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La suite des événements fut un peu confuse. J'alternais entre l'éveil et le sommeil. Je sentais que j'avais trop chaud, trop soif aussi.

Je finis par me réveiller allongée dans l'herbe d'une clairière, où les branches des arbres créaient un jeu de lumière au sol. J'en eus la nausée. Je tentai de me redresser mais je n'arrivais pas à bouger correctement. Comme si mon cerveau n’arrivait plus à contrôler mes bras et mes jambes. Mon avant-bras me brûlait et semblait peser une tonne.

Arthur se pencha au-dessus de moi et m'aida à m'asseoir. J'avais l'impression que le monde ne cesserait jamais de tourner. C'était bien pire que d'être complètement saoule !

— Tu es enfin réveillée ! C'est bien. Avale ça.

Dans sa main, je reconnus les mêmes cachets que ceux de Jake. Je voulus demander ce qu'ils contenaient en réalité, mais je n'en eus pas le temps. Une fois le médicament avalé, je replongeai dans un sommeil agité.

Je me réveillai à nouveau, dans le noir cette fois-ci. Les deux lunes étaient hautes dans un ciel limpide. Je me levai, et titubai plus loin. Sous le pansement, ma peau était toujours aussi abîmée mais je me sentais mieux.

A la lueur du feu mourant, je distinguai Arthur et Ian blottis dans leurs sacs de couchage. Nous étions à l'orée de la forêt. La falaise surplombait un paysage sombre fait arbres à perte de vue. Je n'avais aucune idée de comment nous étions arrivés là.

Un cri strident résonna dans la nuit, suivi rapidement par un deuxième. Je frissonnai en jetant un coup d’œil à mes compagnons endormis. Mais ils ne semblaient pas avoir entendu.

Le bruit se répéta à nouveau, accompagné de battements d'ailes. Les papillons nous avaient retrouvés ! Je me retins de donner l'alerte quand je vis qu'ils n'en avaient plus après nous maintenant. Trois créatures sombres en entouraient une autre, plus petite et plus pâle. Elles tourbillonnaient dans l'air non loin du bord de la falaise. Je m'approchai discrètement pour mieux observer la scène.

Le petit animal attaqué ne faisait visiblement pas le poids face à ses agresseurs. Un des papillons lui mordit sa longue queue, et il chavira. Les autres en profitèrent pour le harceler de plus belle. Il n'allait pas pouvoir s'en sortir sans aide.

— Attaquez-vous à quelqu'un de votre taille, espèce de lâches ! m'exclamai-je.

Les créatures portèrent immédiatement leur attention sur ma petite personne. En fait, me rendis-je compte, je n'étais pas mieux placée pour vaincre les trois. J’hésitai et reculai d’un pas. Mais je ne pouvais pas tout de même pas rester là sans réagir !

Je fis difficilement apparaître une boule de feu en suspension au-dessus de ma main. Je ne voulais pas l'avouer mais l'attaque de la plante avait drainé la plus grande partie de mon énergie. Je savais que je ne pourrais pas en créer une seconde, il fallait viser juste ! Je lançai la sphère brûlante vers les créatures. Elle décrivit un arc de cercle avant d'embraser les ailes du papillon le plus proche. Il tourbillonna et s'écrasa au bas de la falaise, l’écho de son cri contre les troncs. Les deux autres hésitèrent quelques instants avant de prendre la fuite. Leurs sifflements de colère résonnèrent dans la nuit.

Il ne restait plus que la quatrième créature, une petite raie dont le dos brillait sous l'éclat lunaire. Elle faisait moins d'un mètre de long, queue comprise, et dérivait tranquillement dans l'air nocturne. Je me demandai par quel miracle elle pouvait flotter ainsi sans se mouvoir.

— Ils ne t'ont pas fait de mal ?

L'animal s'approcha lentement de moi, et agita sa longue queue recouverte de pointes. Je tendis la main et la raie vint y frotter sa tête. Elle ronronnait exactement comme un chat. Je caressai ses écailles, apaisée.

