Chapitre 31 - Partie 3

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  De nouveau, tout l’apaisement qui l'avait gagné durant le morceau de Monsieur Sangos s'était envolé et elle se trouvait sur la défensive.

  –Je suis navrée, murmura-t-elle, le regard fuyant, c'est juste...

  Je tentai de le suivre malgré tout pour tenter de découvrir ce qui n'allait pas, mais il ne se posait vraiment sur rien de particulier. Il passa de l'autre côté de la table, où Valkyria, Thor, Nicholas et le plus jeune des Marcus s'éloignaient de leur place, puis glissa vers moi, avant de parcourir les chaises à sa gauche pour atteindre l’autre bout de table, devant lequel tout le monde passait pour sortir.

  –C'est juste que je suis fatiguée, finit-elle par avouer en baissant les yeux, et cela semble me rendre très à fleur de peau.

  Même si j'avais voulu la contredire, lui dire que tout allait bien, je n'aurais pas pu. En plus de ses sautes d'humeurs, plus rien ne cachait ses traits aussi anguleux que tirés par la fatigue depuis qu'elle avait perdu son éclat lumineux.

  –C'est normal, ma chérie, assurai-je en embrassant sa tempe. Va donc te reposer dans tes appartements, je me charge de prévenir mon père.

  Elle en avait déjà bien assez fait pour cette première journée suivant son retour.

  –Tu es sûr ?

  –Oui. Vas-y.

  L'ébauche d'un sourire étendit ses lèvres.

  –Merci.

  Je la conduisis hors de la salle à manger, puis, après lui avoir donné un baiser, je rejoignis les convives alors qu'elle se dirigeait vers ses appartements. Mon père étant en pleine discussion avec le Général, je n'allais pas le voir tout de suite et m'arrêtai à côté de Valkyria, qui venait de se décrocher du bras de son mari pour lui permettre de discuter avec un Illiosimerien. Elle haussa un sourcil en me voyant arriver seul.

  –Où est passée Lunixa ?

  –Je lui ai dit de se retirer pour le reste de la soirée. Elle est épuisée.

  –Je le lui aurais aussi recommandé si tu ne l'avais pas fait. Quand elle a eu sa baisse de morale, au début du repas, cela a sauté aux yeux… Au moins, je peux me permettre cette question : qui est le meilleur pianiste entre Lunixa et ce compositeur ?

  –Lunixa, répondis-je sans hésitation.

  Monsieur Sangos avait beau être le compositeur le plus célèbre de son pays et un excellent musicien, il ne nous avait « que » captivé. Lunixa, elle, nous transportait dans un autre monde où elle seule, sa voix et son doigté existait. Un monde dont je détestais devoir ressortir à chaque fois.

  Val me donna un léger coup d'épaule.

  –Es-tu sûr d'être vraiment objectif ?

  –Oui. À quatre-vingt-dix-neuf pourcents.

  Ma précision lui arracha un rire.

  –En tout cas, reprit-elle, Illiosimera a l'air de regorger de virtuose de la musique. J'ai toujours du mal à croire qu'ils aient laissé partir quelqu'un d'aussi grandiose que Lunixa.

  –Elle ne l'avait pas indiqué sur son dossier.

  –Dossier ou pas, ça ne change rien : elle été chanteuse dans la chorale du concert de Dame Nature. Le chef de chœur aurait tout de suite dû remarquer sa voix. Les femmes dotées d'une telle tessiture ne courent pas les rue, crois-moi.

  –Peut-être est-ce plus fréquent à Illiosimera, supposai-je.

  Même si j'avais du mal à le croire moi-même.

  Valkyria y réfléchit un instant, puis balaya du regard les personnes alentours, jusqu'à ce qu'elle tombe sur Monsieur Sangos, quelques pas derrière nous. Le jeune Marcus marchait à côté lui et, comme s’il avait senti l’attention de ma sœur se tourner dans leur direction, il leva immédiatement ses yeux d'or vers elle. Il glissa un mot à son compatriote tandis que Val ralentissait pour leur permettre d’arriver à notre hauteur.

  –Altesse, y a-t-il quelque chose que nous puissions faire pour vous ? s'enquit-il.

  –Nous nous posions une question à propos d'Illiosimera avec mon frère et je me demandais si Monsieur Sangos pouvait nous apporter la réponse.

  Le Marquis traduisit ces paroles au compositeur, avant de se concentrer à nouveau sur elle.

  –Nous vous écoutons.

  –Est-il fréquent dans votre pays qu'une chanteuse ait une tessiture s'étendant d'alto à soprano ?

  Un imperceptible froncement de sourcil fissura son visage impassible. Une seconde passa, puis il transmit cette question à Monsieur Sangos. Une pointe de gêne traversa le regard de ce dernier et il sembla soudain avoir du mal à soutenir celui du Gardien. Cette réaction me surprit. Avions-nous dit quelque chose qu'il ne fallait pas ?

  –De telles chanteuses sont très rares, répondit le compositeur en se tournant vers ma sœur. Actuellement, celles qui possèdent cette tessiture à Illiosimera ne sont plus assez nombreuses pour couvrir les doigts d'une main.

  Plus ?

  Quelque chose dans son ton avait changé au moment où il avait prononcé la seconde partie de sa réponse. Il était devenu plus lourd, comme... peiné. Qu'est-ce que cela signifiait ? S'il avait simplement utilisé ce « plus » pour comparer le nombre de chanteuses entre notre époque et une plus ancienne, où il y en aurait eu davantage, sa voix n'aurait pas été empreinte de cette gravité affectée.

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