Chapitre 35 - Partie 3

4 minutes de lecture

  Je regardai Kalor disparaître derrière le lourd rideau avant de me rendre dans la salle de bain. Tout ce qu'il venait de me dire se rejoua dans mon esprit à la vue de la baignoire et mon cœur s'alourdit encore plus. Je vins longer du bout des doigts le bord froid de la faïence et, l'espace d'un instant, je nous vis tous les deux à l'intérieur, empêtrés dans nos vêtements trempés ou couverts de mousse. Un sourire triste se dessina sur mes lèvres. Quand bien même nous avions l'air ridicules, l'absurdité de la situation semblait me faire oublier mes craintes. J'étais détendue, allongée contre lui et les joues empourprées à la perceptive de ce que je découvrirais lorsque nous n'aurions plus rien pour dissimuler nos corps.

  Mais qu'importait à quel point cela pouvait m'aider à me dévoiler, arriverait un jour où je ne pourrais plus ôter de couche et je ne serais pas toujours pas nue. La tâche de naissance qui marquait ma cuisse m'en empêcherait.

  Devais-je malgré tout accepter sa proposition ? Cela le rendrait très heureux sur le moment et durant nos premiers bains ensemble ; je pourrais même lui offrir une partie de ce qu'il désirait. Cependant, je savais pertinemment que je ne pourrais jamais aller jusqu'au bout ; lui dire oui reviendrait à me jouer de lui, à lui donner de faux espoir et je m'y refusais. Même si j'allais encore le blesser, je devais décliner sa proposition. C'était pour le mieux.

  Mon regard s'attarda encore un instant sur la baignoire, sur l'image de nos corps tous habillés dans ce bain fictif, enlacés l'un contre l'autre dans une tendre étreinte. Puis mes doigts se retirèrent de la faïence et ce tableau utopique s'envola, comme soufflé par le vent.

  Ne voulant la raviver, je préférai prendre une douche. Le ruissellement de l'eau chaude sur ma peau emporta dans son sillon une partie du poids qui pesait sur ma poitrine, contînt la culpabilité qui cherchait à me gagner pour être sur le point de décevoir Kalor pour la troisième fois de la soirée, tandis que les effluves de jasmin de mon shampoing cherchaient à apaiser mon esprit.

  Cela va lui faire mal, mais c'est pour son bien. Tu ne peux lui donner de faux espoirs.

  Je me répétai encore ces mots lorsque je quittai la cabine. Dégoulinante d'eau, je m'enveloppai dans une serviette et me séchai avant de me tourner vers le portoir à vêtement. Mes mains se figèrent.

  Vide... Le portoir était vide.

  Par la Déesse...

  Magdalena préparait toujours mes affaires avant que j'aille faire ma toilette ; même quand je lui disais qu'elle n'avait pas besoin de rester éveillée pour s'occuper de moi car j'allais me coucher très tard, elle les déposait dans la salle de bain avant de partir. J'y étais tellement habituée que je n'avais pas du tout songer que Paulina ne ferait pas de même. J'aurais toutefois dû le remarquer plus tôt : j'étais passée au moins deux fois devant ce portant.

  Au souvenir d'une situation similaire, mon cœur s'allégea et un fin sourire se dessina sur mes lèvres. À l'auberge dans laquelle nous avions trouvé refuge, une semaine avant nos renouvellements de vœux, il m’était également arrivé d’oublier de prendre de quoi me vêtir en allant me laver car j’avais eu l’esprit ailleurs. Aussi, comme cette fois-là, je m'approchai de la porte et appelai Kalor pour lui demander de m'apporter une tenue de nuit. S'il se moquait de moi au rappel de notre séjour, je ne pourrais le lui en vouloir.

  Alors que je m'attendais déjà à l'entendre plaisanter, seul le silence me répondit. Mes lèvres retombèrent et je répétai son nom, sans plus de succès. Il n'était pas encore revenu ? Resserrant ma serviette autour de moi, j'ouvris la porte, passai la tête dans l’interstice et balayai ma chambre du regard. Kalor n'était définitivement pas de retour.

  J'avisai d'un rapide coup d'œil le peu de couche qui me couvrait, puis la distance qui me séparait de la penderie, à moins de trois mètres, et de la commode, de l'autre côté du lit. Mon sang se mit à pulser plus vite dans mes veines. J'appréhendais de me promener juste enveloppée d'une serviette, mais une trentaine de secondes devraient me suffire à récupérer ce dont j'avais besoin. Si Kalor revenait entre temps, j'aurais toujours le temps de retourner dans la salle de bain en l'entendant approcher.

  Le cœur battant, je quittai la sécurité de la salle de bain, traversai la chambre et contournai mon lit pour gagner la commode, y prenant le premier dessous qui me tomba sous la main.

  Plus que la chemise de nuit...

  Je refermai le tiroir, pivotai vivement sur mes talons.

  Et me retrouvai face à Kalor.

  Un brusque mouvement de recul me secoua et le marbre de la commode me rentra douloureusement dans les reins. Cependant, ce fut à peine si je le sentis. Debout à côté de la cheminée, les yeux écarquillés, Kalor me dévisageait sans ciller ni bouger. Mon pouls redoubla d'intensité.

  –Que... Que fais... balbutiai-je.

  –Je me suis téléporté.

  Oh Dame Nature, pourquoi n'avais-je pas envisagé la possibilité qu'il revienne ainsi. Je ne serais jamais sortie de la salle de bain si j'y avais songé ! Mais il était trop tard à présent : il était là et je ne portais rien d'autre qu'une serviette qui m'arrivait un peu plus haut que le genou. Jamais il ne m'avait vu aussi peu vêtue. Il suffirait d'un mauvais mouvement pour... Mes mains se crispèrent sur le tissu.

  Ce geste ne manqua pas à Kalor et le sortit soudain de son état second. Il baissa aussitôt les yeux.

  –Que fais-tu dans cette tenue, Lunixa ? Où est ta chemise de nuit ?

  –Paulina... a oublié de me la préparer.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Asa No ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0