Jeudi 19 septembre / 2

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Charlotte

La pauvre, elle se met dans un tel état. Je ne sais même pas si j'arriverai à capter son attention. Ses mains tremblent, ses yeux me fuient, son visage est d'une pâleur incroyable. J'aimerais la secouer pour qu'elle retrouve son aplomb, mais j'ai l'impression que cela n'aidera pas. Par quoi commencer ?

— Tu te souviens, je t'avais dit que j'avais un appétit démesuré pour le sexe.

Elle hoche simplement la tête, incapable de prononcer un mot.

— Les maladies qui touchent le mental ou les hormones ne se voient pas, en général. Elles se sentent, se devinent, se découvrent au fil du temps. Quand il te manque un bras ou que tu es sourd, c'est nettement plus visible. Facilement vérifiable. Mais ce n'est pas pour autant que tu vis moins bien qu'une personne dite bien portante. Bien au contraire. Je souffre de nymphomanie, ou plutôt j'ai une sexualité hyper active. J'ai besoin de jouir au quotidien, plusieurs fois même. Cela peut s'apparenter à un besoin d'alcool pour un alcoolique, une drogue pour un toxicomane. C'est une pulsion irrépressible, incontrôlable ou presque.

Je marque une pause pour lui permettre d'intégrer les informations.

— Si j'ai un projet qui occupe mon esprit ou lorsque les enfants sont près de moi, j'arrive mieux à diriger mes envies, mais c'est pas toujours le cas.

— Et... Tu fais comment ? Enfin je veux dire...

— Je me masturbe énormément, Julie. Le jet de la douche, mes doigts sous le bureau, un jouet en moi qui me procure des plaisirs diffus pendant une course.

Je remarque son regard changer et se balader jusqu'à mon décolleté et je ris :

— Non, en ce moment, je suis d'une sagesse exemplaire. J'ai même mis un string.

— Parce que tu n'en portes pas toujours ? s'étonne-t-elle.

Je secoue la tête et l'attention qu'elle me fixe me fait rire.

— Tu es trop prude, Julie.

Elle dodeline la tête et je tente de la rassurer.

— Cesse de t'en vouloir. Tu n'as rien fait de mal. Depuis que tu as embrassé mon mari, je l'ai trompé au moins cinq fois, si ce n'est plus.

— Et il accepte ? s'étonne-t-elle.

Je hausse les épaules et penche la tête sur le côté en guise de réponse avant de poursuivre :

— Il a compris que cela fait partie de moi. De mes défauts. Au fond de lui, je pense que non, c'est contre ses convictions, contre l'idée qu'il se fait du mariage. Il te ressemble, mais il s'est adapté à mon comportement, parce qu'il m'aime.

— Mais pourquoi ? Je veux dire... Pourquoi tu couches avec d'autres hommes ?

— Mon mari n'a pas les mêmes besoins et je l'épuise. Et qu'une pulsion peut me traverser à n'importe quel moment. Et là, vaut mieux ne pas être dans les parages, parce que j'ai besoin de sexe et très vite.

— Mais tu viens de me dire que tu te... touchais, bredouille-t-elle.

— La plupart du temps cela me suffit, mais parfois j'ai besoin de plus et si Manu ne peut pas me satisfaire, j'ai quelques copains que je vais voir et qui n'attendent rien de plus qu'une bonne baise. Avec moi ou une autre. Julie ce qu'il faut que tu comprennes c'est que je ne partage pas mes sentiments avec d'autres hommes, je partage mon corps, mon plaisir, comme je pourrais en avoir avec toi en assistant à un spectacle donné par l'école. J'adorerais revoir le spectacle avec toi encore une fois, mais si j'y assiste avec une autre copine, même si les émotions ne seront pas identiques, je sais que j'aurais du plaisir. Je n'aime pas faire durer l'acte. Je suis très rapidement excitée et je recherche uniquement la jouissance. Je deviens terriblement égoïste dans ces moments-là et c'est parfois nettement plus facile de le faire avec un homme que j'apprécie, mais dont je ne suis pas amoureuse.

— Mais... avec Manu, c'est différent non ? Enfin je veux dire le plaisir ?

— Le sexe reste du sexe Julie. Oui les baisers sont différents, mais pour le reste...

— C'est horrible ce que tu dis-là.

— Je vais te raconter une anecdote. Pendant nos vacances, nous avions loué une maison avec une terrasse sur le toit. On a fait l'amour tous les soirs, à l'abri des regards, la plupart du temps très rapidement, à peine quelques minutes. Les préliminaires m'ennuient et les câlins après j'en ai pas besoin. Manu par contre est très tactile, très attentif à ce genre de choses. Si je ne dis rien, je pense qu'il est capable de me faire l'amour sur un lit de pétales de rose. Il adore la douceur, une certaine lenteur, il peut passer des heures à faire un massage, pour finir par quelques caresses ciblées et commencer seulement à ce moment-là à se masturber et cela m'ennuie. La dernière nuit passée en vacances, je l'ai laissé me faire l'amour comme il le désire. Je n'ai rien dit, mais j'ai surtout rien senti. Je veux dire que pour la première fois, j'ai simulé mon plaisir. Je n'ai pas joui alors que je t'assure que je suis capable de le faire en quelques secondes. Mais tous ces chichis m'ennuient. Parfois je le laisse faire, mais je reste frustrée et il le sait, le sent. Et du coup, nous sommes deux à ne pas être satisfait.

— Je... je ne savais pas. Cela ne doit pas être facile.

— Habituellement, je le vis parfaitement bien. Manu a mis quelque temps à me comprendre et me rappelle parfois que c'est lui mon mari. Ça signifie qu'il aimerait que je ralentisse mes rencontres. Si je ne baise pas plus souvent avec d'autres, c'est uniquement pour ne pas le blesser.

— Donc, en d'autres termes... Pour toi, Manu ou un autre...

Je me penche en travers de la table, lui fais mine de s'approcher de moi et lui chuchote :

— J'ai besoin d'une queue pour jouir. À qui elle appartient, je m'en contrefous.

Julie pose une main sur sa bouche, sans doute pour éviter de me gronder.

— J'aime Manu, n'imagine pas l'inverse. Je l'aime du plus profond de mon âme et je ferais tout pour lui. Je calme mes ardeurs quand il m'en fait la remarque. J'ai aussi essayé certains médicaments, mais rien ne me convient. Soit je deviens complètement stone et c'est drôle ni pour lui ni pour moi, soit cela n'a aucun effet. La seule chose qui semble m'apaiser, ce sont les rendez-vous chez mon psy. Sans me juger, il m'explique les réactions des personnes que je ne comprends pas.

— Comme les miennes ?

— Oui. Par exemple. Mais il a réussi aussi à dédramatiser mon cas et j'ai arrêté de culpabiliser, de me dire que j'étais le diable en personne ou simplement une salope. Je pratique le sexe comme d'autres s'adonnent à un sport intensif.

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