Chapitre 3 - Partie 2

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  Dès que la forêt cessa de bouger, la chouette quitta le tronc affaissé pour retourner sur l'épaule de sa propriétaire et se frotter à sa joue. Freyja réagit à peine à cet élan d'affection, trop occupée à m'étudier du regard.

  –Qu'y a-t-il ?

  –J'ai juste une question avant qu'on se lance à leur recherche : quel est le problème avec tes pouvoirs ? Ça doit faire environ dix ans que tu les as hérités. Tu devrais les maîtriser bien mieux que ça et pas me faire penser à un enfant qui serait tombé sur une boîte d'allumette.

  –Ça ne fait pas quatre ans, la contredis-je.

  Son visage se peignit de scepticisme.

  –Tu te moques de moi ?

  –Non, je... je sais que ça arrive normalement plus tôt, mais ça n'a pas été mon cas. Je les ai eus à dix-neuf ans.

  Et je ne comprenais toujours pas pourquoi.

  –Et depuis ce jour, t'es-tu entraîné à les manipuler ?

  –J’essaye de les utiliser le moins possible pour que la Cause ne le découvre pas.

  Un rire mauvais lui échappa.

  –Pas étonnant que tes pouvoirs réagissent aussi violemment... C'est même surprenant que ta fanatique de mère, ton ex-fiancée possessive ou ces autres malades ne se soient pas encore rendu compte de ta nature.

  Elle se tut une seconde, les yeux fermés, avant de poursuivre.

  –Bon, écoute. Nous n'avons pas le temps, alors je vais être très rapide : tu ne peux pas continuer à rejeter ta nature ainsi. Tu es ce que tu es, que ça te plaise ou non. Tu auras beau enfouir ton pouvoir au plus profond de toi, tu ne pourras rien y changer. Et si tu persistes sur cette voie, il va juste se manifester de plus en plus. Il ne se nourrira plus seulement de ta colère pour te montrer qu'il est présent. Il utilisera tous les moyens à sa disposition pour avoir ton attention, car il ne désire qu'une chose : que tu l'acceptes et que tu l'utilises.

  » Sert-en comme d'une arme, d'un bouclier, peu importe ! mais il faut que tu donnes un but. Il a besoin que tu lui prouves qu'il a pris la bonne décision en te choisissant comme héritier, que tu as la force de te servir de lui... J'ai vu la façon dont tu me regardais il y a une minute. Comme si j'étais Dame Nature en personne. Quand tu auras atteint ton vrai potentiel, tu seras bien plus impressionnant que moi.

  Plus impressionnant qu'elle ? J'avais de furieux doutes. Et quand bien même était-ce vrai, il suffisait que je n'aie pas de flamme à disposition pour être impuissant. Contrairement aux autres éléments, le feu n'était pas omniprésent ; c'était le point faible de mon pouvoir.

  –Quoi qu'il en soit, j'étais comme toi au début, alors crois-moi ; je sais de quoi je parle quand je te dis que ton attitude est toxique.

  –Tu avais aussi une fanatique de mère qui n'hésitait pas à rapporter le moindre de tes écarts à un tortionnaire afin qu'il te remette en place et s'assure que tu accomplisses ce pourquoi tu es né : être la pièce maîtresse d'une organisation que tu ne soutiens pas et lui permettre d'assouvir ses dessins ?

  –Non, mais ma situation n'était pas mieux que la tienne. Donc me suis-je bien fait comprendre ? Je ne veux pas me promener quelqu'un d'aussi instable que la tête brûlée de tout à l'heure.

  La simple idée de laisser plus de liberté à mon pouvoir me nouait l'estomac. Malgré ce qu'elle assurait, je craignais qu'il n'en profite. Cependant, je savais que Freyja avait raison sur un point : je ne pouvais plus continuer sur cette voie. Mon pouvoir se manifestait déjà de plus en plus. Mes sautes d'humeurs de plus en plus fréquentes ces derniers temps en étaient la preuve... La preuve que je devais changer d'attitude.

  –Je ne veux pas te faire de promesse en l'air, alors, je te promets seulement que je vais faire un effort.

  Un soupir lui échappa.

  –C'est déjà mieux que rien, marmonna-t-elle. Et au moins, je sais à quoi m'attendre.

  Elle se saisit de ma main cassée. La chaleur typique du pouvoir des Guérisseurs s'y répandit à ce contact. Elle se concentra dans le côté de ma paume, mon petit doigt, mon annulaire et mon poignet. Je serrai les dents lorsque la vague de douleur se fit sentir. L’endurer valait toutefois la peine : en deux minutes, ma main était complètement guérie. Freyja avait même soigné les griffures que m'avait infligées sa chouette.

  –Bon, nous avons perdu assez de temps comme ça. Va chercher ton épée et rends-toi en ville aussi vite que possible. En t'attendant, je vais faire un saut chez Magda. J'ai besoin de tenir sa mère au courant, elle était dans tous ces états à mon départ... Tu n'auras qu'à me rejoindre là-bas.

  Elle sortit un morceau de papier et un crayon de bois d'une bourse à sa taille, puis griffonna une adresse.

  –Tu sais où c'est ? s'assura-t-elle quand je le pris. (J'opinai.) Bien. Si c'est sa mère qui t'ouvre, dis-lui que c'est la voix de Magdi Magda, sa gentille madeleine en sucre qui t'envoie.

  –Pardon ?

  –Elle ne te laissera pas entrer sinon... Elle n'a plus toute sa tête.

  Sans plus d'explication, elle enfourcha sa monture.

  –Fais vite.

  –Compte sur moi... Et merci, Freyja.

  –Tu me remerciera quand on tiendra les disparues dans nos bras, certain qu'elles vont bien.

  Elle partit sur ces mots, sa chouette volant à ses côtés. Je suivis le mouvement dans la seconde et courus vers le château.

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