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Leur base ne se trouvait qu'à quelques kilomètres de là. Ce n'était même pas à proprement parler un quartier général, seulement une maison un peu mieux entretenue. David me fit visiter. Un salon meublé de vieux canapés en cuir foncé, une cuisine pas très propre, la cave humide et une pièce qui servait vraisemblablement de dortoir à toute la bande.

— Tu peux dormir là pour l'instant, dit-il avec un geste vers le matelas posé à même le sol.

Il me présenta ensuite au reste du groupe. Martha, une femme grisonnante dans la soixantaine, était la chef incontestée. Elle parut indifférente à ma présence. Je supposai que Cassandra avait dû parler en ma faveur. J'appris que Matteo était le mari de Cassandra. Si Martha était le lien avec la Confrérie, lui organisait tout l'aspect pratique des missions. Ren, un japonais d'une quinzaine d'années, était un petit surdoué en informatique.

Ils étaient tous assez portés sur l'alcool et ne semblaient pas se formaliser de vivre dans un endroit aussi délabré.

— On ne fait pas le ménage, m'expliqua David. Quand ça devient trop sale, on change d'endroit. La Confrérie nous permet d'utiliser toutes ses propriétés abandonnées à notre guise.

— La cave vous sert à quelque chose ? demandai-je.

— Non, pas pour le moment. Ça ne fait que deux semaines que nous sommes ici. Pourquoi ?

— J'ai besoin d'un endroit qui ferme à clé pour travailler. Ce que je fais n'est pas sans danger. On est où au fait ?

— En France, me répondit-il évasivement.

Je me levai tôt le lendemain. Après une soirée assez animée, les autres ronflaient encore. Je mangeai rapidement dans la maison silencieuse. J'étais la seule debout et je comptais bien en profiter pour voir cette cave d'un peu plus près.

L'état de la pièce laissait à désirer. Un soupirail placé tout contre le plafond permettait à l'air de circuler et la lumière qu'il fournissait était suffisante pour que je me repère. Cela ne me prit pas trop de temps pour dégager la poussière accumulée sur les étagères vides et balayer le sol en béton. Je sortis le plus silencieusement possible les deux sacs de déchets que j'avais ramassés. Maintenant, il me fallait plus de lumière.

Je remontai au rez-de-chaussée et commençai à fouiller toutes les armoires de la cuisine. Comme je m'y attendais, je finis par mettre la main sur trois paquets de chandelles vertes et une bouteille d'eau que j'emportai en bas. Une fois allumées, les bougies donnaient un air plus chaleureux à mon nouveau domaine. J'entrepris de continuer mon aménagement en traçant un sceau de protection à la craie à même le sol. J'étais en train de prudemment recouvrir les traits de poudre quand David me surprit.

— Tu es debout depuis combien de temps ?

— Une heure ou deux. Tu veux voir quelque chose de cool ?

Je sortis du cercle avant de me pencher pour mettre le feu à la poudre. La pièce fut soudain illuminée comme en plein jour pendant que le sort traçait lentement son chemin. Une fois satisfaite, je fis le tour des lignes creusées dans le béton pour les arroser d'eau. Le liquide grésilla au contact des flammes vertes. Il ne resta bientôt plus que des rainures pleines d'eau stagnante. Une fois qu'elle se serait évaporée, ce sceau pourrait tenir des mois sans entretien.

— C'est génial ! s'exclama David. Tu as employé la même chose pour la porte ?

— Oui, c'est le même. Mais il y en a plein d'autres bien plus intéressants.

— Montres-en moi un alors !

— Je n'en ai pas beaucoup. Il faut que j'en refasse… Viens toujours essayer celui-ci.

Je posai la bouteille d'eau sur le sol et sortis une fiole avec un fond de poudre bleue.

— Je peux le faire aussi ? demanda-t-il.

— Bien sûr ! Tout le monde peut l’utiliser. Frotte-la entre tes mains puis essaye d'attraper la bouteille.

Sa main traversa le verre comme s'il n'existait pas. L'eau se teinta de bleu et les cristaux se déposèrent lentement au fond.

— Ouah ! Trop bien ! Ça va nous être très utile mardi.

— Qu’est-ce qui se passe mardi ?

— On va faire sauter un hangar de la Fondation ! Ça te dit ?

Il voulut recommencer une seconde fois.

— Pourquoi ça ne fonctionne plus ?

— Tu l'as lavé. Essaye avec l'autre main, souris-je.

Pendant qu'il jouait avec le récipient, je sortis mon carnet et cherchai une adresse.

— C'est loin d'ici ? demandai-je.

— Non, on peut y être avant midi. Mais pourquoi veux-tu y aller ? Ce n'est qu'une zone d'entrepôts désaffectés.

— Il me faut des ingrédients pour réaliser d'autres poudres. Et c'est le seul endroit de la région où je vais en trouver. Tu peux m'y emmener ?

L'endroit où je voulais aller était le dépôt central du fournisseur d'Iris. J'étais certaine qu'il devait y avoir d'autres personnes moins liées à la Confrérie qui pratiquaient le même commerce mais je ne savais pas comment les trouver.

Nous quittâmes la base pour rouler dans les rues d'un village désert. Presque toutes les maisons avaient des planches clouées en travers de leurs fenêtres. Certaines semblaient même sur le point de s'effondrer. La seule enseigne que je vis ouverte était un petit café situé au centre du village.

— Où sont passés tous les habitants ? demandai-je.

— Ils sont partis s'installer à la ville. C'est pas un coin commode par ici. La plupart des commerces sont à une demi-heure en voiture et l'école est dans le village à côté. Et puis…

— Et puis quoi ?

— Oh, ce n'est qu'une rumeur infondée ! Certains affirment que des ovnis se seraient posés dans la région. Mais faut y croire quoi.

— C'est dommage, c'est beau par ici.

— Ah ça c'est sûr. Quelques familles ont bien essayé de s'installer dans ces maisons mais y ont vite renoncé. Quoi qu'il en soit, la ville reste tout de même plus pratique.

Je regardai le paysage défiler. La région me parut en effet assez sauvage. Nous avancions sur une petite route sinueuse entourée d'arbres. La voiture traversa un pont au-dessus d’un petit ruisseau. Plus loin s'étendaient quelques champs de maïs et des pâturages.

— Tu sais où on va au fait ? Mon GPS n'arrive pas à trouver l'adresse que tu m'as donnée.

— Non, je ne suis jamais venue.

— Pas grave, je connais plus ou moins…

Le décor changea peu à peu. Les bois furent remplacés par une autoroute. D'autres voitures firent leur apparition. David prit une sortie. Peu de temps après, les premiers bâtiments commencèrent à se dresser tout autour de nous. C'était pour la plupart des blocs de logements. Les rues étaient ici un peu plus animées. Des mères promenaient leurs poussettes et bavardaient avec entrain ; des enfants jouaient dans un petit parc.

Nous sortîmes de la zone résidentielle pour nous enfoncer dans un dédale de garages et de petits entrepôts. Je regardais à l'extérieur pour tenter de repérer celui qu'il me fallait. J'aperçus soudain un signe que je connaissais bien dessiné sur l'une des portes : un trait sinueux vertical barré par deux autres lignes perpendiculaires.

— Arrête-toi, dis-je.

— Tu es sûre ? C'est vide par ici.

Je descendis de la camionnette et m'approchai du hangar. Il avait en effet l'air abandonné mais la Confrérie n'avait jamais fait dans l'exhibitionnisme. Je soulevai le volet et entrai sans frapper, suivie de près par David.

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