Chapitre Deux

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- Tu vas vraiment rester dans cette tenue, Azu ? me lança Samy avant que je ne puisse moi-même faire part de mon pitoyable accoutrement.

Je haussais les épaules.

-Je pensais que c'était une soirée plutôt Chill ! Hé puis, je ne suis pas si mal habillé que ça ! prétendais-je en essayant de paraître le plus crédible possible. Vu le regard foudroyant que venait de me lancer mon amie, cela n'avait pas fonctionner.

-Tu est en train de me dire qu'une soirée chez Jake Harrison serait une soirée Chill ? Tu sors un peu de ta grotte parfois ? s'exclama-t-elle avec un regard des plus dédaigneux.

Il était vrai que Jake Harrison était l'une des personnes les plus côtoyées, pour ne pas dire le plus riche de notre petite ville perdue. Il avait intégrer la faculté avec quelques mois de retard, d'ailleurs il ne se présentait quasiment jamais en cours, cela devait être un de ces privilèges de petit bourgeois. C'était vraiment un garçon arrogant et prétentieux, ce qui convenait parfaitement à sa conquête du jour : Victoria Baker, la fille de la maire. Ils s'étaient totalement trouvés ces deux là. Deux idiots aussi méprisant l'un que l'autre. Cela allait sans dire que Jake était une vraie star au campus. Le prototype même du bad boy ténébreux, riche et qui faisait craquer toutes les gonzesses de l'établissement, même Samy s'était laissée prendre dans son petit jeu de séducteur à deux balles. Motard, fumeur, brun et mystérieux, le vrai cliché du "bad boy" à l'état pur. Il voyait bien que j'étais l'une des rares filles qui ne lui portait absolument aucun intérêt, et je pense que c'est ce qui le poussait à se faire remarquer d'autant plus en ma présence. Exaspérant.

-Heureusement que j'ai pensé à tout ! finit-elle par exploser avant de venir se garer sur le bas coté de la route.

J'arquais un sourcil, perplexe de ce qu'elle allait me proposer.

- Enfile moi ça et que ça saute ! s'égosilla Samanta en me jetant à la figure un bout de tissu sur la tronche. Je m'occuperais de tes cheveux une fois arrivées.

En examinant le tissu de plus près, je découvris une très jolie robe en satin rouge bordeaux. J'hésitais un moment avant de céder face au regard insistant de la magnifique blonde, après tout c'était soit ça, soit je devais retourner chez ma tante et me prendre la raclée du siècle. J'ouvrais donc ma portière, vérifiant que personne ne pouvait me guetter du bout de la route. Heureusement pour moi, c'était plutôt calme ce soir, tous les jeunes de la ville avaient dû déjà s'entasser dans l'immense résidence des Harrison ce qui me permettait de troquer ma vieille tenue de ville contre la jolie robe fine que m'avait prêté Samy. Elle avait toujours eu un goût prononcé pour la mode, elle était constamment bien apprêtée. D'ailleurs, elle faisait partie de l'équipe des cheerleaders et devait être presque aussi populaire que Jake et Victoria, avec lesquels elle s'entendait assez bien. Je m'étais toujours posé la question : Si je n'avais pas rencontré Samy à l'enfance, aurait-on pu devenir amie ?

La réponse paraissait évidente, elle était belle et populaire et je n'étais qu'une fanatique de musique et d'arts, mais je chassais toujours cette idée de mes esprits. La vie en avait décidé autrement. Je soupirais avant de reprendre rapidement ma place dans la petite Ford coupé, et venais remonter ma vitre. Evitant tout contact avec ma camarade. Je savais qu'elle allait en faire des tonnes, c'était dans ses manières de petite blonde pom-pom girl.

- Azu ! Mais tu es ravissante dans cette robe signée Chanel ! s'écria la jeune conductrice. Elle te va bien mieux qu'a moi, tu devrais t'habiller comme ça plus souvent ! Tous les garçons seraient à tes pieds et..

