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J'étais enfermée ; enfin pas vraiment. Rien ne m'empêchait d'ouvrir la fenêtre de la salle de bains attenante et de sauter en bas pour m'enfuir. Sauf le fait que j'étais au deuxième étage. Et ma peur de ce qui m'attendait une fois dehors.

Je restai donc sagement assise dans la pièce vide tandis que la luminosité extérieure baissait peu à peu. Je me demandai où j'étais et entre les mains de qui j'étais tombée. La première réponse était évidente : loin. Nous avions roulé pendant plus de six heures, avec une seule pause. Ajouté au chemin que j'avais parcouru avec Jake, j'étais à peu près certaine d'avoir quitté l’Allemagne.

Un mince croissant de lune fit son apparition derrière les nuages. Je le regardai distraitement cheminer entre les branches des arbres. Qu'avait fait Jake après que je me sois enfuie ? Avait-il persisté dans son idée d'ouvrir le portail ?

Mon estomac gargouilla. Je n'avais rien mangé depuis le petit déjeuner et l'eau du robinet avait une couleur peu engageante. Je me levai maladroitement avant d'aller tourner la poignée de la porte. Verrouillée, comme je m'y attendais. Je tapai doucement sur le bois, puis de plus en plus fort.

— Ohé ! Il y a quelqu'un ?

Personne ne vint m'ouvrir. Étais-je seule dans la maison ou bien se fichaient-ils pas mal de moi ? Je poussai contre le battant. La porte ne me semblait pas bien solide. Un coup de pied bien placé et je devrais pouvoir la défoncer. Mais j'avais mieux.

Je sortis le sachet de poudre et les gants de mes poches. Mes ravisseurs n'avaient pas pris la peine de m'attacher ni de me fouiller avant de m'enfermer. Ils devaient penser qu'une fille maigrichonne ne représentait aucune menace.

Dans la semi-pénombre, je ne voyais pas vraiment ce que je faisais et me fiai à mon sens du toucher. Je soufflai un peu de poudre dans la serrure avant d'en étaler partout autour. La flamme de mon briquet mit immédiatement feu au mélange. Je dus me protéger les yeux de l'intense lumière verte qui se dégagea. Quand ils s'habituèrent de nouveau à l'obscurité, je vis que le sort avait creusé un trou de la taille de mon poing, brûlé la serrure, une partie du mur et de la porte. Heureusement, le feu ne s'était pas propagé plus loin !

Je poussai le battant et me retrouvai sur le palier d'un escalier sombre. Une lumière brillait plus bas, au rez-de-chaussée, et je descendis lentement dans cette direction. La maison était calme, seul le grincement des marches sous mes pas brisait le silence. Dehors, par la fenêtre, je remarquai que les nuages s'étaient de nouveau accumulés en grandes masses noires. Un coup de tonnerre se fit entendre au loin.

La cuisine était éclairée par une ampoule nue suspendue à un fil. Seule une table en bois entourée de six chaises bancales et un frigo qui ronronnait doucement meublaient la pièce. J'ouvris la porte pour découvrir qu'il était pratiquement vide, mis à part trois canettes de bière et un pack d’eau. Je pris une bouteille et en avalai la moitié d'une traite, avant de manquer de m'étouffer lorsque je réalisai que je n'étais plus seule.

Les deux nouveaux venus me regardèrent avec étonnement. Le conducteur de la camionnette, un jeune homme à la peau basanée devait à peu près faire mon âge. Une femme plus âgée l'accompagnait, elle portait deux sacs de courses noirs.

— Qu'est-ce que tu fais là ? me demanda-t-il.

— J'avais soif. Des heures que j’étais enfermée là-haut ! J'en ai eu marre.

— Comment es-tu sortie ? demanda la femme avec suspicion.

— J'ai des ressources. Il y a à manger là-dedans ? fis-je en indiquant les sacs.

Ils se regardèrent avant de sortir des boites de nouilles à emporter et de les poser sur la table. Je m'assis et commençai à manger en silence, rapidement suivie par mes deux compagnons.

— On est tout seuls ici ? demandai-je la bouche pleine.

— Oui, me répondit le jeune homme. Matteo et les autres ont rentrés à la base.

— David ! s'exclama la femme. Combien de fois t'ai-je dit de ne pas mentionner la base devant des inconnus ?

— Oups, désolé Cassandra. J'ai encore gaffé… Tu n'as rien entendu !

