Chapitre 30 - Partie 2

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  Cette réponse me laissa muette l’espace d’un instant.

  –Mais... Nos deux espèces peuvent procréer ensemble. Vous me l'aviez confirmé chez Freyja quand vous m'avez expliqué ton métissage.

  –Oui, bien sûr, j'aurais du mal à me tenir devant toi si ce n'était pas le cas, déclara-t-il avec un sourire amusé. Cependant, tu ne t'en souviens peut-être pas car on ne s’est pas attardé sur ce point, mais nous avions aussi dit que c'était difficile.

  Maintenant qu'il le mentionnait, il me semblait en effet que Magdalena l'avait précisé sans entrer dans les détails.

  –En quoi est-ce plus difficile ? m'enquis-je.

  Kalor se gratta l'arrière de la tête.

  –Eh bien, nous ne savons pas trop. Humains et Lathos se ressemblent beaucoup mais nous sommes aussi différents à cause de nos pouvoirs et cela doit également être le cas de nos semences. Alors peut-être que le corps des femmes en couple avec un homme de l'autre espèce doit s'y adapter avant de pouvoir être fécondée. Dans tous les cas, aucun couple mixte n'a eu d'enfant avant cinq ans de relation. La moyenne est même de dix ans et certains n'ont jamais réussi à en avoir. Et cela reste aussi plus difficile que les couples « normaux » même après la première grossesse.

  –C'est pourquoi tes parents ont mis neuf ans à avoir Valkyria, puis cinq pour toi... pensais-je tout haut.

  Kalor confirma d'un hochement de tête. Ces années d'adaptation devaient également aider les autorités à entretenir la fausse impossibilité de procréer entre nos deux espèces.

  –Comme tu limites beaucoup nos rapports, je pensais que tu ne voulais pas être mère tout de suite et c'est pourquoi je ne t'en ai pas parlé plus tôt, reprit-il, mal à l'aise. Si tu aurais préféré que je le fasse avant, je m'en excuse.

  –Non, ne t'inquiète pas... Tu ne te trompais pas, le rassurai-je.

  Même si tomber enceinte ne menaçait pas mon identité, je ne le voudrais pas. Avoir un nouvel enfant et m'en occuper alors qu'Alexandre et Éléonora ne pouvait m'avoir à leur côté me donnerait l'impression de les trahir.

  Cependant, je n'étais la seule touchée par ce problème.

  –Et toi ? demandai-je. Savoir que tu ne peux pas être père avant plusieurs années ne te dérange pas ? Ça ne serait pas arrivé si tu avais épousé ton ancienne fiancée.

  Kalor secoua la tête.

  –Depuis l'officialisation de stérilité de Thor, mon mariage était très attendu par l'ensemble du pays. Tout le monde comptait sur moi pour perpétuer la lignée et n'avait plus que le mot « héritiers » à la bouche lorsque l'on me parlait. Cette situation était extrêmement pesante et me faisait redouter le jour où j'aurais fécondé ma femme, où je serais enfin devenu ce producteur à descendants qu'ils désiraient tant. Alors savoir que cela ne risque pas d'arriver avant un moment avec toi me soulage et me laisse le temps de ne plus appréhender la paternité, de ne plus la voir comme une tâche indésirable dont je suis obligée de m'occuper pour le bien de tous.

  Il posa une main sur ma joue et un sursaut me secoua en sentant l'autre se poser sur mon ventre.

  –Je tiens à être heureux quand tu m'apprendras que tu attends notre enfant, ajouta-t-il avec un doux sourire, à le voir comme le fruit de notre amour et non comme une simple personne destinée à me destiner par la suite. Donc nous pourrions tout à fait reprendre ce qu'Edgar a interrompu... poursuivit-il, lubrique.

  Le rouge me monta immédiatement aux joues et balaya le malaise qui me nouait l'estomac depuis qu'il avait évoqué ma future possible grossesse. Je cherchais à m'écarter de lui, mais son bras glissa autour de ma taille et me garda bien en place. Ma réaction ne fit qu'agrandir son sourire.

  –Je disais donc, nous pourrions tout à fait reprendre ce qu'Edgar a interrompu, il n'y aurait aucun risque.

