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— Mais je ne comprends pas… D’où vient alors son énergie négative ?

— Toujours de la même source. C'est une infime partie de nos émissions d'énergie. Mais c'est aussi l'une des plus importantes car elle nous permet d'établir un lien social avec les personnes qui nous entourent. Tu vois ce que je veux dire ?

Je secouai la tête.

— Bon, prenons un exemple, continua-t-il. Je suppose qu'à ton âge tu as déjà dû aller boire un verre avec des amis. Comment te sentais-tu après deux bières ?

— Mieux, répondis-je. Bien en fait. C'était comme si je flottais et ça rendait les choses plus faciles pour rire et de discuter de tout et de rien.

— C'est exactement là où je veux en venir, dit Jake. L'alcool a l'effet d'émousser les sens. Cela fait tomber certaines barrières qu'on s'impose inconsciemment. Tu ne réfléchis plus alors à comment les autres te voient, ce qu'ils pensent de toi. Tu oublies la plupart de tes soucis pour être dans l'instant présent, t'amuser et la soirée passe en un clin d’œil.

Cependant, si les autres viennent plus facilement vers toi, c'est aussi une question d'énergie. Pour reprendre l'allégorie avec les couleurs, on peut dire que les problèmes quotidiens ternissent peu à peu l'aura. Plus on se concentre dessus et moins les autres ont envie de s'approcher. Ils nous voient alors comme une personne négative, trop sérieuse, qui ne sait pas lâcher prise. Bref, comme quelqu'un à fuir pour continuer à vivre heureux.

Je repensai à l'homme dans la galerie. Il devait se sentir vraiment seul dans la vie. Il devait aussi avoir beaucoup de problèmes. Mais vu que tout le monde l'évitait, personne ne devait l'aider à régler ses soucis. Alors, il passait son temps à ruminer, ce qui rendait son aura de plus en plus sombre et éloignait encore plus les gens. C'était un cercle vicieux…

— Bon, assez parlé de ce sujet déprimant, continua Jake. Si je t'ai expliqué tout cela, c'est uniquement pour ne pas que tu croies sans réserve tout ce que tu pourras lire sur internet. Parce que, dans ce domaine, ce n'est pas l'information qui manque. Encore faut-il garder un esprit critique et faire le tri… Je meurs de faim, pas toi ?

Je regardai l'heure. Il était déjà midi passé. Je savais que ma mère, une fois lancée, pouvait ne pas sortir le nez des cintres avant la fin de la journée. Et puis, je n'avais rien de mieux à faire alors je suivis Jake à la sandwicherie.

L'endroit était rempli et il ne restait plus qu'une seule table de libre près de la fenêtre. De là, on pouvait voir tout le parking extérieur recouvert d'une neige immaculée. Je commençai à manger distraitement. Jake continuait à parler mais je n'écoutais plus vraiment. J'agitai ma main devant la fenêtre. Tout me semblait normal, je ne voyais aucune couleur étrange. Pourtant, j'étais censée pouvoir les distinguer. Je me concentrai un peu plus. Oui, là, je crus voir une ombre autour de mes doigts. J'en étais à me demander de quelle couleur je pouvais bien être quand Jake interrompit ma rêverie.

— Tu m'écoutes ? Qu'est-ce que tu fais ?

— Je… J'essaie de voir mon aura.

Son regard se posa sur ma main puis sur paysage blanc à l'extérieur.

— Et tu vois quelque chose ? demanda-t-il en souriant.

— Je crois bien… du bleu je pense.

— Persistance rétinienne.

Mais qu'est-ce que c'était encore que ça ? Il dut voir mon air interrogatif parce qu'il se mit à m'expliquer.

— Au fond de l’œil, il y a des récepteurs qui nous permettent de voir les couleurs. Quand tu fixes une couleur trop longtemps, ces récepteurs saturent. Si tu regardes ensuite un fond clair, tu peux voir pendant quelques secondes une image rémanente en négatif. Tu comprends ?

— C'est ça que j'ai vu quand j'ai mis la main devant la fenêtre alors ?

— Oui. Parce que même si tu penses que tes yeux sont immobiles, ils bougent toujours un peu en réalité. Une partie de ta main est alors remplacée par le blanc de la neige et tu vois du bleu.

J'étais assez déçue. Je me rappelai alors que j'avais déjà vu ce phénomène en classe il y a deux ou trois ans avec l'image d'un canari dans une cage. Mais je ne savais pas que cela pouvait aussi s'appliquer à cette situation. Décidément, je n'avais pas assez prêté attention aux cours.

— Tu es à l'université, non ?

— Étais.

— Peu importe. Quelles études ?

— Le droit.

Il fit une pause avant de reprendre la parole.

— Je vois… Une fois que tu as fini tes humanités, tu étais contente d'être débarrassée de tous ces cours assommants n'est-ce pas ?

— Oui, la plupart ne me servaient plus alors j'ai un peu oublié.

— Eh bien, laisse-moi te dire que rien de ce que tu as vu jusqu'à ton entrée à l'université n'était inutile. Tu dois déjà avoir vu l'utilité des langues. Cependant, les sciences ne sont pas une option ! Avant de pouvoir agir sur le monde, il faut d'abord le comprendre. Et pour cela, on commence par les maths, la physique, la chimie et la biologie.

Je le regardai d'un air effaré. Il me fallait vraiment apprendre tout ça ? Et à quoi cela pouvait-il bien me mener ?

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