— D'où viens-tu ? Tu es toute seule ?

Elle se retourna soudain vers le bord de la falaise et je la suivis du regard. Une autre tête écailleuse apparut tout d'un coup. Mais celle-ci était immense ! Le souffle dégagé par les ailes de l'adulte me repoussa en arrière. Ça sentait… le poisson !

La petite raie alla se frotter à sa mère avec des ronrons. Un œil de la taille de ma tête m'examina attentivement. L'animal fit ensuite un mouvement de sa queue, vers son large dos.

— Tu veux que je… monte ?

Je regardai à nouveau Arthur et Ian. Ils dormaient toujours. La petite raie vint me pousser doucement dans le dos.

— D'accord, d'accord, dis-je.

Je sautai maladroitement sur la tête de sa mère, et m'installai le plus confortablement possible entre deux piques au milieu de son dos. Elle s'élança dans le ciel sans prévenir ! Je m'accrochai comme je le pus mais me rendis vite compte que je ne pouvais tomber que si elle se retournait, ce qu'elle ne semblait pas vouloir faire.

La falaise s'éloigna rapidement. Le vent froid soufflait sur mon visage et me mit les larmes aux yeux. Je les chassai de la main pour découvrir le paysage baigné de lune qui défilait sous son ventre.

A cette hauteur, il m'était possible de voir que la forêt s'étendait sur des centaines de kilomètres. Et dire que nous avions pensé n'y passer que quelques jours… Cela allait prendre des semaines pour traverser ces bois !

La raie piqua vers le bas et je sentis un frisson d'excitation courir le long de mon dos. Le nuage dans lequel nous entrâmes était dense et humide. Les gouttes d'eau fouettaient ma peau et j'avais l'impression que des milliers d'aiguilles tentaient de me transpercer. Je sortis de là toute mouillée, frigorifiée mais heureuse comme jamais.

La petite nous avait rejointes et volait à ma hauteur. Elle posa soudain son museau sur mon pansement trempé. La douleur m’arracha un petit cri. L’animal me regarda quelques secondes avant de plonger vers la forêt en contrebas.

— Est-ce qu'on pourrait rentrer ? demandai-je à contrecœur. Je meurs de froid !

Sa mère semblait m'avoir entendue car elle fit demi-tour en un large arc de cercle. L'autre raie revint vers moi, une poignée de feuilles dans sa bouche. Je pris les tiges qu'elle me tendait. Je n'avais encore jamais vu une plante pareille : ses larges feuilles dentelées brillaient d'un éclat mordoré dans la lumière lunaire.

— Que veux-tu que je fasse avec ?

Elle arracha une feuille de mes mains et la mâcha avant de l'avaler.

— Tu veux que j'en mange ?

Je fus surprise de voir la créature hocher la tête. Elle me comprenait donc ! Je portai l'une des tiges à ma bouche. La sève sucrée se répandit sur ma langue. Ce n'était pas mauvais du tout ! J'avalai ma bouchée et la brûlure de mon bras se calma immédiatement. La douleur était toujours là mais je n'avais plus envie de m'arracher la peau pour qu'elle parte.

— Merci ! Ça fait du bien.

La raie sembla sourire. Je rangeai le reste de la plante dans ma poche et regardai en bas. La falaise approchait à toute allure ! Mais l'animal s'arrêta sans heurts au-dessus du sol. Je descendis, toute tremblante, pour lui faire face.

— Je te remercie. C'était génial ! m'écriai-je.

La raie hocha la tête. J'avais l'impression que c'était plutôt elle qui me remerciait d'avoir sauvé son petit. Ils s'éloignèrent tous les deux dans la nuit, et me laissèrent seule et trempée. Je les regardai disparaître au loin, un grand sourire sur le visage.

Qui s'évapora immédiatement quand je vis l'air contrarié d'Arthur.

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