  Il me rapprocha de lui, puis se pencha vers moi.

  –Kalor...

  Ses lèvres s'approchèrent des miennes, mais avant de les toucher, elles dérivèrent vers ma joue et son souffle chatouilla mon oreille. Je n'osai plus bouger.

  –Mais je ne te remettrais dans cette situation compromettante, susurra-t-il.

  Puis il déposa un rapide baiser sur ma pommette.

  –En plus, je ne devrais pas te retenir plus longtemps alors que tu es censée te reposer, ajouta-t-il en me regardant dans les yeux. Alors vas-y, nous nous retrouverons au dîner.

  Je déglutis avec difficulté tandis qu'il me conduisait hors de son bureau, puis lui jetai un dernier coup avant qu'il ne referme la porte. Nos regards s'accrochèrent un instant et il disparut derrière le battant finement sculpté. Je restai pourtant encore à le fixer, comme s'il n'existait pas et que je pouvais voir Kalor au travers, s’asseoir à son bureau et reprendre son travail.

  –Princesse ? m’interpella Edgar, me ramenant sur Terre. Y a-t-il un problème ?

  –Non, pas du tout. Excusez-moi.

  Je sortis en vitesse du secrétariat et m'adossai au mur dans le couloir, paupières clos.

  Kalor était persuadé que nous ne pouvions avoir d'enfant car nous n'étions pas ensemble depuis assez longtemps pour qu'il me féconde. Mais l'adaptation dont il m'avait parlé s'appliquait aux couples mixtes humain-lathos. Qu'en était-il pour quelqu'un comme moi ? Je n'étais ni l'un ni l'autre...

  Un soupir fatigué m'échappa et je passai les mains sur mon visage. Que donnerais-je pour être aussi concernée, pour ne plus avoir à craindre autant nos unions ? Surtout après ce qu'il s'était passé aujourd'hui. Par deux fois, je m'étais retrouvée allonger sous ses caresses et ses baisers, brûlante de désir et sans chercher à l'arrêter. Nous serions vraiment passés à l'acte si son secrétaire n'était pas arrivé, j'en étais persuadée. Pourquoi n'arrivais-je plus à refréner mes désirs ? À cause de ce que j'avais vécu avec l'Horloger ? À cause de la présence d'Arès ? Ma vie ne cessait de tenir sur le fil du rasoir. Au moindre faux pas, elle pouvait se terminer et je le savais. Peut-être qu'inconsciemment et par peur de perdre Kalor, je cherchais à vivre notre relation au maximum.

  Hélas, j'ignorais toujours ce que j'étais et ne pouvais donc prendre le risque de me laisser aller tant que je n'en saurais pas plus à mon sujet.

  Même si je n'avais que peu d'espoir, je retournai à la bibliothèque pour essayer d'en apprendre plus sur les trois indices en ma possession.




  Comme je m'en étais doutée, je n'avais toujours rien trouvé lorsqu'un valet vint m'avertir du retour des Illiosimeriens. Après une légère appréhension, j'abandonnai mes recherches pour me rendre à la véranda, où mes compatriotes féminines devaient prendre le thé. Je ne devais pas négliger le reste de la délégation à cause de ma peur de croiser Arès ou César, déjà que mon enlèvement m'avait fait manquer les premiers jours de leur séjour.

  Mon arrivée déconcerta quelque peu les Illiosimeriennes, mais elles me firent une place autour de la table et m'invitèrent à m'installer parmi elles. Par respect, ou parce que César le leur avait expressément ordonné, aucune d'elles ne me posa de question sur mon absence. Elles m'interrogèrent plutôt sur ma nouvelle situation, comme il l'avait fait, et répondirent aux questions que je leur posai en retour. Alors que j'avais hésité à les rejoindre, je me détendis de plus en plus à mesure que le temps passait. Avoir des nouvelles de mon pays d'origine, leur parler de Talviyyör, profiter d'une simple conversation en illiosimerien autour d'un thé, oublier mes problèmes pendant un moment... Tout cela me faisait un bien fou après ma mésaventure. Je finis par être si détendue que je me surpris même à me laisser aller à quelques rires.

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