Je l'interrompais alors, avant qu'elle n'aille plus loin. Ma pipelette de meilleure amie s'avisait donc de continuer son discours, et se concentrait alors sur notre trajet. Après un long silence de mort, j'avais compris l'avoir vexée. Je soufflais un moment avant de déposer mes pupilles sur elle, consciente qu'elle n'allait pas m'adresser la parole avant que je ne le fasse. C'était comme ça depuis belle lurette, nos différences de goûts, de perceptions et de caractère nous amenaient souvent vers des petites prises de têtes ridicules qui finissaient toujours par s'arranger.

- Merci d'avoir pensé à m'apporter cette robe Samy, décidais-je d'annoncer venant feindre le silence.

Elle se contentait de me faire un signe de la tête avant de venir monter le volume de la radio, une façon de m'annoncer qu'elle ne comptait pas me répondre pour le moment. Comprenant le message, j'appuyais ma tête contre mon poing fermé et me mettait ainsi à observer le paysage qui défilait dehors à travers du verre de la vitre Notre petite ville était certes égarée mais moi je la trouvais superbe, entourée d'une gigantesque forêt de long cyprès et d'épicéa dégageant une atmosphère unique. Mes amis trouvait ces bois relativement effrayant et n'osaient jamais s'y aventurer, alors que moi, tout au contraire, j'avais ce désir effroyable de m'y promener, de m'y perdre. La douce odeur du bois mouillé revenait à mes narines lorsque je fermais les yeux, et un fin sourire venait s'esquissait sur mes lèvres rebondies. Je pensais alors à cet endroit, dans lequel je me réfugiais lorsque personne d'autre ne me comprenait. Mon petit refuge m'apaisait toujours lorsque j'étais prise d'innombrable crises d'angoisse.

Le moteur de la bagnole s'était coupé et la musique venant de la colossale villa des Harrison venait me déchirer les tympans et me sortait donc promptement de ma rêverie. Jetant alors un coup d'œil à cet endroit, j'apercevais que le vaste jardin était parsemé d'envahisseurs communément appelés : des adolescents. Etait-il possible de mettre de la musique aussi fort et s'en sortir sans aucun dommages aux oreilles à la fin de la soirée ? J'avais un énorme doute. Je sortais alors de la voiture, abandonnée par Samy qui s'était déjà enfouie dans la foule, visiblement toujours fâchée de notre dernière altercation. Je m'avançais alors au milieu de tous ces jeunes qui se trémoussaient une bière à la main, manquant de me faire écraser à plusieurs reprise. J'arrivais, après des efforts titanesques, à me frayer un chemin à travers ces ados déchirés et me retrouvais alors dans une grande salle, presque vide ou je reprenais ma respiration. L'odeur de la transpiration mêlée à l'alcool ne faisait apparemment pas bon ménage. En quête de trouver un coin tranquille, ou je pourrais passer ma soirée sans trop de soucis, je m'avançais dans la maison finement décorée. Je n'avais jamais rien vu d'aussi luxueux mis à part ce que je pouvais voir à travers les écrans. J'arrivais donc dans la cuisine, dans le but de trouver éventuellement de quoi me rafraîchir.

La scène qui se déroulait devant moi, me coupait brusquement le souffle. Aaron était appuyé contre le plan de travail, un verre à la main en pleine discussion avec une grande brune qui s'était complètement avachie contre lui. Ils semblaient bien s'amuser tous les deux, cela ne faisait aucun doutes. La façon dont la jeune femme se mettait à piailler à chaque parole de mon copain, démontrait bien une chose : elle le draguait.

Je me retournai précipitamment en tournant les talons, priant tous les cieux qu'ils ne me voient pas et que je pourrais m'enfuir loin, loin de cette misérable fête, loin de cette musique ahurissante, loin d'Aaron. Une voix bien trop familière finit par crier mon prénom à travers la pièce. Génial, merci l'univers d'avoir écouter mes prières ! Je soupirais lorsque je voyais la musculature du blond se dessiner devant moi. Il venait de courir pour me rattraper, comme en témoigner son essoufflement lorsqu'il essayait de m'adresser la parole.

