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— Il faut qu'on accorde nos violons, dit Arthur la bouche pleine.

Je mordis dans ma tartine.

— Comment ça ?

— Ils vont certainement nous poser beaucoup de questions tout à l'heure et j'ai besoin que tu répondes la même chose que moi.

— Et pourquoi ça ? C'est ton idée de nous faire passer pour une famille alors qu'on n'en est pas une !

— Chut, moins fort ! C'est plus pratique comme ça. Ils se méfieront moins, je pense.

Je regardai autour de moi. La grande salle de l'auberge était quasiment déserte. Seuls quelques clients prenaient leur petit déjeuner d'aussi bon matin.

— Si tu le dis, continuai-je plus bas. Je n'en vois quand même pas l’intérêt…

— Fais-moi confiance. Je sais ce que je fais.

— Encore ton mentor ?

— Oui, c'est ça. Il nous en avait touché un mot aussi, même si je ne comprenais pas tout à l'époque. Mais je suis certain que Jake a eu la même réaction lorsqu’il est arrivé. Après tout, il a passé bien plus de temps avec Jacob que moi. Tiens, on peut commencer par parler de nos familles.

Je le regardai avec suspicion. Une idée me vint soudain à l'esprit.

— Et s'ils découvraient que nous mentons ? Ce monde n'est pas dépourvu de technologie, ça ne m'étonnerait pas qu'ils puissent avoir un détecteur de mensonges quelque part.

— Je ne crois pas qu'ils en arriveraient jusque-là, dit-il avec un sourire. Malgré tout, si ça arrive, sache qu'il est très facile de tromper un détecteur de mensonges.

— Ah oui ? Et comment donc ?

— Ces appareils ont besoin d'être calibrés avant chaque utilisation. Il te suffit de mentir à l'une des premières questions posées. Pour le reste, ne panique pas et n'hésite pas trop avant de répondre. Reste le plus proche possible de la vérité. Et plus il y a de détails embarrassants dans ton histoire, mieux c'est !

— Tu parles d'expérience ou quoi ?

— Ah ça ! Les missions de la Fondation n'étaient pas de tout repos. J'ai déjà eu affaire à la police une ou deux fois !

L'aubergiste choisit ce moment pour s'approcher de notre table.

— J'espère que vous avez passé un bon séjour dans notre établissement, dit-il. Malheureusement, je vais me voir obligé de vous mettre dehors. Je ne veux pas d'ennuis avec la loi, moi !

— Je comprends, dit Arthur. Cependant… Il faut que vous sachiez que nous n'avons pas de quoi payer pour cette nuit. Nous venons à peine d'arriver et…

L'homme éclata de rire.

— L'argent ! C'est bien une idée de Terriens ça !

— Je ne vois pas ce qu'il y a de si drôle, dis-je.

— L'agent du Bureau vous expliquera ça mieux que moi, dit-il à nouveau sérieux. Mais il n'y a pas besoin de vous inquiéter de ça maintenant. Votre seul souci doit être d'amener votre petite famille au Bureau avant de vous faire contrôler !

Je regardai Arthur. Il semblait perplexe. Je reportai mon regard sur l'aubergiste.

— C'est très aimable de votre part, dis-je avec un sourire. Nous vous remercions.

— Ce n'est rien, répondit-il en s'éloignant. Bienvenue à Lor !

Une fois dehors, j'eus du mal à me repérer dans la foule bruyante et dense. Le ciel était d'un bleu limpide et le soleil réchauffait déjà bien l'atmosphère. La ville s'était réveillée bien plus tôt que nous et le marché battait son plein. Le sorcier comprit bien vite qu'il n'était pas dans notre intérêt de rester plantés là à nous faire bousculer par les passants pressés chargés de leurs courses. Il nous entraîna plus en avant et nous fûmes obligés de suivre le mouvement.

— Par où maintenant ? demanda-t-il.

