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— Et Jake t'a juste laissée continuer ? me demanda Iris, déconcertée.

Nous nous trouvions au bord du fleuve. La chaleur avait fait un retour en force et c'était le seul endroit de la ville où la température demeurait supportable.

— Comment voulais-tu qu’il réagisse ? Je l'ai mis devant le fait accompli, même si je déteste avoir dû faire ça.

— Tu n'as pas à t'en vouloir ! C'était à Jake de prendre les devants. S'il avait choisi de t'enseigner correctement au lieu de poursuivre ses chimères, tu n'aurais même pas eu à te cacher pendant des mois !

Je savais qu’elle avait raison. Pourtant, je ne pouvais m'empêcher de me sentir coupable. Je n’avais même pas tenu ma promesse quelques semaines. Et puis, je voyais bien que Jake ne savait plus comment se comporter avec moi. Il fallait que je trouve un moyen d'arranger la situation. Peut-être que si je lui donnais un coup de main pour ses recherches, tout redeviendrait comme avant… Mais je ne savais pas comment faire cela sans avouer que j'avais en plus fourré mon nez dans ce qui ne me regardait pas.

— Au fait, me dit soudainement mon amie, ma mère veut que je l'accompagne au Japon le mois prochain pour le rassemblement annuel. Elle tient à ce que le monde voie la belle famille que nous formons !

— Et ça ne t'arrange pas ?

— Bien sûr que non ! Beaucoup de travail m'attend ici. Les mois de vacances sont les plus chargés en commandes ! Mais ça, ma mère ne semble pas s'en soucier. Elle affirme que je n'ai aucun besoin de travailler alors qu'on possède suffisamment de ressources… Des fois, elle ne comprend rien à rien !

Nous restâmes assises en silence. Je balançais mes jambes au-dessus de l'eau. Je voulais aider Iris, mais sans voir de solution à son son problème.

— Tu ne peux pas juste refuser d'y aller ? finis-je par demander.

— Eileen, on ne dit pas non à ma mère…

— Je vois… Est-ce que ça t'éviterait de perdre tes clients si je reprenais une partie des commandes ?

Elle me regarda avec de grands yeux.

— Tu pourrais y arriver ?

— Je pense que oui, répondis-je. Tu m'as montré comment faire, non ? Je maîtrise les sorts simples et ils composent la plus grande partie des colis.

— Ce n'est pas une mauvaise idée ! Je pourrais te préparer tous ceux qui nécessitent de l'expérience et tu n'aurais plus qu'à les livrer. Pour le reste, tu n'aurais qu'à improviser au fur et à mesure. Merci Eileen, tu es une vraie amie !

Je trouvai la suggestion excellente. Cela allait me permettre de rencontrer enfin les autres membres de la Confrérie. Il me restait tellement de choses à apprendre…

***

Les caisses d'Iris firent leur apparition un jour de juin. Aran, l'intendant de la demeure de mon amie, m'aida à tout décharger sous le regard attentif de Jake. Mon mentor ne dit pas un mot. Pourtant, je n'avais pas tellement eu le choix. La librairie restait le seul endroit relativement tranquille où je pouvais travailler. J'aurais en effet eu du mal à expliquer à mes parents ce que j'étais en train de faire… Et de toute façon, une fois rangées, les boîtes n'occupaient pas tellement d'espace.

Le premier carton sur lequel se posa mon regard était rempli d'enveloppes et de sachets de poudres déjà tout prêts à être distribués. J'enfourchai donc mon vélo et partis livrer les premières commandes.

Le moins que l'on puisse dire, c'est que cet été passa en un clin d’œil. Entre la préparation des sorts et le service postal, je n'avais plus une minute à moi ! Je supposai que c'était plus facile pour Iris, elle devait avoir l'habitude. J'étais en effet novice dans le domaine, lente et plutôt maladroite quelquefois. Les premiers jours, certaines de mes poudres avaient même fondu sous le soleil ardent du mois de juillet, et rendu mon travail inutilisable. Je pris l'habitude d'utiliser des sacs isothermes pour le transport.

Peu à peu, je me familiarisai avec cette nouvelle activité. Je laissai tomber toutes mes études, en tout cas celles sans rapport direct avec mon travail. Au fil des rencontres, je réalisai que ma petite ville contenait beaucoup plus de sorciers que je n'imaginais. De plus, tout le monde pouvait faire partie de la Confrérie, qu'il possède ou non le Don. Si, au début, les clients d'Iris étaient assez réticents à voir une nouvelle tête, une simple mention du nom d'Ananda arrangeait bien souvent la situation. J'appris à lever les yeux du sol et à regarder plus attentivement les passants que je croisais. Et je fus surprise de voir que certains me rendaient mon regard, voire même me saluaient quand ils me voyaient passer en flèche sur mon vélo.

A la maison, l'ambiance était tout autre. Mes parents ne cessaient de me reprocher mes nombreuses absences et me demandaient souvent où je passais mes nuits. Je ne savais plus quoi leur raconter pour paraître crédible. Mais ce n'était pas le seul problème. En août, je commis la monumentale erreur d'oublier la période d'inscription à l'université. J'avais de toute façon décidé de ne pas aller en médecine comme je l'avais promis, mais je ne pouvais pas en expliquer la raison à ma famille. Tout comme je n'avais aucune indication à leur donner sur mes activités en-dehors de la maison.

J'aurais bien évidemment pu demander l'aide de Jake mais je savais qu'il me laisserait me débrouiller. Quelque chose avait changé entre nous et ce n'était pas plus mal. Il ne me laissait plus seule à la boutique et passait son temps plongé dans ses recherches. Quand ce n'était pas pour m'observer en silence alors que je continuais à travailler sans un mot. Pourtant, quand j'avais un problème, je trouvais souvent la solution dans des livres laissés bien en évidence. Aussi, assez fréquemment, je remarquais que le guérisseur prenait le temps de passer en revue les commandes que je préparais. Je lui fus reconnaissante de corriger beaucoup de mes erreurs lors de mes absences. J'apprenais indirectement, même si on ne se parlait plus trop. Il me laissait gérer tout le reste à ma guise et cela me convenait.

Mi-août, je me demandai soudain combien de temps je pourrais continuer à ce rythme. Iris n’avait en effet plus donné de nouvelles. Je ne savais pas quand elle rentrerait de son voyage, ni si elle pensait revenir un jour. À chaque fois que je passais devant chez elle, la demeure était désespérément vide. Je commençais à regretter d'avoir proposé mon aide. L'expérience était certes intéressante, mais je ne me voyais pas jouer à l’apprentie sorcière toute ma vie. Les commandes continuèrent pourtant à affluer sans discontinuer, et je prenais encore le temps qu'il fallait pour toutes les honorer. Jusqu'à ce que…

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