Je souris et avalai une autre bouchée. Cassandra soupira avant de se tourner vers moi.

— Fondation ou Confrérie ? dit-elle en indiquant mon pendentif.

— Ni l'une ni l'autre. Les deux veulent ma peau !

— Qu'est-ce que tu as bien pu faire pour ça ? s'étonna David.

— Rien justement. Je suis née avec les mauvais gènes…

— Je vois, dit Cassandra. Et laquelle des deux fuyais-tu cet après-midi ?

— La Confrérie. La Fondation ne sait même pas que j'existe, heureusement.

— Pas de bol, sourit le garçon. On travaille pour la Confrérie.

Je reculai, surprise, et lâchai mes baguettes. Je n'avais plus faim soudainement.

— David !

— Oups, d'accord, je me tais.

Cassandra remarqua mon air effaré. Elle semblait réfléchir. Je reculai encore jusqu'à la porte. J'étais prête à filer quand elle se décida à me parler.

— Tu n'as aucun intérêt à t'enfuir. Tu n'as nulle part où aller, n'est-ce pas ?

Je me figeai net. C'était vrai. Je ne pouvais plus retourner à la librairie, rentrer chez moi aurait mis mes parents en danger et Iris faisait elle aussi partie de la Confrérie. J'étais seule, livrée à moi-même.

— Tout vaut mieux qu'ici, dis-je prudemment.

— Peut-être pas, me sourit-elle. Et si je te proposais un travail ?

— Je ne vois pas en quoi cela peut m'aider de bosser pour la Confrérie…

— Au contraire, dit la femme. Vois-tu, si nous travaillons bien pour eux, ils ne contrôlent pas nos actions. Tu pourrais rester, nous aider dans nos opérations. Et personne ne le saurait.

— Cass, mais tu es folle ! s'exclama David. Martha n'acceptera jamais. En plus, en quoi pourrait-elle nous être utile ?

— C'est toujours bien d'avoir une sorcière de notre côté. Et puis, c'est ça ou on doit s'en débarrasser, soupira Cassandra.

— Elle plaisante, n'est-ce pas ? demandai-je à David.

— Euh, en fait…

Je revins lentement vers la table. Je n'avais pas d'autre choix que d'accepter la proposition. Pourtant, je me sentais mal à l'aise. J'avais l'impression que, depuis que j'avais mis la main sur le livre de Hopper, d'autres passaient leur temps à décider de ma vie. D'ailleurs, ces deux-là étaient-ils au courant des recherches de Jake ? Rien ne me disait que je n'allais pas me faire tuer plus tard ?

David s'éclipsa à l'étage, et nous laissa en tête-à-tête. Je l'examinai du regard. Pouvais-je lui faire confiance ?

— Vous avez raison, dis-je finalement. J'y mets cependant deux conditions.

— Je t'écoute.

— Je ne travaillerai pas pour vous mais avec vous. Je veux une part des bénéfices. Et puis, personne n'essayera de trouver qui je suis ni ce que je faisais avant.

— C'est à ce point-là ! Ne t'inquiète pas, nous avons tous quelque chose à cacher. La Confrérie compte sur ça pour s'assurer que nous remplissions bien les missions qui nous sont confiées.

— Comme celle d'aujourd'hui ?

— Oh, ce matin, c'était particulier. Nous n'avons pas souvent à poursuivre ainsi des personnes mais ce fugitif était…

— Il va falloir que tu m'expliques comment tu as fait ça ! l'interrompit David.

Nous le regardâmes toutes les deux.

— C'est trop cool ! continua-t-il. Tu saurais le refaire ?

— Quoi ? Le trou dans la porte ? Mais bien sûr, ce n'est pas difficile, pouffai-je.

Il semblait à la fois étonné et excité par ma réponse. J’avais supposé que les sorts d'Iris seraient utiles aux voleurs. J’étais heureuse d’en avoir appris un maximum avant de m'enfuir. Cependant…

— Lave-toi les mains si tu l'as touché, dis-je. Parce que ce truc ne brûle pas que le bois.

Il se précipita sur l'évier. Je souris et aidai Cassandra à ramasser les restes du repas. Je sentais que je pourrais avoir ma place dans leur groupe. Et si cela me permettait d'éviter Jake le temps de faire d'autres recherches sur le monde de Lor, ce n'était que tout bénéfice pour moi.

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