Chapitre 32 - Partie 1

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KALOR


  La nuit était déjà avancée depuis longtemps lorsque je quittai la salle des jeux. Les parties de cartes s'étaient enchaînées sans interruption avant que les premières personnes commencent à partir, vers une heure du matin. En l'absence de Lunixa, j'étais resté jusqu'à ce que les derniers s'en aillent.

  Dans le silence du palais endormi, je regagnai mes appartements à grandes enjambées, impatient de la retrouver. Elle ne devait plus rien craindre pour le moment, mais les récents événements m'avaient rendu aussi anxieux que si la Cause s'était de nouveau manifestée. La savoir seule dans sa chambre, sans Magdalena pour me prévenir en cas de problème, avait commencé à me travailler quelques heures plus tôt et n'avait fait que se renforcer au cours de la soirée. Cela m'avait tant préoccupé que j'avais fini par perdre bon nombre de parties et avais été à deux doigts de mettre à la porte de la salle ceux qui s'y étaient attardés.

  Malgré mon empressement, je pris le temps de me changer avant de gagner ses quartiers, passant par la porte dérobée les reliant aux miens. Un silence religieux semblable au reste du château régnait également ici. Afin de ne pas le briser, je traversai le salon à pas de loup, gravis les cinq marches de l'escalier, puis soulevai le rideau le plus discrètement possible, ne produisant qu'un très léger bruissement de tissu.

  Mon corps se figea brusquement lorsque l'ensemble du lit fut dévoilé. Même si la lumière de ma bougie atteignait à peine le fond de la pièce, elle l'éclairait assez pour que je distingue le principal.

  Vide. Le lit était vide.

  Sans réfléchir, je me téléportai du côté de Lunixa, puis saisis les draps. Ils étaient légèrement chauds, mais cela ne suffit pas à me rassurer.

  –Lunixa ?!

  –Dans la salle de b...

  Je me retrouvai dans la pièce voisine sans attendre la fin de ce murmure imperceptible. Surprise par ma soudaine apparition, Lunixa eut un violent sursaut et manqua de lâcher le verre entre ses doigts. Une poignée de seconde passa avant qu’elle ne lâche un profond soupir en portant une main sur son cœur.

  –Par la Déesse, tu m'as fait peur.

  –Et toi, alors ? soufflai-je en retour.

  –Moi ?

  –Quand j'ai vu le lit vide, j'ai cru que tu...

  Que tu avais de nouveau disparu.

  Le reste de ma phrase ne franchit jamais mes lèvres, mais Lunixa n'en eut pas besoin pour comprendre ce qui m'avait inquiété. Son visage s'adoucit.

  –Je ne compte aller nulle part, Kalor.

  Mes muscles horriblement crispés se relâchèrent enfin.

  –Je sais, je suis désolé ; je n'aurais pas dû paniquer ainsi. C'est juste... Je suis encore assez à cran. Que fais-tu là ?

  À près de trois heures du matin et sans aucune autre lumière pour s'éclairer que la faible lueur de la lune ? Elle aurait dû dormir depuis longtemps.

  Alors que je m'approchais, elle baissa les yeux, puis posa son verre sur le bord de l'évier en replaçant une mèche nivéenne derrière son oreille. Je finis par remarquer son visage humide, signe qu'il avait été passé à l'eau.

  –J'avais besoin de me rafraîchir, avoua-t-elle.

  –Un nouveau cauchemar ? déduisis-je.

  Elle opina.

  –Être seule ne m'aide pas à penser à autre chose.

  Mes épaules s'affaissèrent dans un soupir. Pourquoi ne m'avait-elle pas fait chercher ? Même si j'étais occupé, elle savait qu'elle passait avant tout.

  –Allez, viens, murmurai-je en passant une main dans le creux de ses reins. Allons nous coucher.

  Elle avait grand besoin de dormir.




  L'aube et son voile aux douces couleurs pastelles chassaient l'obscurité du ciel lorsque mes paupières se soulevèrent. Avec difficulté, je m'assis au bord du lit, passai mes mains sur mon visage, puis dans mes cheveux. J'avais l'impression de ne pas avoir fermé l'œil de la nuit. Le sommeil de Lunixa avait été extrêmement agité et j'avais passé mon temps à l'apaiser ; ses mauvais rêves s'étaient succédé les uns après les autres. À part une fois, j'étais parvenu à la calmer avant qu'elle ne se réveille, mais je n'avais pratiquement pas dormi, tiré de mes songes au moindre mouvement inhabituel de sa part.

  Massant ma nuque ankylosée, je tournai la tête vers elle, vers ses traits enfin détendus. Combien de temps lui avait-il fallu pour qu'elle sombre enfin dans une torpeur sans cauchemars ? Dire que cela se serait déjà produit la veille si Freyja ne lui avait pas donné de calmant. Je veillerais à ce que le médecin lui en prescrive à nouveau si cela se prolongeait dans les jours à venir. Elle ne se rétablirait jamais autrement. Et ni elle ni moi ne tiendrions avec une paire d'heures de sommeil par nuit. Quelques heures au complexe d'entraînement ne seraient d'ailleurs pas de trop pour me vivifier aujourd'hui.

  Après un dernier regard accompagné d'un baiser sur la tempe pour Lunixa, je quittai ses appartements.

  Comme toujours malgré l'heure matinale, de nombreux soldats s'échauffaient déjà en faisant des tours du complexe. Je m'étirai quelques minutes, puis en réalisai également une poignée avant de rejoindre un espace dédié à l'entraînement au corps à corps.

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