Mardi 2 juillet

3 minutes de lecture

Charlotte

— Ah enfin ! Tu me snobes ou quoi ? explosé-je lorsque Julie décroche enfin son téléphone.

— Charlotte ? Désolée… je sors d’un entretien. Je dois reprendre la voiture. Je peux te rappeler cet après-midi ?

— Tu as bien trois minutes. Au moins pour me rassurer. Ça fait deux jours que je veux te parler.

— D’accord. Trois minutes, dit-elle un sourire dans la voix. Je vais bien, Charlotte. C’est pas encore l’euphorie, mais les choses semblent se mettre en place doucement.

— Quelle chose ? Avec Tim ça va s’arranger ?

Peut-être que Manu a mal compris finalement.

— Non, Charlotte. Il m’a trompé et je ne supporte pas.

Toujours cette fameuse histoire de jalousie et d’appartenance des corps. Si elle arrivait à faire abstraction de ça, elle vivrait nettement mieux. J’en suis certaine.

— Mais un petit coup… de temps en temps… ça ne compte pas.

— Charlotte, je t’adore… mais nous sommes très différentes sur ce point. Encore si je le repoussais, j’aurais encore pu comprendre, mais…

— Il cherchait peut-être la nouveauté, tu sais le flirt, la séduction…

Un peu comme Manu. Je sais qu’au final, il ne couche pas si souvent avec une autre. Mais le jeu de la séduction lui plait. Et parfois cela se termine par un baiser, une caresse… Du moment qu’il y prend du plaisir.

J’entends les pas de Julie ralentir, les bipbip de la voiture, puis la portière claquer, avant qu’elle tente de parler.

— Il…

Je suis suspendue à ses mots, je crains que la conversation ne coupe et je répète :

— Il ?

— Il a fait un gosse avec une autre, Charlotte, explose Julie dans un souffle. C’est pas qu’un coup d’un soir… Il y a un enfant au milieu, un petit de deux ans qui n’a rien demandé à personne et qui… devrait grandir sans son père ?

Je devine ses derniers mots entre deux sanglots et je plaque une main sur ma bouche. Quel con ! Les larmes de Julie m’atteignent de plein fouet et je termine moi aussi assise sur ma chaise de cuisine, les joues ruisselantes et le souffle court. Je reprends mes esprits avant Julie et la supplie de me dire où elle se trouve, si je peux faire quelque chose, évidemment que non… mais je suis dans un tel brouillard que mes pensées se chamboulent. Je mets le haut-parleur le temps d'attraper un mouchoir.

Je ne suis plus très cohérente, mais j’aimerais tellement la prendre dans mes bras, lui embrasser les joues, traiter son mari de tous les noms d’oiseaux pour essayer de lui arracher un sourire et revoir ne serait-ce qu’une seconde son regard s’illuminer.

Son chagrin semble s’atténuer quelque peu, elle pose son téléphone et se mouche au moment où Manu entre dans la pièce. Il rit en l’entendant et plaisante :

— Tu regardes un reportage animalier ?

Mais rapidement, il remarque mon visage, distingue le téléphone dans ma main et panique.

— Les enfants ?

Je pose une main sur le micro, débranche le haut-parleur et murmure :

— Non, c’est Julie. Tim est un gros porc !

Ma dernière phrase semble faire rire Julie qui pouffe et s’excuse :

— Manu vient de rentrer. Je lui expliquerai, mais…

— Non, Charlotte. Je… Je veux pas qu’il prenne parti. Il bosse avec Tim et même si… je refuse de lui trouver des excuses, hein… Mais malheureusement quand tu prends ce genre de risque ça peut arriver. Laisse-moi digérer. Il faut que je rentre…

— Tu veux que je vienne te chercher ? Tu es où ?

— Lausanne. Non, non, ça ira, merci.

— Lausanne ? Qu’est-ce que tu fiches à Lausanne ?

— Entretien d’embauche. Je commence en août. Pas mal hein ? dit-elle fière d'elle.

— Tu as cartonné. Bravo. Félicitations. Je te laisse, tu sembles plus calme. Tu m’appelles avant vos vacances ?

— Promis.

Je pose mon smartphone sur la table et observe mon mari, tout penaud.

— Qu’est-ce qu’elle t’a dit ?

— Qu’elle ne voulait pas que tu prennes parti.

— Ouais, ben on s’en fout de ça. Je suis assez grand pour faire la part des choses. Balance !

J’ai promis, mais Manu reste mon pilier… je ne me vois pas lui cacher cette information et je sais qu’il n’ira pas cafeter. Il sait que c’est important pour que je garde la confiance de Julie.

— C’est énorme… Assieds-toi.

Il panique tout en tirant une chaise avant de prendre place.

— Tim s’est pas contenté de tremper son pinceau, il y a laissé une petit cadeau.

— Attends, je pige pas. Tu veux dire que la nana est enceinte ?

— Le bébé a deux ans.

— Ah merde !

C’est sorti du cœur comme mon injure à moi. Oui c’est la merde… Dans un monde de bisounours la belle-mère accepterait cet enfant et tout le monde vivrait heureux en communauté… mais ce monde-là n’est pas celui de Julie. Vraiment pas. Pour elle, son homme, son roi doit être unique et elle ne peut être la reine que d’un seul homme. Du moins un seul à la fois.

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