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Jake était une nouvelle fois absent et je décidai de m'occuper un peu en explorant la librairie. Ayant passé beaucoup de temps dans la pièce principale, j'en connaissais les moindres recoins. Mais ce n'était pas le cas de la réserve. Je savais qu'elle contenait les étagères du niveau rouge, dont je n'avais pu encore consulter le moindre ouvrage.

La pièce était plongée dans la pénombre et je tâtonnai pour trouver l'interrupteur. Une fois le seuil franchi, je me retrouvai en face du tableau électrique du magasin. Sur ma droite, les hauts rayonnages étaient disposés de façon circulaire. Au milieu de cet espace, se trouvait une table identique à celle de l'entrée. Je parcourus les tranches des livres du regard et fus étonnée de ne pas comprendre tous les mots que je voyais. Ils étaient donc censés n'être lus que par des personnes déjà bien avancées dans le domaine…

Je reconnus un titre pour l'avoir déjà vu auparavant. L'un des ouvrages bleus que j'avais emprunté expliquait la notion de transfert d'énergie d'un objet à un autre. Cela permettait, par exemple, de créer des vagues sur l'eau ou d'éteindre une bougie. J'avais facilement assimilé ces exercices somme toute assez simples. Cependant, mon livre n'allait pas plus loin que les quelques notions de base. Celui que je tenais entre les mains semblait par contre être le tome deux. J'en commençai la lecture mais m'arrêtai bien vite : la plupart des passages ne m'étaient pas assez compréhensibles. Je réalisai qu'il me faudrait encore beaucoup d'étude pour rendre cette expérience profitable.

Je m'apprêtais donc à sortir, déçue, lorsque mon regard se posa sur une simple boîte métallique glissée sous une étagère. Je l'ouvris avec précaution. A l'intérieur se trouvaient quelques épais cahiers recouverts de cuir brun. Un mot attira mon attention : Hopper, à nouveau lui.

Je m'assis à même le sol et tentai de déchiffrer ce que je pouvais. Il était question de recherches et d'expériences. Impossible de tout retenir ! Je recopiai les parties que je ne comprenais pas dans mon carnet. J'avais l'intuition que cela me serait utile plus tard.

Au fur et à mesure que les pages défilaient, j'acquis la certitude que ces carnets étaient ceux de Jake. Et, en suivant les dates indiquées, je me rendis compte que cela faisait des années qu'il s'intéressait à l'histoire de Hopper. Sa rencontre avec moi n'avait été que le dernier maillon de la chaîne : il avait presque tous les éléments nécessaires à l'ouverture de ce fameuse porte vers… une autre dimension ! Le monde de Lor, tel que décrit par Hopper, était-il donc une réalité ? J'avais du mal à le croire, ce n'étaient que des légendes, et rien de concret ne permettait d'affirmer que le sort indiqué entre ces pages allait réellement fonctionner…

Cependant, il manquait quelque chose pour que cela soit possible. C'était un mot qui revenait souvent, mais qui n’avait aucun sens pour moi étant donné que je ne l'avais jamais vu auparavant. Je le recopiai également avant de me relever, toute ankylosée. Combien de temps avais-je passé ici ?

Je remis soigneusement les carnets à leur place. Il me restait une chose à essayer. Je coupai l'alimentation électrique de la boutique. La pièce du fond se retrouva plongée dans le noir. De l'autre côté, seule la lumière provenant de la galerie me permit de voir ou j'allais. Cela me rappela ma première visite, les toiles d'araignées en moins. J'attrapai une chandelle derrière le comptoir avant de revenir dans la réserve.

Je venais de voir dans le livre rouge comment je pouvais allumer une bougie. Étrangement, après ce que j'avais lu dans le journal de Jake, cela ne m'excitait plus autant. Je me devais néanmoins d'essayer.

Je me concentrai donc sur la bougie, focalisai toutes mes pensées sur cet objet. Mes paupières cessèrent de battre. Il n'y avait plus que cet unique point tout au bout de la mèche qui comptait en cet instant. Je ressentis la même sensation que lorsque j'avais essayé de faire déborder l'eau d'un verre. J'étais là, debout tenant cette chandelle, et j'étais en même temps… ailleurs. J'étais la mèche, j'étais les atomes qui la composaient, ces atomes qui n'attendaient qu'un petit coup de pouce de ma part pour briser leurs liaisons et donner vie à une flamme brillante. Je savais ce qu'il me restait à faire. Je passai ma main au-dessus de la bougie, souhaitant de toutes mes forces que cela fonctionne. Et une clarté tremblotante éclaira la pièce.

J'en fus tellement surprise que je faillis lâcher ce que je tenais entre mes mains. Je me calmai, soufflai la bougie et recommençai. La deuxième fois fut plus facile. A la cinquième, je savais que je pourrais le refaire à volonté quand le bruit de la porte d'entrée me fit sursauter.

— Eileen, tu es là ? demanda Jake.

— Oui, au fond, répondis-je en espérant que ma voix ne me trahisse pas. Les plombs ont sauté, je voulais remettre le courant.

Le guérisseur me rejoignit et remit le panneau en marche. Je soufflai la bougie.

— Ça n'aurait pas dû arriver, dit-il pensivement. Tu faisais quelque chose de particulier ?

— Non, je lisais, c'est tout…

Il me regarda avec suspicion. J'évitai de croiser son regard et sortis de la réserve.

— Il est tard de toute façon, dit-il. Rentre chez toi et repose-toi un peu, tu as l'air épuisée.

Ce soir-là, je n'eus pas l'occasion de ramener de livre à la maison.

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