- Je ne savais pas que tu venais ce soir ! tentait d'articuler le beau blond entre deux reprises de son souffle. Tu es magnifique dans cette robe Azu'.

- J'avais remarqué que tu ne savais pas que je venais, fis-je en indiquant d'un mouvement de la tête la brunette qui nous observait, manifestement emplie de rage si je jugeais par son regard mitrailleur.

- Ce n'est pas ce que tu crois, bébé !

- Ah tiens, un classique celle là !

- ça fait des semaines que j'essaie de te joindre, Azu, dit-il en se rapprochant doucement de moi. Tu ne m'a jamais répondu, je m'inquiétais pour toi.

- C'est donc ça ta façon de t'inquiéter ? m'exclamais-je reculant face à lui. Je vois que tu es en bonne compagnie, je ne vais pas te gêner plus longtemps. Je m'apprêtais à partir de toutes façons. Bonne soirée Aaron.

Il me retint par le bras alors que je m'éloignais de lui, je me dégageais de son emprise avant de faire volte-face et d'affronter à nouveau son regard de chien battu, celui qu'il avait l'habitude de faire lorsqu'il savait qu'il avait merdé.

- Je ne savais plus si on étais toujours ensemble, Azura. Tu ne peux pas juste m'ignorer pendant u mois et venir me faire la morale lorsqu'une fille s'approche de moi !

- Tu as ta réponse maintenant, finis-je par déclarer une pointe de colère dans la voix.

Je m'attendais à ce que le revoir ce soir n'allait pas être chose facile, mais cela se passait de la pire des façons possible.

- Il ne s'est rien passé entre Sherry et moi, et tu devrais le savoir car bien sûr que tu sais que je t'aime, que je suis fou de toi même, que je ferais tout pour toi mais ça n'a jamais été réciproque n'est-ce pas ?!

Ses mots me firent l'effet d'une bombe, mon myocarde s'étais mis à s'accélérer, tant que j'étais persuadée que l'on pouvait l'entendre battre par dessus la musique de sauvages qu'ils passaient. Etait-ce réciproque ? Je ne savais plus, le voir avec une autre m'avait vraiment fais du mal ?

Ma relation avec Aaron était des plus paisibles depuis que l'on s'étais mis ensemble, quelques petites disputes par ci et là mais rien de bien sérieux. Mais récemment, il était vrai que nos embrouilles devenaient de plus en plus conséquentes. J'avais arrêter de lui parler pendant un mois entier et je ne m'étais jamais posé la question de : Est-ce qu'il me manquait ? Mais avait-on vraiment besoin de se poser ce type de question pour le savoir ?

Le jeune homme à la chevelure dorée vint me prendre les mains, et je sentais à sa voix brisée qu'il allait mal. Il allait mal et c'était de ma faute. J'étais rester pétrifiée devant lui, incapable de lui répondre pendant qu'il enchaîner ses mots qui venaient tour à tour me poignardaient le cœur.

-Est-ce que tu as ressenti de la douleur lorsque tu m'as vu avec elle ? ou est-ce que tu a ressenti de la colère parce que tu me voyais te filer entre les doigts ? Parle moi, putain !

Des larmes s'étaient mises à ruisseler le long de mon visage contre mon gré. Il serrait mes mains dans les siennes et je pouvais sentir toute la souffrance qui s'était émanait de nous.

- Dis-moi ce que tu ressens, Azura. Est-ce que tu es amoureuse de moi ? demanda-t-il, ses pupilles grises brillaient de larmes.

J'étais plantée là, en sanglotant face à l'interrogation de ce garçon que je connaissais depuis toujours. Qu'est-ce que je ressentais ? Au moment ou j'avais le plus besoin de réponses, mon cerveau avait décidé de ne plus m'alimenter. J'avais beau chercher, encore et encore, je n'avais aucune réponse à lui donner. Je m'étais souvent interroger sur la nature de mes sentiments pour Aaron, il était sûr que je l'aimais, très fort. Je l'avais toujours aimé mais je n'avais connu aucun autre type d'amour que ce que je ressentais pour lui. je me mis à baisser la tête et d'une voix presque inaudible, je murmura :

- Oui, je t'aime.

