement attachés et l'uniforme de travers de la pauvre petite montraient qu'elle s'était réveillée en vitesse, mais elle m'adressait un léger sourire en avançant. Les roues de la déserte grincèrent jusqu'à nous, puis elle me tendit la tisane fumante posée dessus. Ma gorge nouée et la nausée que je ressentais toujours m'empêchèrent de prendre la moindre gorgée, mais je fis comme si pour ne pas inquiéter Kalor.

  –Et si tu allais te coucher quand tu l’auras fini ? me proposa-t-il quand j'abaissai la tasse. Dormir te fera du bien.

  Le soulagement qui se déversa en moi à l'idée de ne plus revoir Arès pour la soirée fut si intense que je faillis me mettre à pleurer. Me retenant avec difficulté, je hochai de la tête.

  –Je veux bien…, merci.

  –Veux-tu que je reste avec toi ?

  –Non, ça ira.

  Je craignais de ne plus avoir la force de me contenir encore longtemps.

  –Sûre ?

  –Oui. En plus, nous ne pouvons pas nous absenter tous les deux.

  –Très bien, accepte-t-il, une certaine tension dans la voix. (Il se tourna vers Paulina.) S'il se passa quoi que ce soit, venez tout de suite me trouver dans la salle de bal. Qu’importe avec qui je suis.

  –Oui, mon Prince.

  Kalor reporta son attention sur moi, puis il s'avança et posa ses lèvres sur les miennes.

  –Je te rejoins dès que possible, murmura-t-il avant de s'écarter.

  Puis il quitta mes appartements, non sans une hésitation et sans m'adresser un dernier regard. Dès que les battants se refermèrent derrière lui, je me redressai.

  –Princesse ? s'étonna Paulina.

  –J'aimerai me coucher maintenant, déclarai-je en me dirigeant vers le paravent.

  Elle aussi devait partir. Tout de suite.

  Déroutée, elle mit quelques secondes à me suivre. Afin d'accélérer le processus, je retirai les épingles de mon chignon et dénouai les tresses qui le composaient tandis qu'elle me démaquillait. Je me levai ensuite pour qu'elle s’occupe de ma robe.

  Mais alors délaçait le corsage, ses doigts effleurèrent ma taille. D'un coup, tout ce qu'il s'était passé au cours de la waltzenger se rejoua dans mon esprit. J'eus de nouveau l'impression de sentir la main d'Arès à cet endroit, son corps se mouvoir contre le mien, le signe précurseur de notre passe.

  Mon estomac se retourna. Je me précipitai dans la salle de bain et eus tout juste le temps d'atteindre l'évier avant de vomir.

  –Princesse ? s'écria Paulina en me rejoignant. Oh Dame Nature ! Son Altesse... Votre mari... Il faut...

  Mes doigts se refermèrent brusquement sur son bras. Elle se tut aussitôt, pétrifiée. Le souffle court, à moitié dissimulée par mes cheveux, je me tournai vers elle.

  –Non... Pas un mot sur ce qui vient de se passer. À personne. Pas même Kalor. Est-ce clair ?

  –Mais...

  –Est-ce clair, Paulina ?!

  Elle sursauta et finit enfin par opiner.

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