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Je ne rentrai pas chez moi, évidemment. Mais l'endroit où nous emmena Lys m'était familier. Je l’avais déjà aperçu lors de ce fameux trajet avec Jake. Je me trouvais en périphérie de la petite ville que j'avais quittée il y a trois ans.

La route que nous empruntions serpentait entre les arbres de la vallée. Elle disparaissait parfois pour réapparaître un peu plus loin. Ce sentier n’était pas très fréquenté mais une voie plus large partait du château pour se perdre ensuite dans les collines. D’où je me trouvais, je ne pouvais pas apercevoir la totalité du paysage car les arbres et la nuit me masquaient la vue.

Il m'était étrange de revenir aussi près de chez mes parents. Cela faisait tellement longtemps que je ne les avais pas vus ! J'avais envie de me précipiter à la maison pour les serrer dans mes bras. Mais je savais que je n'en ferais rien. Je ne pouvais pas prendre le risque que la Fondation apprenne leur existence. Je me rappelai avec nostalgie ma maison, ma famille, mes amis. Un autre temps, dans une autre vie…

Je soupirai et caressai la tête de Ian. Le garçon s'était endormi des heures auparavant.

— Il ne pourra pas rester avec toi, tu le sais bien. Il a des choses à apprendre, comme les autres enfants.

— Je suis au courant. Pas besoin de me le rappeler sans cesse !

Je vis les yeux verts de la femme briller dans le rétroviseur. Elle semblait en colère.

— Si tu veux un bon conseil : utilise un autre ton. Ici, ce n'est pas la Confrérie ! Le respect de la hiérarchie est important si tu ne veux pas t'attirer d'ennuis.

— Désolée.

— Ce n'est pas grave, soupira-t-elle. Bienvenue à Aidan.

Je descendis de la voiture et regardai autour de moi avec curiosité. Les bâtiments étaient plongés dans le noir et je ne pus distinguer grand-chose.

— Alors c'est ça le monastère d'Aidan… dis-je doucement.

— Tu en as déjà entendu parler ?

— Oui, il y a quelques années.

Nous avancions dans un couloir sombre et l'écho de nos pas résonnait dans le silence. Je pouvais sentir que l'enfant était effrayé, il serrait ma main comme s'il avait peur que je disparaisse. Nous arrivâmes devant une lourde porte en bois. Lys frappa mais n'attendit pas de réponse avant d'entrer.

La porte s’ouvrit silencieusement sur une salle. Celle-ci était assez grande et illuminée par un feu de cheminée dans le fond, ce qui plongeait la pièce dans une lumière chaleureuse mais toujours faible. Tout autour de moi, les parois prenaient des couleurs fantomatiques et les ombres ne cessaient de bouger, me faisant croire parfois que l’ensemble de l’endroit était vivant. Le feu, qui m'avait paru si rassurant, cachait à présent les visages de ceux assis autour de la table.

Les torches placées à intervalles réguliers sur les murs s’allumèrent alors l’une après l’autre et je pus voir les six personnes. Il y avait une femme âgée assise au bout de la table, éloignée de moi de quelques pas seulement. Les autres étaient plus loin. Deux hommes, sur ma droite, me regardaient d’un air pas très amical. L’une des femmes m’adressa un léger sourire d’encouragement. Je m'avançai alors plus près, Ian toujours accroché à moi.

Lys s'inclina légèrement. Je ne savais pas quoi faire et je fis de même sous le regard amusé de la vieille femme.

— Alors comme ça, c'est toi que la Confrérie veut retrouver à tout prix, commença-t-elle.

J'acquiesçai. Elle jeta un regard lourd de sens à son voisin.

— Sache que, malgré ce que pensent certains, tu es la bienvenue ici. Pour autant que tu respectes nos règles et ne fais pas de vagues.

— Je comprends.

— C'est bien. Lys va vous montrer où dormir ce soir. Reviens ici ensuite, dit-elle à mon guide.

Quand nous eûmes fait le tour de la galerie, Lys poussa une autre porte et je me retrouvai dans une petite chambre pas vraiment accueillante, meublée seulement du strict nécessaire.

Un lit étroit était collé contre le mur. Quant au reste du mobilier, il se composait d’une petite table près d’une fenêtre pas beaucoup plus grande, d’une armoire et d’une unique chaise. La pièce restait sombre malgré la bougie qu’elle avait posée sur la table.

Elle me tendit en silence une pile de draps et une couverture. Je me mis à faire mon lit, tout aussi silencieuse. Je n’avais jamais vu de gens aussi étranges, et me sentais totalement perdue dans ce monde nouveau.

Je remarquai soudain que j'étais seule. Une légère inquiétude me gagna. Je jetai un coup d’œil dans le couloir désert. Où avait-elle emmené Ian ? Je décidai finalement de ne pas me faire autant de soucis pour l'enfant. Il ne courrait aucun danger ici, et je ne pouvais de toute façon rien changer à la situation.

Quand je me glissai enfin dans le lit, je ne pus réprimer un frisson. Le sommeil semblait me fuir. Je ne cessais de me demander comment allaient mes amis, ce qu’ils faisaient, s’ils étaient inquiets pour moi et ainsi de suite. Je finis par m’endormir avec le doux chant des grillons et le bruissement des feuilles à l’extérieur comme berceuse. Et je rêvai.

Je rêvai d’un endroit étrange. La pleine lune brillait dans le ciel, un nuage venait parfois la masquer et plonger le paysage dans une obscurité spectrale. Tout était sombre, en nuances de noir et d’argenté. Il n’y avait aucun arbre, ni même un seul brin d’herbe. La terre semblait déserte, pas un seul souffle de vie.

C’est alors que je le vis. Majestueux sous la lumière de la lune, l’animal s’avançait lentement vers moi. Un loup. Je reculai, reculai jusqu’à sentir une de ces nombreuses pierres tranchantes dans mon dos. Je regardai autour de moi.

Tout avait changé. Je me trouvais maintenant dans un lieu rempli d’étagères. Je reconnus la pièce principale de la librairie. Mais les livres avaient été remplacés par des tas de cendres. Tout avait brûlé ! Le loup était toujours là, à deux pas de moi. Étrangement, je n’avais plus peur.

J'avançai longtemps, suivant l’animal à travers l’immense labyrinthe que formaient les armoires. Nous arrivâmes finalement dans un espace sombre et désert.

La lune apparut alors lentement dans le ciel et l’espace autour de moi s’illumina de mille reflets argentés qui semblaient trancher la douce pénombre qui régnait tout autour. C’était magnifique. Je regardai autour de moi, émerveillée, le loup avait disparu. Non, il était toujours là, caché dans l'une des rangées.

Je baissai les yeux sur ma main. Je tenais le poignard de Jake et des lignes bleues remontaient le long de mon bras. Une goutte de sang s'écrasa au sol avec fracas.

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