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— Pas si terrible que ça hein ? soupira Arthur.

— J'en ai déjà marre ! me plaignis-je.

J’essuyai la sueur qui perlait à mon front.

Nous n'avions commencé cette tâche que depuis un peu plus d'une heure mais le soleil brûlant n'arrangeait pas la situation.

— On est des sorciers, pas de la main d’œuvre pour une bande de marins ! râlai-je.

Je jetai la serpillière dans le seau où elle atterrit avec un grand bruit. Evie nous avait laissés faire ce travail tout seuls et les autres hommes sur le pont n'avaient pas la moindre intention de nous donner un coup de main.

Le vieux marin choisit ce moment-là pour nous aborder.

— Ils sont là ! s'exclama-t-il avec un grand sourire.

Je lui retournai un regard exaspéré.

— Allons, haut les cœurs !

— Je ne vous vois pas récurer le pont par cette chaleur, grogna Arthur.

— Eh bien ! Je suppose que le frère du capitaine a droit à ses avantages ! Et puis, vous croyiez que la traversée était gratuite ou quoi ?

Une fois le pont propre et brillant, je levai les yeux pour découvrir que la mer nous entourait de toutes parts. Aussi loin que portait mon regard, il n'y avait que des vagues qui partaient à la rencontre du ciel.

— Il y a de l'eau partout ! s'exclama Ian.

Je souris mais n'étais pas très rassurée. Nous étions bien loin de toute terre et tout pouvait arriver.

Dans l'après-midi, Arthur disparut quelque part sur le vaisseau. Evie nous fit faire le tour du navire à Ian et moi.

La porte de la cale abritait aussi l'entrée de la cabine du capitaine.

— C'est son bureau, comme il l'appelle, expliqua la jeune fille. Je n'entrerais pas là si j'étais vous.

Nous descendîmes plus profondément dans les entrailles du navire. Vu de l'extérieur, je n'avais pas réalisé à quel point il était grand. L'espace sous le pont était séparé en plusieurs niveaux, chacun avait une fonction bien précise.

— Ici, c'est l'endroit où dort l'équipage. Nous ne sommes pas spécialement attachés à un hamac alors couchez-vous dans celui que vous voulez quand vous êtes fatigués.

De la pièce sombre remplie d'hamacs suspendus au plafond nous parvint une voix traînante.

— Un petit verre mes amis ?

— Tais-toi donc Rami ! Tu es encore allé piquer dans les réserves du capitaine, il sera furieux !

— Evie, Evie… Toujours trop sérieuse ! Détends-toi un peu, profite !

Elle se détourna sans un mot et nous continuâmes notre chemin.

— Là, c'est la cuisine. Aucun d'entre nous n'est vraiment un bon cuisinier mais Rami est le meilleur que l'on a. Et de l'autre côté, c'est la réserve. Mais vous n'avez pas le droit d'y entrer !

— Je croyais l'avoir compris…

— C'est quoi ce bruit ? demanda Ian.

— Le moteur.

— Il y a un moteur ? m'étonnai-je. Je croyais que…

— Que nous avancions uniquement à la voile ? On n'est plus au temps des pirates ! Les voiles captent l'énergie du soleil et permettent de faire fonctionner la turbine.

Le doux ronronnement cessa soudainement.

— Le soleil vient de se coucher, dit-elle en indiquant une dernière porte. Et là, c'est le seul endroit du bateau où tu ne veux pas te trouver : les toilettes !

J'identifiai enfin la source de l'odeur nauséabonde qui régnait autour de nous. Je ne me fis pas prier pour remonter l'escalier et revenir sur le pont.

Evie nous invita à partager le repas en compagnie d'autres membres de l'équipage. Ils étaient déjà bien partis pour une soirée arrosée et je dus refuser plusieurs fois de me joindre à eux.

Une fois le garçon endormi, je revins m'allonger sur le pont propre, les bruits de la fête en contrebas. Le sommeil me fuyait et je restais là, sans penser.

Des nuages courraient dans le ciel. Ils masquaient de temps à autre l'une ou l'autre lune. Quelque chose d'autre avait également changé : l'air avait une odeur différente et était bien plus humide. Je ne savais pas si c'était dû à la nuit ou au fait que nous avions pénétré dans une autre région de la planète.

Le navire était quasiment à l'arrêt. Seule la brise gonflait ses voiles et le poussait encore sur les flots. Je me rendis compte que nous avions avancé bien plus vite durant la journée, le moteur électrique devait y être pour quelque chose.

— L'air a changé, dit Arthur en s'allongeant près de moi.

— Ah, tu l'as remarqué aussi. C'est dû à quoi selon toi ?

— Je ne suis pas marin mais je dirais qu'un orage s'annonce. C'est bien la saison, non ?

Je soupirai. Mon mal de mer n'avait fait qu'augmenter au fil des heures. Je n'étais pas particulièrement ravie d'affronter de plus grandes vagues. Je reportai mon regard sur les étoiles.

— Qu'y a-t-il ? me demanda-t-il. Tu m'as l'air ailleurs depuis quelque temps.

— Désolée, souris-je. Je réfléchissais juste.

— A quoi ?

— A ce qui nous attend une fois à Alma. Tu sais, depuis que nous sommes arrivés à Lor, je me demande sans cesse ce qui m'a poussée à entreprendre ce voyage.

— Je ne le sais pas moi-même, soupira-t-il.

Nous restâmes un moment allongés en silence, le balancement du navire berçait nos pensées.

— Au fait, dit soudain Arthur. Pourquoi n'irait-on pas rejoindre les autres en bas ?

— Je ne tiens pas très bien l'alcool, répondis-je. Et puis, je suis bien mieux dehors que confinée dans la cale !

— Comme tu veux. On peut rester ici aussi.

Je m'assis, le regard perdu dans le vide. Je songeai à mes parents, à mes amis. Si le temps s'écoulait réellement plus vite ici que sur Terre, les reverrais-je un jour ? Je me rendis compte que je n'y avais jamais pensé avant ce soir. Ma seule obsession avait été d'ouvrir le portail au plus vite, sans réfléchir aux conséquences.

— Excuse-moi, dit mon ami. Je ne voulais pas te faire de la peine. Je sais qu'il reste des personnes à qui tu tiens beaucoup sur Terre…

— Et toi non ?

— Pas vraiment, en effet…

Je le regardai. Dans le noir de la nuit, ses yeux semblaient briller de larmes. J'essayais tant bien que mal de retenir les miennes aussi. Ce n'était pas le moment.

— Je ne sais pas grand-chose de toi de toute façon, dis-je doucement.

— Que veux-tu savoir ?

— Je sais pas moi !

Il eut un rire bref et passa sa main dans ses cheveux.

— Et toi ? Pourquoi est-ce que tu t'appelles Eileen ? C'est un surnom, non ?

— Oui, bien entendu. Au moment où j'ai découvert mes pouvoirs, Jake m'a demandé de choisir un nom de sorcière. Ma mère m'a alors révélé l'existence de mon ancêtre Eileen. C'était une sorcière puissante à ce qu'il paraît.

— Je n'en ai jamais entendu parler, pour tout te dire.

— C'est normal ! Cette histoire a eu lieu il y a très longtemps… Mais tu as peut-être entendu parler de mon grand-père Marcus ? Il était connu ici, et je crois qu'il était certainement lié à la Fondation d'une manière ou d'une autre.

Il me regarda avec étonnement.

— Marcus… Comme Marcus Dooh ?

J'acquiesçai.

— Mince alors ! Mon mentor avait donc raison…

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