Je sentais alors son étreinte se resserrer sur moi lorsqu'il me prit dans ses bras. Ses bras, cet endroit ou je m'étais toujours sentie en sécurité mais qui me paraissait si différent aujourd'hui. Je sentais son soulagement à mesure qu'il me caressait les cheveux et qu'il venait déposer des petits baisers sur le haut de mon crâne. Ca c'était arrangé, alors pourquoi je ne me sentais pas soulagée à mon tour ? Pourquoi est-ce que je ressentais cet étrange sensation d'être prise au piège dans ces bras qui autrefois m'apportait la liberté ?

- Si tu savais comme je suis heureux de l'entendre, bébé ! S'exclama-t-il avant de relâcher notre étreinte, venant s'éloigner pour me contempler, un large sourire venait illuminer son visage. Tu es si belle, Azu' !

- Merci Ron ! Tu es plutôt pas mal, toi aussi ! Ca change de te voir en costume au lieu de ton jogging habituel, finis-je par répliquer d'une fausse joie, qui je l'espérais n'était pas perceptible. Je dois retrouver Samy, je rentre avec elle mais je n'ai aucune idée d'ou elle se trouve ! Je t'appelle demain, d'accord ?

- Tu t'en vas déjà ? On vient à peine de se retrouver !

- Tu sais que ce n'est pas trop mon genre d'ambiance et je suis super fatiguée, on se prévoit une sortie plus calme dans la semaine si tu veux ? proposais-je dans l'ultime espoir qu'il finisse par accepter et que je puisse m'enfuir à toutes jambes d'ici.

- Bon d'accord, mais je peux te raccompagner si tu veux ?

- Je ne sais pas, je ne pense pas que ce soit une bonne idée de laisser Sam toute seule ici !

- On peut rentrer tous les trois alors ! On prendra un Merkat's Burger avant de rentrer, comme au bon vieux temps, finit-il par répliquer dans un clin d'œil.

Manifestement, il ne lâcherais pas l'affaire lui non plus ! Mes deux meilleurs amis étaient aussi bornés l'un que l'autre et je cédais pratiquement à tous leurs caprices. Je lui adressais alors un petit sourire avant de hausser les épaules.

- Tu as raison, ça pourrait être sympa ! Je vais la prévenir, et toi.. tu ferais mieux de prévenir ton amie aussi.

A ces mots, il vint déposer tendrement ses lèvres sur les miennes avant de lâcher un petit rire dans sa direction.

- Elle est prévenue. Mais je vais aller prévenir les mecs que je pars ! On se rejoints à la voiture dans dix minutes, poupée !

Je souriais en signe d'acquiescement avant de m'éloigner de lui, d'un rythme bien plus rapide que je ne le devrais comme si.. comme si je le fuyais; Etais-ce le cas ?

Je me faufilais encore à travers la foule, sans me soucier de qui que ce soit. Je n'avais qu'une envie : Partir. Une fois dans le jardin, j'ai pu trouver un petit banc libre à l'écart de toute cette agitation. J'avais besoin de me poser, cinq minutes. Une fois assise, je lâchai le plus long soupir qu'il ne m'ai été possible de produire. Dans quel merde je m'étais encore fourrée bordel !

Je ne savais pas ce qui m'arrivait, pourquoi je me sentais aussi nulle et désarmée ? Tout ce que je voulais; c'était de me confier à ma meilleure amie tout en engloutissant une tonne de glace à la vanille. Une voix qui m'était insupportable vint se joindre à mes lamentations, et il ne pouvait trouver meilleur moment pour m'importuner, celui là.

- Mais qu'est-ce que tu fais ici toute seule, ma jolie ?

- Jake.

- Pour vous servir, Mademoiselle Raven, rétorqua la voix rauque du brun lorsqu'il vint imiter ce qui semblait être, une révérence.

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