Vendredi 28 juin

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Julie

Je n’ai pas beaucoup dormi cette nuit-là, pas plus que Tim d’ailleurs. Il n’a pas arrêté de se tourner dans tous les sens. Finalement vers cinq heures, il s’est calmé et a enfin commencé à rythmer sa respiration de manière régulière. Je dormirai mieux la nuit prochaine, sans doute.

À six heures, je me lève et m’approche de la salle de bain pour y prendre mon peignoir. Je ne vais pas servir le café en nuisette, quand même !

La porte de la chambre d’amis s’ouvre au même instant et je me retrouve face à Manu. Il semble aussi gêné que moi, mais se permet malgré tout un regard sur mon corps, avant de retourner dans la chambre en me laissant la voie libre. Je m’enferme quelques minutes en souriant de cette timidité soudaine, alors qu’il m’a vu bien moins vêtue que ça au bord de la piscine.

Dès mon entrée dans la cuisine, j’enclenche la machine à café, sors le beurre du réfrigérateur, les diverses confitures et les paquets de céréales que je place au milieu de la table. Je place encore les bols et les cuillères et lorsque j’appuie sur le bouton pour faire mon premier café, je sens des mains sur ma taille. Sans me retourner, je sais que c’est Manu qui m’enlace.

Il pose ses lèvres dans mon cou avant de me retourner et de m’embrasser tendrement. Un frisson m’inonde. Je devrais le repousser, mais je n’en fais rien. Cela ne veut sans doute rien dire. Juste me rassurer…

Lorsqu’il s’écarte de mon visage, sans trop reculer, il me murmure :

— Joyeux anniversaire.

Je lui souris. Effectivement, c’était juste un baiser, celui que je lui avais réclamé mercredi soir.

— Café ? proposé-je.

— Volontiers.

Je remarque son envie de m’interroger sans oser. Je lui donne une tasse fumante et chuchote :

— Vas-y… Pose tes questions ! Je ne mords pas ce matin !

— Il n’a plus aucune chance ?

— Certaines choses vont devenir différentes, ça c’est sûr. Et sans doute la seule qui n’est pas prête de changer c’est la fréquence de nos rapports !

— Tu sais, même si je ne comprends pas et que je ne supporte pas comme il te traite, c’est un bon gars, je l’aime bien.

— Mais moi aussi, je l’aimais bien… je l’ai même épousé ! Faut croire qu’il y avait quelque chose de pas mal, chez lui ! Reste juste à retrouver quoi !

— T’as pas répondu ! dit-il en me fixant intensément.

— Parce que je ne connais pas la réponse, Manu. Mais je vais davantage penser à moi. Et à mes plaisirs.

— Mercredi soir, tu ne savais pas encore et nous avons bien failli…

— Je m’en doutais. Et… pour nous, ça aurait été une erreur, dis-je sans l’assurance que j’aurais aimé avoir.

La cuisine redevient silencieuse. J’aimerais qu’il mange, qu’il occupe ses mains et ses yeux. Mais ces derniers me scrutent si intensément que j’ai l’impression d’être nue devant lui.

Je tiens ma tasse entre les mains, le regard dans le vague, lorsqu’il dit d’une voix si faible que je dois tendre l’oreille :

— Tu n’as pas grand-chose à dire ou à faire pour que je plonge dans tes bras, Julie.

— Arrête Manu ! S’il te plaît, ne complique pas tout.

— Je veux juste que tu le saches. Même si j’avoue que j’ai du mal à vivre avec ça.

— Je vais essayer de gérer un problème après l’autre, si tu permets. Et les vacances vont remettre un peu d’ordre dans tout ça !

— Charlotte a peur de te perdre, si jamais tu décidais de…

— Même si je quitte Tim demain, je reste la mère de mes enfants et ce n’est pas lui qui va s’en occuper, les amener aux anniversaires ou à leur sport. Nos vies ne vont pas changer aussi radicalement. On continuera à se voir… peut-être plus dans les mêmes circonstances, mais il n’y a pas de raison pour que l’on se perde de vue.

J’aperçois le téléphone de Tim vibrer sur le meuble de la télévision. Je m’en approche et découvre un message des plus chauds.

« Mon tendre, tu es parti trop tôt hier soir, j’ai besoin de te voir. Il faut que tu me rassures. Que l’on trouve une solution pour tous les deux. Ta greluche peut bien se passer de toi pour le petit déjeuner, non ? Me fais pas languir. Je t’attends. »

Je serre les dents, et m’excuse auprès de Manu.

— Tu permets, il faut que j’aille réveiller l’espèce d’ordure qui me sert de mari !

J’ouvre la porte de notre chambre le plus doucement possible, puis je m’avance à l’intérieur jusqu’à être à côté du lit. J’hésite entre lui balancer un verre d’eau froide, allumer le plafonnier ou lui hurler dans les oreilles. Mais seule la deuxième solution ne réveillerait pas toute la maison… et encore.

Je tire la couette en bas du lit, ouvre la fenêtre en grand et laisse le soleil pénétrer dans la chambre. Tim se retourne en cherchant les couvertures d’une main. Je me penche près de son oreille et lui chuchote :

— Profite de ton dernier réveil, ta femme, pardon, ta greluche trop conne a juste envie de gerber en te voyant encore dans son lit. Ta pétasse de maîtresse te fait dire que tu n’as pas fini ta petite affaire, hier soir. Je suis bien contente que tu te sois éclaté, sans moi. J’aurai moins de remords à t’en faire baver. Mais sache qu’à la première occasion… je plonge. Et je m’envoie tous les mecs qui passent. Trop conne… la greluche ! Ben tu verras tout ce qu’elle faisait pour toi, la greluche !

— Lili…

— Et arrête avec ce surnom. Je m’appelle Julie ! Julie !

J’attrape mon jogging et m’habille rapidement. Mon programme vient d’être chamboulé, il faut que je me défoule. Je rejoins le rez et trouve Manu encore seul à la grande table.

— Ton collègue ne devrait plus tarder, dis-je en enfilant mes baskets.

Il me regarde sans comprendre.

— Au fait, avant que tu te fasses des films… Je viens de dire à ce con que j’allais me taper des mecs en nombres pour rattraper mon retard. Au moins tu es prévenu.

— Julie, fais pas n’importe quoi, juste par vengeance. Tu vas te perdre.

— Je ne vais pas faire n’importe quoi, la preuve, je ne te saute pas dessus, dis-je en enclenchant encore une fois la machine à café.

— Salut Manu, s’annonce Tim en apparaissant en bas des escaliers.

— ‘lut. Bien dormi ?

— Y a eu mieux.

— Ça… j’en doute pas une seconde, sifflé-je. Charlotte se lève à quelle heure ?

— En même temps que Maxime, j’imagine.

— Ok… Je vous laisse, je vais courir un peu. Au fait, connard sans nom, la machine à café se trouve ici, les capsules dans le tiroir et pour faire une tartine, tu as besoin d’une tranche de pain, de mettre du beurre dessus et pas trop de confiture, sinon tu t’en fous partout. Et comme la bonniche ne lavera plus tes chemises, vaut mieux que tu sois prudent.

Je n’avais pas l’intention de partir longtemps, juste attendre que Tim quitte la maison.

— Tes clés ? me rappelle Tim juste avant que je claque la porte.

Je lui montre mon trousseau en le regardant froidement. Comment a-t-il pu ? Il me dégoute. J’ai une telle rage en moi, j’en ai des hauts-le cœur affreux.

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