Je sentis que Ian essayait d'attirer mon attention en me tirant de côté. Mon sac m'empêchait de me frayer un chemin parmi les badauds mais je finis tout de même par arriver devant un panneau coloré écrit dans la langue locale. Je n'arrivai pas à lire le premier mot mais je remarquai que le texte était traduit en anglais en-dessous.

« Milasi Immigration Office »

Une flèche rouge pointait vers le haut de la rue.

— C'est comment que tu lis ça ? me demanda Ian en pointant les symboles.

— Milasi, dis-je doucement. C'est le nom de la ville, je suppose. Mais il est vrai que tu n'as jamais fait d'anglais…

Je venais d'apprendre à prononcer mon premier mot ! Arthur nous rejoignit peu après.

— Vous êtes là ! Je pensais vous avoir perdus dans cette foule !

— On a trouvé le chemin à prendre, pointai-je dans la direction de la flèche.

Le trajet nous prit bien plus de temps que prévu. La ville était immense et les rues ne cessaient de s'entrecroiser. Il nous fallut plus de deux heures de marche avant d'arriver devant l'édifice où était situé le Bureau. Nous avions donc eu tout le temps qu'il nous fallait pour préparer une histoire crédible à raconter si besoin.

La façade de pierres rouges était similaire à ses voisines. Seul le drapeau sombre qui y flottait permettait de distinguer cette maison comme un bâtiment officiel. Ça et la petite plaque dorée couverte d'inscriptions accrochée près de l'entrée.

Je tentai d’apercevoir le motif du drapeau mais l'absence de vent ne me facilita pas la tâche. Ce ne fut qu'une fois entrés que je vis l'image accrochée au-dessus du comptoir d'accueil : deux cercles barrés par ce que je croyais être une chaîne de montagnes. Cela avait-il une quelconque signification ?

Il faisait frais à l'intérieur du bâtiment. Une fois la porte refermée, les bruits de l'extérieur ne nous parvenaient plus que de façon assourdie. Le ronronnement de la climatisation résonnait dans les couloirs déserts. L'accueil était lui aussi désert.

Sans véritable but, j'entrepris le tour de la salle d'attente, et m’arrêtai au passage sur les panneaux informatifs qui y figuraient. La plupart d'entre eux affichaient les lois en vigueur. Je compris rapidement que tous ces textes ne s'appliquaient qu'à un seul domaine : l'immigration. Et si je n'étais pas une scientifique, j'étais encore moins une juriste : la plupart des termes utilisés ne me disaient absolument rien !

— J'ai faim, dit soudain Ian.

— Patiente un peu, lui répondit Arthur. Nous irons manger une fois sortis d'ici.

— Mais tu peux avoir un biscuit en attendant.

Il prit la friandise avec un sourire avant d'aller s'asseoir un peu plus loin. Une jeune fille svelte aux cheveux foncés fit alors son apparition. On aurait dit le sosie de mon amie Iris ! Elle commença à parler dans l'ancienne langue avant de remarquer nos regards perplexes. Elle jeta un coup d’œil à nos sacs.

— Ah, je vois ! Vous venez d'arriver ?

— Oui, c'est ça. Et on nous a dit de nous présenter ici.

— C'est bien que vous soyez venus dès le premier jour. Ça évite les ennuis administratifs. Bon, maintenant, passons à la paperasse ! Vous avez des documents d'identité ?

— Non… Nous sommes partis un peu précipitamment, je ne savais pas qu'il fallait en emporter.

Arthur me donna un coup de coude discret. Le message était clair.

— Ce n'est pas grave, dit-elle. On fera sans. Mais ce sera plus long !

Elle nous tendit une fine tablette transparente à chacun et nous indiqua une table située dans un coin.

— Prenez tout votre temps. Remplissez le plus de cases possible. L'agent vous recevra après. Le petit, c'est votre fils ?

— Oui, répondit Arthur.

— Ça fait longtemps que nous n'avons plus eu de famille par ici ! N'oubliez pas de l'indiquer dans la case appropriée.

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